Gislaine Daine

[00:00:09] Elena: Je m'appelle Elena Semama [sp?] nous sommes le 3 mars 2013, je vais interviewer Gislaine Diaine pour le projet Sephardi Voices et le caméraman est Johann...John.

[00:00:25] Interviewer: And the date?

[00:00:27] Elena: I already said it.

[00:00:35] Elena: Merci de participer au projet Sephadi Voices. Pour commencer, quel était votre, quel est votre nom et prénom?

[00:00:42] Gislaine: alors je m'appelle Gislaine c'est mon prénom Diaine, née Levy [sp?].

[00:00:50] Elena: Et quel est votre, est ce que c'était votre nom à la naissance?

[00:00:54] Gislaine: Oui.

[00:00:55] Elena: Quel est votre date de naissance?

[00:00:57] Gislaine: 1946. 13 septembre, 1946.

[00:01:02] Elena: Quel âge avez-vous?

[00:01:03] Gislaine: Donc 66 ans.

[00:01:05] Elena: Et où êtes vous née?

  1. 00:01:07] Gislaine: Alors moi je suis née à, dans une ville qui s'appelait Philippeville en Algérie qui s'appelle maintenant Skikda.

[00:01:15] Elena: Et donc dans quel pays?

[00:01:18] Gislaine: En Algérie.

[00:01:19] Elena: Ok, alors on va commencer par: Où avez vous grandi?

[00:01:23] Gislaine: Alors j'ai grandi surtout à Constantine, c'est dire environ 80 kilomètres de Philippeville à l'intérieur des terres alors que Philippeville était au bord de la mer.

[00:01:36] Elena: Est-ce que tu as des souvenirs de ta chambre où tu as grandi?

[00:01:40] Gislaine: Euh la première, les dix premières années de ma vie, j'ai vécu chez mes grands-parents avec mes parents, on avait pas de logement personnel donc on vivait chez les grands-parents et donc j'ai le souvenir d'avoir dormi souvent sur des matelas par terre. Je n'avais pas de chambre. [00:02:01] Ça c'est le trait de caractère de toute mon enfance où je n'ai jamais eu une chambre à moi.

[00:02:09] Elena: Et combien de frères et sœurs as-tu?

[00:02:11] Gislaine: Alors je suis l'ainée de sept enfants. Donc y'a sept. Y'a eu sept enfants dans ma famille, ma mère a eu sept enfants et je suis l'ainée.

[00:02:23] Elena: Peux-tu me dire le nom et prénom de tes frères et sœurs?

[00:02:26] Gislaine: Alors j'ai un frère, on a tous des noms très francisés euh, même si au-delà de leur état civil on savait qu'ils avaient un nom hébraïque. Donc René, un vraiment, le premier garçon après moi, c'est René, ensuite il y a eu Jacques, ensuite Francis, Serge, Michel [m-f?] et Danielle [m-f?].

[00:02:54] Elena: Et ils ont, ils avaient aussi des noms hébraïques et français.

[00:02:57] Gislaine: Oui. Oui, oui. Ils avaient des noms hébraïques, Joseph, Élie, Yaoh, bon, il y avait des noms mais qui ne figuraient pas sur l'état civil.

[00:03:10] Elena: Et est-ce que tes parents ont fait exprès de les appeler des nom très Français?

[00:03:13] Gislaine: Oui, oui. Ils...je pense en réaction après ce qui c'est passé pendant la guerre de 39-45, ils ont préféré franciser les noms.

[00:03:24] Elena: Et étiez vous proches de vos frères et sœurs en grandissant?

[00:03:29] Gislaine: Alors comme toutes les familles nombreuses en général il y a une très grande solidarité et une très grande cohésion dans les familles nombreuses et cette solidarité s'est maintenue bien au delà du départ d'Algérie. [00:03:44] Puisque ils habitent tous dans des pays très éloignés euh, je peux te dire que René habite en Martinique, Jacqui à la Réunion, on va faire tout de suite leu rapprochement des pays du soleil, la Réunion, la Martinique, Israël, euh, la Guadeloupe et les trois derniers, Paris ou Genève.

[00:04:11] Elena: Et quel était le métier de tes deux parents quand vous habitiez en Algérie?

[00:04:17] Gislaine: Ma mère elle a été, quand elle était jeune elle était comptable mais mon père lui il a fait différents métiers, il a été surtout coiffeur.

[00:04:29] Elena: Et quand tu grandissais à quel type d'école est-ce que tu allais?

  1. 00:04:33] Gislaine: Toujours une école Française. Je n'allais pas, j'allais au Talmud Torah de...quand j'étais très jeune j'ai appris un petit peu l'hébreu mais en tant que fille pas longtemps. Et, mais sinon, toujours dans des école françaises, des lycées français. On était très francisés en Algérie.

[00:04:54] Elena: Qu'est ce que tu veux dire par "en tant que fille"?

[00:04:57] Gislaine: Ben filles pour le Talmud Torah elles y allaient un petit peu comme ça pour apprendre quelques lettres mais c'était pas pour une éducation religieuse comme on peut trouver maintenant en France ou même en Israël ou dans tous les pays Européens maintenant les filles ont une éducation religieuse et apprennent l'hébreu.

[00:05:21] Elena: Et quels sont tes souvenirs de ces années en Algérie et dans l'école publique?

[00:05:27] Gislaine: À l'école publique pas vraiment de souvenirs particuliers sinon que on avait des maitresses qui venaient de la métropole, c'est à dire la France.

[00:05:38] Elena: Et est-ce que tes grands-parents sont nées en Algérie?

[00:05:42] Gislaine: Oui, mes deux, tous mes grands-parents sont nées en Algérie soit à Sétif soit à Constantine.

[00:05:49] Elena: Et est-ce qu'il y a des histoires qui t'ont marquées, qu'ils t'ont racontés ou...

[00:05:54] Gislaine: Oui. Moi, personnellement, j'ai une histoire, comme on dit, y'a toujours des secrets de famille. Donc moi j'ai une histoire propre puisque à l'âge de 17 ans en faisant le nettoyage de Pâques j'ai trouvé une, une feuille de l'administration qui m'apprenait que ma mère était une fille adoptée.

[00:06:16] Elena: Donc...

[00:06:17] Gislaine: Donc la grand-mère maternelle que j'avais adoré et qui avec, j'avais une grand-mère maternelle qui était vraiment fantastique qui est morte très jeune puisque moi j'avais 11 ans quand elle est morte, elle est morte à 64 ans. [00:06:31] Et cette grand-mère qui était pour moi une être exceptionnelle du jour au lendemain ça été le choc de ma vie parce que je m'apercevais que c'était pas ma grand-mère de sang.

[00:06:42] Elena: Et donc ta mère est-elle juive?

[00:06:45] Gislaine: Me mère est supposée être juive puisque y'a des gens qui ont certifié que elle était d'une mère, de mère juive abandonnée sans doute dans un orphelinat de Constantine.

[00:06:58] Elena: Et est-ce que, euh, tu as appris ça à 17 ans, comment ça t'a affecté?

[00:07:04] Gislaine: Ben ça m'a affecté surtout pour elle. Parce que quand on découvre que sa mère est une enfant adoptée on a, on a un peu de compassion quand même. On a des, on est retourné. C'est un chambardement quand même. C'est à la fois triste et très émouvant.

[00:07:26] Elena: Mais ta mère est née en Algérie quand même.

[00:07:27] Gislaine: Oui, elle est née en Algérie et après quand on a pu en parler entre elle et moi, parce que finalement c'est resté un secret de famille. Elle n'a jamais voulu qu'on en parle aux autres frères et sœurs. Donc j'étais la seule de la famille à savoir que ma mère était une enfant adoptée et elle m'a fait promettre de n'en parler à personne.

[00:07:48] Elena: Donc tes frères aujourd'hui ne savent toujours pas?

[00:07:50] Gislaine: Maintenant ils le savent mais pendant des années ils ne savaient pas.

[00:07:55] Elena: Et tu as parlé de, du nettoyage de Pessah que t'as vu...

[00:08:00] Gislaine: Oui, je faisais le nettoyage de Pessah, bien sûr. À fond. Parce que j'étais l'ainée de la famille donc il fallait tout le temps aider au détriment des études.

[00:08:10] Elena: Donc tu dirais que les études ça passait après?

[00:08:13] Gislaine: Pas, pas à mes yeux. Moi les études c'était très important, j'aimais l'école mais pour ma mère il fallait que je sois une aide maternelle donc ça peut expliquer que je n'ai eu que deux enfants parce que j'ai élevé quasiment trois à quatre enfants de la famille, les trois derniers, quatre derniers.

[00:08:36] Elena: Et est-ce que tu penses que t'as eu une enfance ou...

[00:08:40] Gislaine : Alors, je pense que j'ai eu une enfance parce que j'ai des souvenirs d'enfant mais on va dire que mon enfance a été un peu bâclée parce que je suis passée très vite du stade de l'enfance au stade de l'adolescence et même de...j'ai été adulte très rapidement.

[00:08:58] Elena: Et t'as parlé de ta grand mère. Quelle était la relation que tu avais avec avant?

[00:09:03] Gislaine: Alors là c'était...c'était, ouaf, c'était l'apothéose. C'était une grand-mère comme tout le monde aimerait avoir. Parce que il y avait une très, très grande complicité et après j'ai compris pourquoi, forcément, cette grand-mère, moi j'étais sa première petite fille et elle a rapporté, en quelque sorte, toute son affection sur moi. [00:09:29] Elle a pas été une mère aimante mais elle a été une grand-mère extraordinaire qui m'a emmené partout: dans les mariages, dans les enterrements, partout. J’étais tout le temps avec elle. Même au cimetière elle m'emmenait.

[00:09:46] Elena: Est-ce qu'il y a des traditions qui te viennent à l'esprit que tu faisais souvent avec elle?

[00:09:53] Gislaine: Ben surtout cette espèce de vie sociale en Algérie, on rendait visite beaucoup aux gens qui étaient malades, quand il y avait un évènement triste ou gai il fallait 3. y participer. Il y avait toujours toute une influence musicale avec du malouf, des chanteurs, des gens qui aimaient faire de la musique traditionnelle en arabe. Et ma grand-mère parlait arabe donc...elle parlait de français aussi mais quand elle s'adressait à ses cousines dans sa famille elle parlait en arabe. [00:10:30] Si bien que j'ai appris l'arabe. Je serais incapable de la parler mais je le comprends.

[00:10:36] Elena: Et est-ce que tu vivais chez-elle?

[00:10:38] Gislaine: Je vivais chez-elle jusqu'à l'âge de neuf, dix ans. Après, avec mes parents on a quitté pour aller habiter à l'extérieur de Constantine dans une banlieue qui s'appelait Sidi Mabrouk.

[00:10:50] Elena: Et elle te parlait en arabe ou en français?

[00:10:52] Gislaine: Ah ma grand-mère me parlait en français mais elle adorait parler en arabe.

[00:10:56] Elena: Et est-ce que, par exemple, on faisait le cuisine ensemble?

[00:11:00] Gislaine: On faisait le marché ensemble. Elle m'appris à marchander, elle m'a appris à faire à manger, elle m'a appris plein de choses et m'a appris ce que suis maintenant, c'est, c'est essentiellement parce que j'ai eu cette relation privilégiée avec ma grand-mère.

[00:11:16] Elena: Et elle marchandait en quelle langue?

[00:11:18] Gislaine: En arabe. Elle marchandait en arabe forcément. Tous les petits marchands c'étaient des, c'étaient des arabes. C'était de musulmans.

[00:11:27] Elena: Et dans le quartier ou tu habitais après, après avoir vécu chez ta grand-mère, est-ce que c'était un quartier juif?

[00:11:34] Gislaine: Alors c'était un quartier à majorité juive mais il y avais aussi beaucoup d'Italiens, de Maltais de toutes sortes de nationalités mais on se sentait plutôt dans un quartier...on va dire européen. Alors que pendant les dix premières années de ma vie, j'étais dans un quartier juif et musulman. [00:11:55] C'est à dire, c'était pas un ghetto mis c'était un quartier ou il y avait absolument le mélange des deux cultures et j'avais des voisins musulmans.

[00:12:05] Elena: Chez ta grand-mère?

[00:12:05] Gislaine: Chez ma grand-mère.

[00:12:06] Elena: Est-ce que tu te rappelles de certaines choses avec les voisins musulmans?

[00:12:09] Gislaine: Bien sûr. On faisait, on torréfiait le café, on faisait de...de l'eau de rose, on faisait de la fleur d'oranger, tout se faisait dans la concession. C'était une concession, c'était une maison avec une cour et tout se passait dans la cour, un peu comme ce qu'on voit maintenant au Maroc.

[00:12:27] Elena: Donc la relation entre les juifs et les...

[00:12:30] Gislaine: J'avais des amis arabes à l'école comme dans mon voisinage. Et j'ai continué à en avoir aussi quand je suis allée à Sidi Mabrouk dix ans après ou dans mon immeuble, qui était un immeuble moderne mais un HLM, une HLM mais propre et moderne. On va dire qu'il y avait quelques musulmans qui accédaient à cet, à ce type d'habitation donc j'avais des amies musulmanes. [00:12:56] J'ai assisté à des mariages.

[00:12:58] Elena: Et tu te rappelles de certaines choses aux mariages?

[00:13:00] Gislaine: Bien sur, bien sur. Y'a des images flash qui me reviennent. Toute petite m'endormant dans un lit à côté de mon amie musulmane et en oubliant, par exemple, de récupérer mes petits bracelets en or parce qu'on avait tous des petits bracelets, on se les échangeaient.

[00:13:19] Elena: Et tu as dormi chez eux...

[00:13:20] Gislaine: Chez eux, oui. Oui. Et pourtant ça commençait un peu à barder hein? Ça commençait. Puisque quand je suis allée à Sidi Mabrouk j'avais dix ans, neuf, dix ans et que à partir de 11-12 ans on appelait ça les évènements d'Algérie. C'était la guerre. Donc on se mélangeait pas trop.

[00:13:38] Elena: Donc c'est vers 10 ans que...

[00:13:41] Gislaine: C'était en 1957, '53 que la, l'insurrection a commencé et en '57-'58 on était déjà à Sidi Mabrouk avec tout le voisinage y compris des musulmans.

[00:13:57] Elena: Et est-ce que tes parent, quand vous habitiez dans, à Sidi Mabrouk, est-ce qu'ils avaient un rôle délimité dans la communauté juive?

[00:14:07] Gislaine: Y'avait pas de communauté juive parce que c'était tout un quartier juif. C'était pas un ghetto encore une fois. On...c'était très ouvert. Y'avait des synagogues, des endroits ou on se retrouvait mais c'était surtout une vie sociale. On se fréquentait par les mariages, par les Bar Mitzvah, par tout ce qui concernait la vie sociale juive. [00:14:32] Donc y'avait pas besoin d'avoir encore un lieu pour se réunir mais on se retrouvait à la synagogue.

[00:14:37] Elena: Et est-ce que les voisins arabes que tu avais est-ce qu'ils venaient chez toi?

[00:14:44] Gislaine: Faut reconnaitre qu'ils ne venaient pas souvent. Non.

[00:14:49] Elena: Et quand est-ce que vous y aviez vraiment une interaction?

[00:14:52] Gislaine: Je vais dire que il y avait des relations privilégiées. Mon père c'était un homme qui parlait très, très bien l'arabe, qui était extrêmement social et qui, il me racontait des histoires en arabe donc, forcément, il avait tout un éventail de personnes qui l'écoutait, un auditoire on va dire. [00:15:10] Donc quand il racontait des histoires, même des histoires grivoises il les, il les racontaient en arabe et moi je voyais tous ces gens rire donc j'ai essayé d'apprendre l'arabe à partir de là.

[00:15:24] Elena: Et est-ce que tu cuisinais avec les arabes?

[00:15:26] Gislaine: Cuisiner non, mais je goutais à leur plats quand c'était pas de la viande.

[00:15:31] Elena: Donc tu mangeais kasher?

[00:15:33] Gislaine: Je mangeais kasher oui. J'ai toujours mangé kasher moi.

[00:15:36] Elena: Et que ce soit à Sidi Mabrouk ou chez ta grand-mère est-ce que vous respectiez shabbat ou vous alliez à la synagogue?

[00:15:47] Gislaine: Oui, on a toujours respecté le shabbat.

[00:15:49] Elena: Et est-ce que vous aviez une certaine manière?

[00:15:54] Gislaine: Non. J'ai le souvenir d'avoir connu ma grand-mère en habit traditionnel mais c'était comme du folklore. C'était des réminiscences de ce qui c'était passé dans les quelques décennies avant. Mais la plupart du temps ils...les femmes et les hommes étaient habillés à la française. [00:16:14] Mas par exemple pour Pessah on se mettait en gandoura. Ça été, c'était traditionnel. Il fallait se rappeler le passé. Donc on se remettait en gandoura avec le, avec la petite coiffe pointue chez la femme, et c'était merveilleux de voir ça.

[00:16:33] Elena: Et est-ce que ta grand-mère et toi, la relation que vous aviez, c'était, elle était très privilégiée par rapport à celle qu'elle avait avec tes frères et sœurs?

[00:16:45] Gislaine: Euh...ben c'est à dire que moi j'étais sa première petite fille donc on a toujours une relation privilégiée avec le premier petit enfant, tout le temps. Et donc elle était avec moi comme une mère et en même temps une grand-mère. Donc j'ai vraiment idéalisé cette relation mais elle a été capable d'avoir beaucoup d'affection aussi pour les autres enfants.

[00:17:10] Elena: Est-ce que vos parents, tes parents, est-ce qu'ils étaient pratiquants?

[00:17:15] Gislaine: Traditionalistes. Tout le temps. C'est à dire que quand on sait ce que C'est d'être pratiquant religieux maintenant on réalise que nos parents étaient plutôt traditionalistes. C'était plus des coutumes que la religion.

[00:17:30] Elena: Est-ce que tu te rappelles du nom de la synagogue ou tu allais?

[00:17:32] Gislaine: Non, parce que c'est, ça s'appelait la synagogue de Sidi Mabrouk supérieur. Il y avait Sidi Mabrouk inférieur et Sidi Mabrouk supérieur et nous on préférait aller à celle de Sidi Mabrouk supérieur qui était plus grande, plus belle.

[00:17:47] Elena: Et tu y allais avec tes grands-parents?

[00:17:49] Gislaine: Mes grands-parents ils nous rejoignaient pour le shabbat mais c'était trop loin pour eux. Ça leur faisait trop loin pour marcher mais moi j'y allais. J'étais capable d'y aller seule.

[00:17:59] Elena: Quel est le nom de ta grand-mère et grand-père?

[00:18:02] Gislaine: Alors ma grand-mère elle est née Doukhan [sp?]. Elle s'appelait Rosa Doukhan [sp?] et mon grand-père Émile Salfatinésim [sp?].

[00:18:12] Elena: Et est-ce que tu peux me décrire les traditions particulières qui sont restés dans ta famille au fil des années?

[00:18:19] Gislaine: Des traditions culinaires ou des traditions...

[00:18:22] Elena: Ce qui te vient à l'esprit.

[00:18:25] Gislaine: Quand j'étais toute petite je me rappelle que pour Pessah on faisait Pessah sur des tables basses. C'est à dire que on louait des tables très, très longues et très basses et on mettait des coussins autour comme dans l'antiquité. On s'habillait à l'ancienne et on faisait la sortie d'Egypte, on fêtait en quelque sorte la sortie d'Egypte de la même façon que nos ancêtres.

[00:18:55] Ça c'était vraiment magnifique. Et ça c'est perdu à cause de la guerre. Parce que après quand on pouvait plus se rencontrer comme on voulait parce que il y avait des couvre-feux, il y avait des endroits ou on ne pouvait plus passer, c'était dangereux de sortir la nuit alors on avait tout, plus ou moins, simplifié.

[00:19:15] Elena: Est-ce que, tu m'as dit que ta grand-mère elle t'emmenait dans des mariages et des cimetières, est-ce que tu te rappelles exactement où elle t'emmenait? Est-ce que c'était des cimetières juifs?

[00:19:25] Gislaine: Bien sûr. Au point que, c'était un cimetière que je connaissais tellement que j'ai quitté l'Algérie en 1961, 20 ans après en 1981, je suis retournée en Algérie, j'ai voulu faire une pèlerinage dans le cimetière ou était enterrée ma grand-mère et je suis allée directement à sa tombe sans chercher, sans demander où elle était. J'avais donc l'habitude. J'avais cette mémoire du lieu qui fait que je pouvais aller directement sur la tombe de ma grand-mère sans avoir aucune information.

[00:20:00] Elena: Et aux mariages?

[00:20:02] Gislaine: Et alors les mariages c'était, c'était extraordinaire parce qu'il y avait toujours les fameux henné. Le henné qu'on a colporté après en France. Parce que le henné c'était presque plus important que le mariage lui-même. Mes parents, quand ils se sont mariés leur fête a duré une semaine. Ils se sont mariés le jour de la victoire, le 8 mai 1945. [00:20:27] Et ils se sont baladés dans toute la ville de Constantine en calèche, avec des chevaux. Et pendant une semaine ça été la fête. Avec les musiciens à la maison qui jouaient de du Malouf en quelque sorte, du judéo andalou. Et quand après on parlait du mariage de mes parents il y avait des gens qui venaient me raconter le mariage de mes parents en disant que ça avait été un phénomène exceptionnel parce que la fête avait duré 8 jours. [00:20:54] Mes...mon grand-père était un homme aisé mais il a tout perdu en 1929 avec la fameuse dépression.

[00:21:03] Elena: Ton grand-père du côté maternel?

[00:21:04] Gislaine: Oui.

[00:21:05] Elena: Et il était aisé?

[00:21:07] Gislaine: Il était très riche, il avait, il avait fait fortune dans le cuir. Mais il a absolument tout perdu à cause des dockers de Marseille qui avait stocké tout son matériel et qui a pourri sur place donc il est, il s'est ruiné lui-même.

[00:21:24] Elena: Mais de l'autre coté de ta famille c'était plutôt...

[00:21:28] Gislaine: L'autre côté, du côté de mon papa c'était une famille aisée mais sans plus. Mais du coup mes parents, mes propres parents étaient des gens très pauvres.

[00:21:39] Elena: Et t'as ressenti ça dans ton enfance?

[00:21:41] Gislaine: Absolument. Absolument.

[00:21:44] Elena: Est-ce que tes parents, ils faisaient parti d'une certaine organisation juive ou sioniste?

[00:21:53] Gislaine: On a pas été beaucoup démarcher en Algérie au niveau du sionisme.

[00:21:58] Elena: Tes parents ils avaient pas d'opinion?

[00:22:01] Gislaine: Si ils...ils n'ont jamais pensé à partir en Israël mais il y a plutôt ces démarches de sionistes en France, à Lyon mais en Algérie même non.

[00:22:15] Elena: Et à part votre appartement que vous aviez en Algérie est-ce il y avait d'autre possessions que vous aviez...

[00:22:22] Gislaine: On a jamais eu de possessions. On était dans une HLM, c'est des habitations à loyer modéré. On a jamais eu la possibilité d'avoir un appartement à nous. On était très, très pauvres.

[00:22:32] Elena: Et est-ce que tu as entendu parler de l'état d'Israël en grandissant?

[00:22:37] Gislaine: Moi très vite, oui bien sûr. J'ai entendu parler de l'état d'Israël, mais la première fois que, qu'on a eu la télévision, on a commencé, j'ai commencé à comprendre un certain nombre de choses y compris, voir ce qu'avait été l'holocauste. J'avais 13 ans moi quand j'ai découvert l'holocauste. Et j'ai eu toute une remise en question religieuse à partir de ce moment là. [00:23:00] En me disant dieu nous avait abandonné, c'est pas possible. Comment on a pu vivre une telle chose, nous les juifs et...pour mes parents j'aurais aimé qu'ils aillent en Israël plutôt que la France mais quand on est très pauvre on peut pas aller directement en Israël. Il faut avoir de l'argent pour partir en Israël.

[00:23:20] Elena: Mais tu, quand tu parles de ta remise en question religieuse qu'est ce qui...c'est à dire...

[00:23:27] Gislaine: Mais c'est les images. Les images d'horreur qui m'ont permis de, ça m'a permis de voir que on avait, on avait vécu enfin, les parents avaient vécu des choses horribles.

[00:23:39] Elena: Et est-ce que à ce moment là tu as commencé, est-ce que...quand est-ce que t'as commencé à sentir l'antisémitisme un peu en Algérie?

[00:23:48] Gislaine: Moi je l'ai toujours senti parce que j'ai, je m'appelle Levy. Levy c'est un passeport partout ou tu vas on sait le Levy c'est juif. Donc les petites copines, les copines françaises en Algérie déjà euh, elles étaient antisémites hein? J'ai toujours vécu avec cette hantise d'être agressée. Toujours agressée aussi bien par les musulmans que les non musulmans.

[00:24:15] Elena: Même quand tu me disais que t'étais amie avec les musulmans?

[00:24:19] Gislaine: Oui, parce que tu peux avoir une relation privilégiée avec un musulman mais tous les musulmans ne sont pas tes amis.

[00:24:26] Elena: Et est-ce que tu te rappelles certaines choses?

[00:24:28] Gislaine: De l'antisémitisme?

[00:24:29] Elena: Oui l'antisémitisme, avec des amis et voisins..

[00:24:32] Gislaine: Bien sûr mais bon, c'est des petits, des petites anecdotes sans vraiment d'importance. Mais bon, par exemple, je me souviens qu'une fois je passais dans la rue avec mes amies pour, j'était bien habillée, c'était sans doute une fête Rosh Hashana ou je ne sais pas, peut-être même Yom Kippour, je me rappelle plus exactement quelle fête, et je passais dans la rue avec des amies et j'ai reçu une pierre sur la tête. J'ai reçu une pierre sur la tête et j'ai, à l'endroit ou j'ai, j'ai reçu cette pierre j'ai encore la marque, la cicatrice. [00:25:10] Et c'était un petit musulman qui l'avait, bien, lancé quoi.

[00:25:14] Elena: Et à part ça tu te souviens pas de, d'autres...

[00:25:18] Gislaine: Ah si. Après, beaucoup plus. Quand on est rentrés vraiment dans les évènements, ce qu'on appelait les évènements d'Algérie, c'est à dire, la guerre proprement dit en Algérie alors ça je pourrais en fournir plusieurs des anecdotes hein?

[00:25:33] Elena: Comme?

[00:25:35] Gislaine: Ben, par exemple, dans l'ancienne maison de ma grand-mère il y avait tout une famille d'hommes et de femmes juives, il y avait, entre autres, une famille zerbibe [sp?] qui avait plusieurs enfants. Et puis un jour on apprend qu'un des enfants a disparu. Il devait avoir 17 ans, 18 ans. Il avait été enlevé. Il avait été enlevé vraisemblablement parce qu'il était juif. Il n'a jamais réapparu. On a jamais retrouvé son corps. [00:26:13] Il a disparu complètement de la circulation. Sa mère est devenue quasiment folle. Elle l'a cherché partout, dans tous les gourbis autour de Constantine. Elle allait dans des villages arabes, elle suppliait, elle disait, « Où est-ce qu'il est mon enfant? Où est-ce que vous l'avez enlevé? » [00:26:32] Et pourquoi je me souviens de cette histoire? C'est parce que des enfants, des gens qui disparaissaient en Algérie il y en avait beaucoup mais dans cette famille, y'a eu comme une malédiction. Parce que un deuxième fils, un jour il a pris son vélomoteur et il roulait dans, dans Constantine, il est passé dans un quartier arabe, il a eu un accident, il est tombé de son vélomoteur et les arabes du coin sont venu le secourir parce qu'il était blessé. [00:27:02] Quand il s'est réveillé ce sont les arabes du coin qui nous ont raconté l'histoire, quand il s'est réveillé, quand il a vu qu'il était dans une maison arabe il a fait une crise cardiaque. Il est mort. Tellement il a eu peur d'être secouru par des musulmans. Parce que il y avait cette hantise d'être pris chez des fellagas, chez les musulmans qui faisaient des atrocités aux gens qu'ils enlevaient. On les retrouvait en morceaux hein?

[00:27:35] Elena: Les fellagas qu'est ce qu'ils ont...est-ce que tu te rappelles de certaines choses qu'ils ont fait?

[00:27:39] Gislaine: Ils enlevaient pas mal de gens. Ils enlevaient en priorité des filles juives.

[00:27:43] Elena: Est-ce que il y avait de tes amies à toi?

[00:27:45] Gislaine: Non, parce que j'étais trop jeune moi, j'ai quitté l'Algérie j'avais 15 ans mais des filles de 18, 20 ans ils les enlevaient. C'était fréquent. On les retrouvaient plus hein?

[00:27:57] Elena: Et comment est-ce que tu as ressenti, par exemple, cette histoire que tu viens de me rencontrer puisqu'avant tu étais quand même un peu amie avec eux.

[00:28:04] Gislaine: J'ai ja...j'ai toujours fait le dichotomie entre les musulmans, on va dire, les assassins et puis les amis privilégies. Tu peux pas généraliser. Donc quand tu as une amie musulmane tu vas pas la mettre dans le même lot que ceux qui arrachaient des membres, torturaient, étaient là pour faire, pour retrouver l'indépendance. Parce que c'est ça le problème. En Algérie, les musulmans voulaient être indépendants. Ils voulaient que la France parte. [00:28:36] Donc ils ont mis dans le même sac tout le monde pour que nous partions tous. Tous les gens qui étaient Français. Hors les juifs étaient français par le décret Crémieux en Algérie. Ils étaient tous Français les juifs. C'est pas comme les Marocains ou les Tunisiens, ils étaient Français avent tout. Et quand il a fallu quitte l'Algérie et bien on est   partis parce que on était d'abord Français. [00:28:59] Mais mon père qui avait une relation très particulière, dans le sens qu'il était capable de parler avec les musulmans puisqu'il parlait leur langue. Il était, lui aussi, il avait des amis musulmans et c'est eux qui sont venus lui dire "Monsieur Levy, il ne faut pas rester. Il faut quitter l'Algérie. En tant que juif, vous devez quitter l'Algérie."

[00:29:24] Elena: Donc c'est ses amis qui ont conseillé de partir.

[00:29:27] Gislaine: Bien sûr. Parce que eux savaient ce qui allait se passer. Pour ceux qui resteraient. Et nous on est partis sur un coup de tête comme ça en '61.

[00:29:36] Elena: Qu'est ce qui a déclenché?

00:29:38] Gislaine: Ma mère venait d'accoucher, elle avait le dernier, le dernier enfant qui devait naitre, qui était né le 26 juillet et nous sommes partis le 19 septembre. C'était un jour de kippour, on a quitté l'Algérie un jour de kippour parce que c'était le seul jour ou il avait de la place sur les bateaux.

[00:30:01] Elena: Mais qu'est ce qui a déclenché le fait que ta mère, tes parents ont décidé de partir à part les voisins?

[00:30:06] Gislaine: Parce que une descente des gourbis environnants. À Sidi Mabrouk c'était la banlieue donc autour de Sidi Mabrouk y'avait des villages arabes et un jour ils ont décidé de descendre en masse, ils ont voulu quitter leur, leur bled, en fait, leur village et ils sont descendus avec des haches avec des faux avec des lances avec des armes blanches mais, mais ils avaient envie de tuer. [00:30:35] Du tuer du Français, de tuer du juif donc là on a entendu la sirène, on avait une sirène, une sirène au dessus de notre immeuble qui s'est mise à sonner et ça été le facteur déclenchant. Mon père a dit "C'est terminé, on s'en va." Alors il a vendu les quelques meubles qu'il avait mais personne ne voulait lui acheter. Il a pris les meubles, il les a jetés par la fenêtre plutôt que le leur laisser, ils les a cassés. Il a jeté les meubles du troisième étage et il adit "Vous ne les aurai pas." [00:31:03] Il a fait un container avec juste le piano et les effets personnels et on est partis. Et on est partis la veille de kippour sur le bateau.

[00:31:15] Elena: Et qu'est ce que tu as ressenti à ce moment là de partir?

[00:31:21] Gislaine: Un grand soulagement. J'étais contente de quitter. J'étais contente de partir moi. J'avais 15 ans, je laissais toutes mes amies, la famille, j'étais contente de partir. J'étais heureuse de partir.

[00:31:36] Elena: Et à part les meubles qu'est ce qui s'est passé à l'appartement de tes parents?

[00:31:42] Gislaine: Mais moi mes parents ils étaient dans une HLM alors ils perdaient pas grand chose. Mais ils perdaient tous leurs souvenirs. Ils quittaient l'endroit ou on avait vécu pendant des années. Donc c'était, c'était eux qui souffraient plus que nous.

[00:31:57] Elena: Et est-ce que t'as sauvegardé des photos ou...

[00:32:01] Gislaine: Oui bien sûr. C'était ce que je te dis, des effets personnels on a emporté. Nos photos avec nous, on a emporté tout ce qu'on a pu. Mais le gros du mobilier, les arabes savaient qu'on allait partir, pourquoi tu voulais qu'ils nous l'achètent? Ils savaient qu'ils allaient tout prendre et dès qu'on a quitté, dès qu'on a quitté l'Algérie ils ont occupé les appartements. [00:32:23] Tous nos appartements ont étés occupés et ils ont pris...tout ce qu'il restait ils le prenaient.

[00:32:29] Elena: Et est-ce que quand vous êtes partis y'a des organisations sionistes qui vous ont aidé à partir pour aller vers la France?

[00:32:36] Gislaine: Absolument pas. Absolument pas. Aucune organisation nous a aidé. Mon père il a été obligé de vendre les bijoux de ma mère pour acheter les billets pour le bateau. Il avait rien. C'était vraiment, quand on dit, une main devant une main derrière avec une valise dans le carton, on partait c'est exactement ça, des refugiés. On quittait un pays qui ne voulait plus de nous. [00:33:00] Et encore plus que les Français. Parce que les juifs étaient plus exposés que les Français. Les juifs avaient vécu des émeutes à Constantine en, je crois que c'était en 1932 ou '33, y'a eu des juifs qui ont été assassinés parce que euh, il y avait un musulman qui avait prétendu qu'on juif avait uriné sur le mur d'une mosquée. Uriné sur le mur d'une mosquée. Ils sont descendus, ils ont tué, je sais pas, une trentaine des personnes.

[00:33:34] Elena: À Alger?

[00:33:35] Gislaine: À Constantine.

[00:33:36] Elena: T'as vu?

[00:33:37] Gislaine: Non, j'étais pas née. Mais c'est, les gens avaient le souvenir de… d'émeute, de pogrom en quelque sorte.

[00:33:46] Elena: Et est-ce que tu te rappelles de ce que tu ressentais sur le bateau puisque c'était en plus la veille de Kippour et...?

[00:33:53] Gislaine: Mais, ce que je ressentais c'est que moi j'avais la chance d'être dans une cabine avec ma mère, son bébé, le dernier enfant et puis ma sœur mais tous les autres étaient dans les cales en bas. J'allais les voir, je traversais tout le bateau pour aller porter de la nourriture que nous, nous avions parce que nous étions en classe, on va dire, plutôt une classe privilégiée alors que eux étaient vraiment dans la cale. Ils n'avaient pas pu avoir des places comme nous. [00:34:25] Donc ils dormaient sur des chaises longues.

[00:34:27] Elena: Et est-ce que tu, est-ce que tes parents ils savaient où ils allaient en arrivant en France?

[00:34:33] Gislaine: Ils savaient où ils allaient. Leur choix avait été Lyon. Ils ont décidé d'aller à Lyon, donc une ville Française, mais pour une seule et unique raison c'est que j'avais un frère qui avait un problème à un œil, il avait eu une cataracte tout petit après un coup de poing dans l'œil et ils ont décidé que pourquoi pas Lyon puisque là bas il y avait le prof...un fameux professeur Paufique qui était un ophtalmo réputé donc ils ont décidé d'aller à Lyon.

[00:35:03] Ils ont décidé que c'était Lyon qu'il fallait d'abord aller à Lyon. Et à Lyon, heureusement, il y avait une vieille tante, une des sœurs de mon grand-père maternel nous a reçu les neuf dans un tout petit appartement et nous a laissé une chambre et on a dormi par terre pendant une semaine.

[00:35:22] Elena: À neuf dans la chambre.

[00:35:23] Gislaine: Ouais. En attendant de trouver un appartement.

[00:35:27] Elena: Et est-ce que....C'était quel type de quartier?

[00:35:30] Gislaine: À Lyon?

[00:35:31] Elena: Après avoir été logé une semaine dans la....

[00:35:34] Gislaine: Alors quand on a vécu si serré dans une pièce, après on accepte n'importe quel endroit. Mais on a eu plutôt de la chance parce qu'on a loué une petite villa dans un quartier de la banlieue Lyonnaise et on était bien. On était, ça s'appelait Montchat, c'était bien. On était dans une villa mais j'ai le souvenir que, que mon père à tout de suite essayé d'avoir un travail parce qu'il y avait rien, C'était au jour le jour, il fallait gagner sa vie. [00:36:07] Et il a pas été coiffeur tout de suite donc il a été ce qu'on appelle...euh, ça se dit camelot je crois. C'est quand tu vends de la marchandise comme ça dans les rues. Tu prends des lots de quelques petites choses et tu les vends dans la, dans la rue. Et lui je me souviens....

Gislaine Diane Part 2

 

 

 

00:35:31] Gislaine: Y'a quand même une confusion dans nos têtes, nous, les juifs d'Algérie parce que il y avait le problème en tant que français d'Algérie avec la guerre entre les Français et les Algériens et il y avait l'antisémitisme qui se rajoutait. Donc moi je me souviens d'épisodes on va dire, un peu dramatiques parce que ça m'a marqué dans ma vie. [00:36:00] Par exemple, un jour je devais prendre un bus, je devais prendre un quart, un bus en Algérie pour aller à Cidi Mabrouk qui était dans la banlieue jusqu'en ville, parce que Constantine c'est une ville très particulière. C'est une ville qui est construite sur un rocher. [00:36:23] J'aurais dû apporter des photos de Constantine parce que je crois qu'il y a qu'une seule ville au monde qui est construite comme ça, construite sur un rocher. Alors il y avait que deux ponts pour traverser ce rocher et il y avait un espèce, une espèce de gorge, un peu comme le canyon, comme un canyon. Et c'était très dangereux quand un était sur ces ponts dans des bus parce qu'il y avait des bus qui explosaient. [00:36:47] Et une fois, parce qu'il y avait des bombes. À cause de la guerre on mettait des bombes dans les bus mais mes parents ils avaient leurs problèmes, ils avaient beaucoup d'enfants alors je me souviens une fois, j'ai raté un bus, je n'ai pas pu le prendre parce que j'étais en retard et ce bus, dans ce bus, il y eu une bombe qui a explosé. Et le bus en question est tombé dans, dans la gorge en quelque sorte, dans le Rhummel. [00:37:19] Donc il y a des choses qui me sont restés mais ça n'a pas une relation avec l'antisémitisme hormis le fait que c'était des musulmans qui voulaient la mort des, des français. Mais quand ils mettaient une bombe dans le quartier juif ils touchaient beaucoup plus de juifs que de non juifs. Parce que c'était dans un endroit où il y avait beaucoup de juifs, forcément. Moi quand je prenais le bus pour aller voir mes grands-parents eux ils étaient dans un quartier juif, j'étais exposé à l'antisémitisme. C'est évident.

[00:37:53] Elena: Donc il y avait une différence entre la haine des juifs et la haine des français

[00:37:57] Gislaine: Tout à fait. Tout à fait.

[00:37:59] Elena: Et à part ça, c'est un des seuls évènements donc qui te reste...

[00:38:05] Gislaine: Non y'a eu beaucoup de drames. Il y a eu des drames, des enfants qui se sont fait tuer parce que, dans leur naïveté, ils courraient derrière un camion qui était conduit par des musulmans. Je me souviens qu'il y avait...le frère d'une amie qui courait après, derrière un camion parce qu'il avait vu tomber du camion une pelle. Donc il a ramassé la pelle et il criait "Attendez, attendez! Vous avez perdus votre, cette pelle." [00:38:33] Mais les musulmans qui étaient dans le, dans le, le camion ils ont cru que c'était une agression et ils ont tiré dessus, ils l'ont tué.

[00:38:40] Elena: Un petit enfant?

[00:38:41] Gislaine: Une petit garçon de 15 ans. Un garçon, un petit ado on va dire. Un adolescent. Y'avait des, des évènements comme ça qui dramatiques en Algérie, il fallait...les trois ou quatre dernières années entre 11 ans et 15 ans, chaque fois qu'on sortait on était pas sûrs de retourner à la maison. Donc j'ai arrêté comme ça, je faisais de la musique au conservatoire, on a arrêté. On allait plus voir les grands-parents, on bougeait plus de la maison, on restait tout le temps chez soi.

[00:39:13] Elena: T'as arrêté le conservatoire?

[00:39:15] Gislaine: J'ai arrêté le conservatoire à cause des évènements d'Algérie.

[00:39:18] Elena: Est-ce qu'il y a eu des lois anti-juives qui sont sorties?

[00:39:21] Gislaine: Non.

[00:39:21] Elena: Mais c'était juste par peur...

[00:39:23] Gislaine: Par peur des, des représailles. On était plus exposés nous. Parce que quand ils devaient tuer des gens, peut-être il tuaient...ils commençaient par tuer les juifs qui passaient devant eux.

[00:39:37] Elena: Et est-ce que t'as ressenti un changement dans tes voisins d'un coup? Dans tes voisins arabes?

[00:39:43] Gislaine: On se fréquentait plus. On ne se fréquentaient plus mais pas vraiment un changement parce que ceux qui était dans nos immeubles c'était pas des gens qui, qui cherchaient vraiment l'indépendance de l'Algérie. Eux ils étaient, ils étaient bien. Ils avaient dû, ils avaient quand même la possibilité de vivre dans un logement décent, même si c'était une HLM. [00:40:05] Alors que ceux qui se plaignaient, ceux qui souffraient et qui voulaient l'indépendance de l'Algérie c'était plutôt les paysans. Les fellagas. Ceux qui voulaient que l'Algérie devienne Algérienne. Plus...ils n'avaient plus besoin des Français. Ils voulaient que tous les Français quittent l'Algérie et tous les Français d'Algérie sont partis. Il a dû rester une trentaine de personnes en tout et pour tout en Algérie, des personnes très âgées.

[00:40:30] Elena: Juives ou non juives?

[00:40:32] Gislaine: Les deux.

[00:40:33] Elena: Et tu me parlais de l'antisémitisme quand tu allais à Lyon, de certains évènements dans ton école.

[00:40:41] Gislaine: Toujours. Ça toujours été l'antisémitisme, du plus loin que je me souvienne, y'a toujours eu de l'anti sémitisme en France.

[00:40:49] Elena: Et est-ce que t'as continué tes études dans... Lyon?

[00:40:54] Gislaine: Alors moi j'étais l'ainée de sept enfants donc on va dire que les dernières années, quand on est revenus d'Algérie c'était la catastrophe parce qu'il fallait s'adapter au pays, il fallait survivre sans argent, avec des moyens extrêmement restreints. Donc j'ai continué mes études mais très vite je me suis arrêté pour aller travailler.

[00:41:21] Elena: À Lyon?

[00:41:23] Gislaine: À Lyon, oui.

[00:41:24] Elena: Et tu as rencontré ton mari à Lyon aussi?

[00:41:29] Gislaine: Oui. Alors là je l'ai rencontré dans la maison communautaire juive. Y'avait une maison communautaire juive à Lyon et mes parents n'acceptaient de me laisser sortir que dans des endroits comme celui là. Et il n'y en avait pas beaucoup. Donc il y avait une grande maison communautaire juive à Lyon et j'ai rencontré Charles dans cette maison communautaire.

[00:41:49] Elena: Où exactement?

[00:41:51] Gislaine: Ben c'est à dire que c'était l'époque où même dans les maisons communautaires juives on faisait des bals, des soirées dansantes mais on invitait tout le monde, tout le monde pouvait venir. Donc j'étais allée dans ce bal en me disant "Bon, ce sera sympathique, je vais voir plein d'étudiants." Y'avait surtout des étudiants qui venaient dans cette maison communautaire. [00:42:15] Donc quand j'ai rencontré Charles c'était, je savais pas si il était juif. Je savais qu'il, il fréquentait, il était venu à la maison communautaire, lui était venu par hasard et moi j'y allais assez souvent. Donc je l'avais jamais vu mais je savais pas s'il était juif. En plus il avait un nom qui...francisé. Donc je savais pas.

[00:42:37] Elena: Il était Algérien?

[00:42:38] Gislaine: Je savais juste qu'il était Algérien et puis on s'est perdus de vue mais en fait on habitait à cent mètres l'un de l'autre dans le même quartier de la banlieue lyonnaise.

[00:42:52] Elena: Et vous vous étiez jamais rencontrés?

[00:42:54] Gislaine: Non. On s'était pas rencontrés.

[00:42:56] Elena: Et en Algérie lui in habitait où?

[00:43:00] Gislaine: Lui il habitait à Alger.

[00:43:01] Elena: Donc pas dans le même quartier.

[00:43:03] Gislaine: Pas du tout. Alger c'est à 500 kilomètres de Constantine. C'est le fait d'être venus en France qui fait qu'on se soit rencontrés.

[00:43:11] Elena: Donc quand t'es venue à Lyon t'avais quand même, il y avait quand même...quel était le rôle du [inaudible] dans ta vie après à Lyon puisque t'allais dans la communauté juive...

[00:43:22] Gislaine: Disons que je me sentais profondément juive et pour moi il était hors de question que je...

[00:43:31] Elena: Un compagnon dans la même...

[00:43:32] Gislaine: Dans la même, de la même religion. Ça c'est sûr que tout en étant pas très religieux eux-mêmes, ni très, très pratiquants au sens où on l'entend maintenant dans la religiosité, ils souhaitaient que je rencontre quelqu'un qui soit de la même religion que moi. Donc j'avais, plus ou moins, accepté l'idée. Donc forcément j'essayais de rencontrer des jeunes de mon âge dans ma, dans ma communauté.

[00:44:00] Elena: Et est-ce que...comment est-ce que tes parents se sont adaptés à Lyon? Parce que toi tu as dit que tu étais soulagée comment...

[00:44:09] Gislaine: Ah ben les gens, les personnes qui, qui venaient d'Algérie on beaucoup, beaucoup souffert. Parce qu'ils avaient laissés leurs amis, leurs familles, leurs morts en Algérie. Nous, quand on est plus jeunes on voit pas la vie de la même façon. On voit ça comme un renouveau. Mais par la suite je n'ai jamais pensé que ça aurait été mieux de rester en Algérie. Jamais. J'ai toujours pensé que ça avait été une grande chance de quitter l'Algérie.

[00:44:37] Elena: Mais tes parents, comment est-ce qu'ils ont ressenti?

[00:44:40] Gislaine: Mes parents ils ont ressenti ça comme une frustration. C'était une frustration.

[00:44:47] Elena: Et tes grands-parents, ils sont restés ou ils sont venus?

[00:44:51] Gislaine: Alors ma grand-mère était déjà morte donc...en fait, ma grand-mère maternelle était morte, ma grand-mère paternelle était morte aussi là-bas et les deux grands-pères ont suivi leurs enfants en France. Donc mon grand-père paternel a vécu avec une, avec une fille à Strasbourg et mon grand-père maternel lui est venu aussi du côté de Lyon mais il s'adaptait pas à Lyon, il faisait trop froid donc il est redescendu à Marseille et il est mort très, très vite à Marseille. [00:45:27] Il a pas supporté.

[00:45:29] Elena: Le froid?

[00:45:29] Gislaine: Le froid, le dépaysement, toutes sortes de choses.

[00:45:33] Elena: Et à Constantine il faisait, le climat était assez..

[00:45:36] Gislaine: C'était un climat continental, c'est à dire très chaud l'été et frais l'hiver mais il y avait pas des hivers comme on a en France. Très rarement de, de la neige.

[00:45:50] Elena: Et en France vous vous êtes, vous faisiez partie de quelle milieux sociaux quand vous êtes arrivés?

[00:45:55] Gislaine: On a gardé le même milieu social qu'en Algérie. On était… on a vécu dans une HLM en Algérie on a...après avoir vécu pendant un an ou deux dans une petite villa à Montchat on a demandé un appartement plus grand et pour avoir un appartement plus grand il fallait aller dans une HLM aussi. Donc c'était toujours pareil, toujours le....on change pas de milieu comme ça hein? On reste dans son milieu social toute...j'allais dire toute sa vie.

[00:46:24] Elena: Et tes frères ils ont faits une Bar Mitsvah à Lyon?

[00:46:26] Gislaine: Alors mes frères ils ont faits, ils ont tous faits leur Bar Mitsvah oui. Les filles ne faisaient pas les Bat Mitsvah mais les garçons oui. Mes frères ont faits leur Bar Mitsvah à Lyon oui, tous.

[00:46:39] Elena: Dans la synagogue de Lyon?

[00:46:40] Gislaine: Dans la synagogue de la Duchère à Lyon qui était un quartier, on va dire populaire, assez pauvre, avec quand même quelques lieux de culte. C'était pas une vraie synagogue mais c'était une salle ou on pouvait euh, lire la torah donc c'était considéré comme une synagogue.

[00:47:01] Elena: Et est-ce que vous avez continué à faire le shabbat?

[00:47:04] Gislaine: Tout le temps. Tout le temps. Mais le shabbat à la manière des Levy. Parce que le shabbat chez les Levy c'était la joie. Il fallait qu'on chante, qu'on fasse de la musique avant l'entrée de shabbat donc on arrivait tous un peu avant et puis on jouait du piano, de la guitare, de l'accordéon, tout le monde chantait, dansait et après on faisait la prière.

[00:47:28] Elena: Et le rôle...la musique ça avait un rôle important?

[00:47:31] Gislaine: Très important.

[00:47:32] Elena: En Algérie aussi?

[00:47:33] Gislaine: En Algérie aussi, oui. Mes parents, alors qu'ils étaient tous les deux d'un milieu très, très pauvre ont tout fait pour qu'on fasse de la musique. Donc il y a toujours eu un piano est c'est la seule chose qu'on a rapporté de l'Algérie. C'était un piano que mon père avait acheté quasiment neuf donc on l'à, on l'à gardé et ce piano il existe toujours chez, chez le dernier des enfants, Daniel, qui est devenu chanteur.

[00:48:02] Elena: Et est-ce que y'a des traditions que, qui sont restées?

[00:48:06] Gislaine: Les traditions culinaires oui.

[00:48:08] Elena: Comme quoi?

[00:48:09] Gislaine: Ben toutes les, tous les plats, le couscous Algérien, même le couscous constantinois qui est une variété de couscous très particulière avec que des légumes verts. Donc on est très attachés à la tradition culinaire.

[00:48:24] Elena: Et à part, amis à part les traditions culinaires, même les choses que tu faisais avec ta grand-mère, tu faisais encore ou...?

[00:48:32] Gislaine: Comme par exemple quoi? Malouf?

[00:48:38] Elena: C'est à dire malouf...?

[00:48:39] Gislaine: Ben c'est à dire écouter de la musique judéo...judéo-espagnole quoi? judéo...oui judéo-espagnole.

[00:48:50] Elena: Et est-ce que tes frères ils ont continués à aller à...ils sont...

[00:48:55] Gislaine: Mes frères sont plus pratiquants que moi encore. Maintenant y'a un renouveau dans la culture juive et dans la, dans la religion juive. C'est à dire que les, les juifs qui sont arrivés d'Algérie ont apportés tout leur savoir aux Français, aux juifs Français. Donc y'a eu un renouveau dans la religiosité et les gens, d'une façon générale ce sont plus rapprochés de la religion, grâce un peu à ce renouveau de Pieds-noirs juifs.

[00:49:28] Elena: Et est-ce que tu te sentais en sécurité à Lyon? Est-ce que tu te sentais chez toi?

[00:49:34] Gislaine:  On se sent jamais chez soi quand on est dépossédé de son, de sa terre. Là où tu es né, tu voudrais bien pouvoir retourner mais on sait qu'on ne pourra jamais retourner, nous, en Algérie. Ce sera jamais possible. Donc on se sent d'une part chez soi, ça c'est un trait caractéristique des gens déplacés. Ils n'ont plus du tout, du tout la possibilité de retourner là où ils sont, ils ont vécu, là ou ils sont nés. [00:50:05] Moi j'ai voulu le faire en 1981, j'ai eu vraiment une envie, mais viscérale de retourner en Algérie, je suis retournée en Algérie avec mon mari, qui est lui-même originaire d'Algérie, on est allés en 1981, on était partis pour rester 15 jours, on est restés 5 jours.

[00:50:23] Elena: En Algérie?

[00:50:24] Gislaine: On est repartis en a pas pu...on a pas supporté de voir ce qu'était devenu l'Algérie.

[00:50:29] Elena: C'est à dire?

[00:50:29] Gislaine: Ben c'était une Algérie islamisée complètement. Toutes les synagogues devenues des mosquées. Tous les cimetières. Certains avaient étés conservés mais d'autres avaient étés saccagés.

[00:50:43] Elena: Et est-ce que ton appartement, est-ce que tu es retournée chez toi?

[00:50:49] Gislaine: Je suis retournée mais il y avait bien sûr des musulmans qui étaient installée à notre place.

[00:50:56] Elena: Et vous avez, vous êtes pas restés plus que cinq jours parce que...

[00:51:00] Gislaine: C'était insupportable. C'était insupportable de voir ce qui était devenu l'Algérie donc, en fait moi en ce qui me concerne je peux pas parler au nom de mon mari mais moi personnellement je n'ai eu que de cesse [?] de repartir le plus vite possible de l'Algérie et de retrouver mes anciens souvenirs. Je voulais absolument pas superposer les nouveaux souvenirs de l'Algérie, les nouvelles images de l'Algérie, je voulais garder celles que j'avais eues avant de partir. [00:51:32] Donc la seule façon c'était vite de partir et de garder ce que j'avais en mémoire.

[00:51:39] Elena: Et à part, donc après tu es retournée, après ce voyage?

[00:51:43] Gislaine: Non, jamais plus.

[00:51:44] Elena: C'était la dernière fois?

[00:51:46] Gislaine: Je n'ai jamais voulu retourner en Algérie.

[00:51:49] Elena: Et à part l'antisémitisme, quand tu est arrivée en 1961, est-ce qu'il y a d'autres problèmes auquel t'as dû faire face?

  1. [00:51:58] Gislaine: Ben les problèmes de la pauvreté. Quand tu arrives dans un pays, en fait, une famille nombreuse, t'es l'ainée de sept enfants, tu imagines tous les problèmes qui ont surgi, qui, qui nous empêchaient de, de progresser vraiment. [00:52:15] Parce que quand on voit, en Algérie c'est, on va dire que on vivait tellement en communauté que quand quelqu'un avait des problèmes il était souvent, il y avait une très grande solidarité mais quand tu, quand on a quitté l'Algérie on a été tellement dispersés qu'on savait plus où étaient les membres de la famille. [00:52:34] Les frères de mon père, la sœur de mon père, ma mère, non elle n'avait pas de frères et sœurs mais toute la famille étant dispersée donc on était isolés en France.

[00:52:46] Elena: Ils sont restés les autres?

[00:52:47] Gislaine: Personne est resté. Tout le monde est parti. Mais on savait pas où ils étaient, il a fallu du temps pour les retrouver. Donc il y a eu un dénouement de la famille?

[00:52:57] Gislaine: On va dire qu'il y a eu une dispersion encore pire, pire que tout le reste quoi. Et avec tout les problèmes liés à la, aux difficultés d'adaptation de la vie française, avec tout ce que ça comportait parce que la vie était chère et puis aussi parce qu'il faisait froid. On a tous, tous souffert du froid. On avait l'habitude d'être dans un pays ou on voyait le soleil tous les jours, on arrive dans des, dans des villes, la pluie, le verglas, la neige. Mal couverts, mal chauffés, mal nourris.[00:53:36] Donc C'était une adaptation extrêmement difficile.

[00:53:39] Elena: Est-ce quelle était plus difficile pour tes parents que pour toi et tes frères et sœurs?

[00:53:45] Gislaine: Il me semble, il me semble qu'elle était plus difficile pour mes parents parce qu'ils voyaient que, bon, il y avait des, des jours où y'avait plus rien à manger quoi? Il fallait aller travailler. Ma mère ne pouvant pas travailler parce qu'elle avait toujours un enfant encore une fois, elle avait toujours un enfant dans les bras, le petit dernier quand il est arrivé il avait 21 jours en France donc elle pouvait pas sortir. [00:54:11] C'est mon père qui travaillait.

[00:54:13] Elena: Et qui a dû arrêter son métier de coiffeur au début.

[00:54:15] Gislaine: Au début il trouvait pas de...il trouvait pas à être embauché comme coiffeur. Après il a trouvé un poste dans un salon de coiffure et il ne l'a pas quitté jusqu'à sa retraite.

[00:54:27] Elena: Et quand vous êtes arrivés à Lyon c'était quoi la priorité?

[00:54:31] Gislaine: Se chauffer.

[00:54:32] Elena: Se chauffer. Et comment est-ce que vous avez préservé votre héritage sépharade?

[00:54:39] Gislaine: Bah je pense qu'il c'est fait naturellement par le chant, avec les prières, avec les traditions, avec, encore une fois notre façon de vivre et de communiquer avec les enfants, avec les autres personnes qui étaient dans les mêmes situations que nous. Et surtout, il faut bien reconnaitre que c'était dans les synagogues que on retrouvait un peu l'ambiance qu'on avait laissé en Algérie. [00:55:05] Parce qu'on retrouvait, il y avait des synagogues d'Algériens. C'est à dire que quand tu arrivais en France tu essayais d'aller dans une synagogue où on pratiquait le rite Algérien de même que les Tunisiens préféraient écouter les prières à la mode tunisienne ou les Marocains à la mode marocaine. Parce que chaque, chaque communauté....

[00:55:26] Elena: Et tes amis à Lyon ils étaient juifs?

[00:55:30] Gislaine: Au début j'ai eu des amis non juifs mes premières amies étaient des non juives. Parce que, justement j'étais pas dans un quartier juif. Après je me suis fait des amis, j'ai retrouvé, j'ai retrouvé mon amie d'enfance de la maternelle. Actuellement j'ai mon amie d'enfance euh, qui s'appelle Néliamare [sp?] et bien, je lai connue quand j'avais trois, quatre ans et je la rencontre toujours.

[00:56:00] Elena: Donc elle a émigré en même temps que vous?

[00:56:02] Gislaine: Elle avait par, incroyablement, oui, elle se retrouvait à Lyon. On a pu se retrouver à Lyon.

[00:56:10] Elena: Et aujourd'hui, quelles sont les traditions aujourd'hui, ou même quand t'es arrivée à Lyon, quelles étaient les traditions les plus importantes?

[00:56:19] Gislaine: Au niveau de la religion?

[00:56:20] Elena: Oui.

[00:56:22] Gislaine: C'est de se rapprocher le plus possible du judaïsme mais peut-être avec la tendance c'était maintenant de, d'essayer de comprendre ce qu'on faisait. Parce que tant qu'on était en Algérie on n’avait pas besoin de comprendre. C'était comme ça. On faisait toutes sortes de choses mais sans vraiment se poser de questions et puis quand on est arrivés en France on s'est demandé "Tiens mais pourquoi est-ce qu'on fait telle tradition? Et pourquoi on fait plus cette tradition?" [00:56:51] Par exemple il y avait une tradition en Algérie qui voulait que, quand on faisait le pain de shabbat, on gardait toujours un pain pour les pauvres. Et il y avait une personne qui passait dans la rue qui criait, en arabe, "Vous avez du pain? Vous avez du pain?" et on descendait donner une challah pour les pauvres. Oh bien sûr, en France on l'a plus refait ça, c'était perdu. Et il y avait d'autres moyens. On fait plus de tsédaka en France.

[00:57:23] Elena: Vous, vous avez perdu ces traditions mais gagné d'autres.

[00:57:26] Gislaine: On en a gagné d'autres. Oui. Je pense qu'on a gagné, on a gagné beaucoup aussi à être sortis de l'Algérie.

[00:57:33] Elena: Comme quoi comme traditions?

[00:57:35] Gislaine: Parce qu'on c'est rapprochés. On a pas recréée des ghettos en France mais on...y'a quand même des quartiers ou on se retrouve beaucoup plus en communauté. Dans le 17ième arrondissement à Paris on a le 16ième, le Valois, y'a quand même des endroits ou on se retrouve beaucoup plus facilement. Donc arrive à se rapprocher.

[00:58:00] Elena: Et aujourd'hui en quoi est-ce que te revendiques? Est-ce que tu te revendiques en tant que juive, pied-noir, Algérienne?

[00:58:08] Gislaine: Surement pas Algérienne, non. En tant que juive toujours, bien sûr. Pied-noir, on est une espèce en voie de disparition. À quoi bon? À quoi bon se revendiquer pied-noir puisque petit à petit on va disparaitre et il restera plus de pieds-noirs en France mais par contre ce qui nous tient le plus c'est le judaïsme. [00:58:32] Et il se trouve que, bon, moi je suis croyante donc je suis plus proche encore de ce côté là. Essaye de l'inculquer dans ma famille, de les emmener à la synagogue mais c'est pas toujours facile hein? Parce que les jeunes de maintenant ils préfèrent aller dans d'autres lieux que les synagogues. Mais c'est vrai que c'est devenu un but en soit pour moi. Non pas parce que j'ai vieilli mais parce que je suis profondément croyante. [00:58:59] Et je suis profondément croyante et on va revenir toujours à la même chose, c'est parce que j'ai une éducation juive tellement originale avec cette grand-mère qui m'emmenait partout, qui m'a fait prendre conscience que j'appartenais à un peuple. Cette grand-mère qui me montrait le bon comme le mauvais côté des choses de la vie et qui une fois m'a dit en passant devant une maison, ça c'est un truc important que j'aimerais te dire. [00:59:26] C'est qu'une fois je suis passée devant une maison et elle m'a dit "Tu vois ma fille, là, y'a eu une fois un miracle. Parce qu'il y avait un homme qui était para...paralysé dans son lit et y'a un ange qui est passé et qui, qui lui a fait une prière et il s'est levé." Mais qu'est ce que tu me racontes? Elle me dit "Oui, oui, tout le monde parle du miracle de ce paralysé qui s'est levé." Et puis dans la tête d'un enfant ça te marque. [00:59:55] Et je lui ai demandé quelle est cette prière? Elle me l'a enseigné quand elle est morte j'avais 11 ans et je la connais toujours. C'est le Chéma. C'est elle qui m'a appris le chéma Israel. C'est absolument incroyable comment on peut être influencé par l'éducation on peut avoir. Alors forcément quand on a éduqué avec cet esprit du judaïsme, mais le côté, le bon côté du judaïsme d'être, de faire le don de soi, d’être toujours à l'écoute de celui qui est malheureux. [01:00:33] De celui qui souffre, de celui qu'on peut aider. Ça elle me l'a inculqué et ça m'est resté.

[01:00:41] Elena: Est-ce que tu trouves aujourd'hui en regardant ce qui c'est passé dans ton passé que la France a été une terre d'accueil?

[01:00:50] Gislaine: Ça reste une terre d'accueil la France. C'est le pays des libertés. C'est le pays où tu as le droit de dire ce que tu penses, c'est le pays de la révolution française, faut pas oublier. Les juifs pendant la révolution française ils ont eu leur statut enfin reconnu, enfin, en tant que juifs. Ça reste une terre d'accueil et de liberté. Malheureusement, au 21ième siècle on retombe dans l'antisémitisme et cette fois c'est bel et bien l'antisémitisme musulman qui prédomine. [01:01:19] Parce qu'avant c'était l'antisémitisme, on va dire, de tous les peuples. Maintenant c'est l'anti sémitisme islamique.

[01:01:28] Elena: Est-ce qu'il y a des exemples aujourd'hui qui te marquent, qui se sont passés?

[01:01:31] Gislaine: Mais moi j'ai eu la possibilité de faire l'expérience de travailler dans un endroit, dans une banlieue, on a va dire très populaire à Asnières où je me suis retrouvée avec des musulmans et des noirs, des noirs musulmans, des blacks musulmans, moi je l'ai eu c'est [?]. On va dire c'était une opportunité de travailler à Asnières et je me suis fait cette réflexion, je me suis dit, tu te rends compte? [01:02:00] T'as été renvoyée d'Algérie et tu te retrouves dans un quartier à travailler à Asnières dans un quartier où tu n'aurais, parce que ce que je suis orthophoniste, j'étais orthophoniste, "speech therapist" en anglais, et bien, je n'avais que des enfants en rééducation qui étaient soit musulmans d'origine algérienne, soit musulmans d'origine tunisienne, égyptienne, marocaine et beaucoup, beaucoup de noirs musulmans. [01:02:35] Et qui savaient que j'étais juive. Mais qui venaient quand même chez moi. Ils savaient, les parents savaient.

[01:02:45] Elena: Et ça fait quoi? Ça t'a fait ressentir quoi de savoir que tous....

[01:02:48] Gislaine: J'ai trouvé que c'était, c'était...C'était assez insolite que je revienne en quelque sorte travailler avec des gens comme ça et j'ai eu quand même des froids, des problèmes parce que j'étais juive aussi.

[01:03:07] Elena: Comme quoi?

[01:03:08] Gislaine: Bah, des agressions, une agression une fois.

[01:03:12] Elena: Par tes clients?

[01:03:13] Gislaine: Oui mais c'est toujours des gens un peu dérangés. Mais dès qu'on se trouve dans un endroit où on, tu vas, tu vas afficher que tu es juive, parce qu'il y en a beaucoup qui le cache en France. Mais dès que tu affiches, tu ne le cache pas, même si tu ne l'affiche pas, tu ne le cache pas, si on te pose la question tu vas pas, tu vas pas de défiler. [01:03:38] Moi ils me disent "Madame Diaine, est-ce que vous êtes juive?" Oui je suis juive. Oui. Ah, on aime bien être soigné par des juifs mais maintenant on est aussi la cible de ces mêmes musulmans.

[01:03:55] Elena: Et est-ce que tu peux me donner des exemples d'agressions? Ou même pas forcément dans ton métier juste dans la vie à Paris.

[01:04:01] Gislaine: Moi je n'ai pas été agressée personnellement. Mais j'avais peur. J'avais peur de prendre certains, certains enfants. Ne serais-ce qu'en voyant l'attitude de leurs parents avec des mères qui arrivaient avec des burqas ou, ou des pères avec des djellabas, de grandes barbes. J'avais peur. Je me protégeais.

[01:04:26] Elena: Et est-ce que tu te considères comme une réfugiée ou une immigrée aujourd'hui?

[01:04:33] Gislaine: Je ne sais pas. Je ne pourrais pas répondre à cette question. Je pense que je suis partie assez jeune pour, pour...pour ne pas avoir vécu cette...

[01:04:48] Elena: Déracinage.

[01:04:49] Gislaine: Ouais, cette...de ce déracinement.

[01:04:54] Elena: Et, mais, ta terre d'accueil aujourd'hui ce serait quoi?

[01:04:59] Gislaine: Idéalement?

[01:05:00] Elena: Juste, si je te dis aujourd'hui, quelle est ta terre d'accueil?

[01:05:04] Gislaine: Mais je pense que c'est Israël.

[01:05:06] Elena: Et quelle identité tu as transmise à tes enfants après tout ça?

[01:05:14] Gislaine: Mais l'identité ça reste quand même l'identité juive en priorité mais tout en étant, en s'adaptant dans les endroits où ils vont vivre hein? Parce qu'on peut pas exiger comme juifs de vivre en Israël. Par contre on sait, bon, on a une maison. Comme, justement, parce que, justement parce qu’on est plus dans nos terres d'origines donc notre maison à nous c'est Israël. [01:05:41] Si maintenant on me disait "Où est-ce que vous aimeriez vivre?" j'aimerais mieux vivre en Israël. Malgré tous les problèmes parce que on, on s'improvise pas israéliens comme ça.

[01:05:53] Elena: Mais où est-ce que tes enfants et frères et sœurs vivent aujourd'hui?

[01:05:57] Gislaine: Dans les pays de soleil. Beaucoup dans les pays de soleil. Là où ils peuvent retrouver un peu l'Algérie qu'ils ont perdue.

[01:06:05] Elena: Ah tu penses que c'est...

[01:06:07] Gislaine: Oui, c'est dans leur têtes quelque part, oui.

[01:06:10] Elena: Qu'ils ont choisi des endroits au soleil.

[01:06:12] Gislaine: Oui.

[01:06:14] Elena: Et sur ta vie, quel impact a eu ce statut d'immigré, de réfugié ou juste d'avoir dû émigrer dans un autre pays.

[01:06:26] Gislaine: Moi ça été une chance. Pour moi avoir émigré, ou être réfugié en France au départ être dans l'immigration an France, ça été une grande chance d'avoir de ces pays là. Parce que d'abord parce que je suis une femme et que les femmes n'ont pas tellement leur mot à dire dans les pays arabes. Et puis surtout parce que je serais restée en Algérie je ne sais pas avec le même statut si je...je pense pas que je serais devenue ce que je suis devenue si j'étais restée en Algérie.

[01:06:59] Elena: Est-ce que tes frères et sœurs sont retournés en Algérie?

[01:07:02] Gislaine: Jamais.

[01:07:02] Elena: Jamais.

[01:07:03] Gislaine: Personne. Je suis la seule.

[01:07:06] Elena: Et quelqu'un qui regarde l'interview maintenant, quel message tu souhaiterais leur transmettre? Quel que ce soit.

[01:07:13] Gislaine: Quel que soit la personne qui est en face de moi?

[01:07:16] Elena: Ou juste quelqu'un qui écoute l'interview et....

[01:07:19] Gislaine: Ben je crois que, que moi personnellement je pense que le message que j'aimerais laisser c'est que il faut pas se renier...

[01:07:25] Gislaine: Et puis être fier d'être née juive et de, de le demeurer mais dans la dignité. Il faut rester toujours dans la dignité.

[01:07:38] Elena: Alors merci d'avoir participé à cette interview pour le projet Sephardi Voices.

[01:07:46] Elena: Peux-tu décrire qui est sur cette photo et quelle est la date?

[01:07:49] Gislaine: Là je pense que ça c'est l'année de ma naissance. C'est la tante de mon papa chez qui ma maman a accouché donc je suis née dans sa maison.

[01:08:01] Elena: En quelle année?

[01:08:02] Gislaine: 1946.

[01:08:20] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:08:23] Gislaine: Alors cette photo a été prise justement en France à Strasbourg et c'est mon grand-père paternel de retour d'Algérie. On voit qu'il est très morose, très taciturne.

[01:08:34] Elena: En quelle année?

[01:08:37] Gislaine: Je pense que c'est dans les années '63. '62-'63.

[01:08:47] Elena: Peux tu me décrire cette photo?

[01:08:49] Gislaine: Alors cette photo on voit mon père et ma mère avec mon grand-père maternel. Ici ne figure que six enfants parce que le dernier n'était pas encore né. Donc c'est en 1959.

[01:09:12] Elena: Peux tu décrire cette photo et en quelle année elle a été prise?

[01:09:15] Gislaine: Là on, on voit mon papa qui me tient la main. Mon père, là j'ai deux ans et demi, trois ans donc c'est en 1949. [01:09:28] Ici c'est sur une...la célèbre place de la Brèche à Constantine. Donc je suis avec deux de mes frères et j'ai euh, on va dire sept ans.

[01:09:49] Elena: Peux tu décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:09:52] Gislaine: Ah ben là, moi je suis sur le, sur cette photo, c'est...alors là je pourrais pas dire la date exacte mais ça doit être la maternelle, encore la maternelle donc j'ai cinq, cinq ans et demi.

[01:10:07] Elena: 1951?

[01:10:08] Gislaine: 1951.

[01:10:16] Elena: Peux tu me décrire la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:10:19] Gislaine: Alors sur cette photo on voit la tante de mon père, c'est en 1946, c'est l'année de ma naissance puisque je suis née dans sa maison, un accouchement à la maison.

[01:10:36] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:10:39] Gislaine: Alors ça c'est dans les années '62-'63 à Strasbourg, c'est mon grand-père paternel avec un de ses fils à Strasbourg. On voit combien il est morose et triste.

[01:10:59] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:11:03] Gislaine: Alors c'est une photo qui a été prise en 1959. On voit toute la famille, ou presque, il manque le petit dernier. Six enfants avec mes parents et mon grand-père maternel, ma grand-mère maternelle étant déjà décédée.

[01:11:30] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:11:32] Gislaine: C'est mon, mon père qui me tient par la main et je dois avoir deux ans et demi donc en 1949.

[01:11:47] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:11:49] Gislaine: Alors c'est une photo qui été prise sur la place de la Brèche à Constantine. La petite fille c'est moi avec mes deux frères, les deux premiers garçons. Si j'en juge par ma taille j'ai sept ans, six-sept ans donc c'est en 1952-53.

[01:12:12] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:12:15] Gislaine: C'est, c'est une photo qui a été prise à l'école maternelle, à l'école Jean-Jacques Rousseau à Constantine dans le quartier, un quartier justement judéo arabe de Constantine.

[01:12:38] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:12:40] Gislaine: Alors là c'est déjà un peu plus tard, en 1952-'53, c'est le CP, toujours à l'école Jean-Jacques Rousseau.

[01:12:49] Elena: Et tu es où sur la photo?

[01:12:51] Gislaine: Alors sur la photo je suis là.

[01:12:56] Elena: Peux tu me décrire qui est sur la photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:12:59] Gislaine: Alors pareil, en '52-'53 alors cette photo est intéressante parce que on voit les deux grand-mères habillées avec des costumes traditionnels des gandouras et des chapeaux, enfin des coiffes de l'époque.

[01:13:14] Elena: Elle sont où les deux grand-mères?

[01:13:16] Gislaine: Ici et là.

[01:13:23] Elena: Peux tu me décrire cette dernière photo et quand est-ce qu'elle a été prise?

[01:13:26] Gislaine: Alors cette dernière photo a été prise en 1973, non, 1993 il me semble.

[01:13:35] Elena: 1995.

[01:13:37] Gislaine: En 1995 oui puisqu'on voit, on me voit ici avec mon père et ma mère et la petite [inaudible].

[01:13:47] Elena: 1973?

[01:13:49] Gislaine: 1993.