[00:00:02] Lisette: Hello this is en inter...c'est une entrevue avec, pour Sephardi Voices qui prend place à Montréal, Canada le 1er mai, 2016 c'est avec M. Moise Amselem et euh, je m'appelle Lisette Shashua. Le photographe c'est Hugo Duford. Merci. 

[00:00:41] Lisette: Votre nom entier s'il vous plait. 

[00:00:44] Moise: Alors mon nom est Moise, mon prénom Moise. mon nom de famille c'est Amselem. 

[00:00:50] Lisette: Et vous êtes nés en quelle année?

[00:00:54] Moise: Je suis né en, le 4 juillet, 1932 à Larache. C'est le nord du Maroc. C'est une ville qui était construite par les Romains et portait le nom Lixus. C'était vraiment un endroit où il y a avait beaucoup de monuments romain avant cette ère là.

[00:01:17] Lisette: Et vous êtes, euh, l'endroit c'appelle comment? 

[00:01:23] Moise: Je suis né à la maison chez mes parents. Ma mère [hebrew] elle a accouché à la maison comme toutes les femmes. Y'avait pas de cliniques à l'époque. Et j'étais un bébé très, très gentil. J'avais beaucoup de tantes qui s'occupaient de moi. J'étais un garçon épanoui. J'étais un garçon...j'étais leader [inaudible] déjà tout petit je m'étais occupé déjà, déjà lors, quand j'habitais à Tanger à l'âge de 11 ans j'avais commencé à créer une société de bienfaisance. [00:02:05] On tapait dans les portes des gens et on leur demandait de l'argent pour les pauvres. Déjà ça. Et je ne suis pas resté longtemps à Larache mais c'était une époque très tranquille, il n'y avait pas de problèmes à Larache. La famille royale française habitait toute à Larache. Ils étaient 14 princes je crois. Et le roi et la reine de France habitaient dans un palais en face de la maison. [00:02:37] Et ils avaient une école à eux mais on pouvait aller étudier à cette école mais moi, à côté de la maison il y avait l'école de l'Alliance israélite et j'ai commencé là bas à l'Alliance israélite de Larache.  Après la guerre, pendant la guerre, on est venus à Tanger travailler, mon père est venu travailler à Tanger. Il était tradition [?] pharmacie, on s'est transférés à Tanger. [00:03:01] Alors Tanger c'était la ville internationale et naturellement je suis allé aussi à l'école de l'Alliance israélite à Tanger. Et quand j'ai passé mon certificat d'étude à Tanger mon père a dit, "J'ai [inaudible] pharmacien. Moi je suis technicien je veux pas avoir une pharmacie. [inaudible]" Bah d'accord, pharmacien. Mais pour faire pharmacien en France il était interdit un juif d'aller dans un lycée français. 

[00:03:32] Pour faire des carrières pharmaciennes, médecin, des carrières professionnelles comme ça les juifs n'étaient pas acceptés. Déjà par le protectorat français. Alors mon père m'a pris pas la main et m'a dit, "Viens on va aller chez le curé." Les frères marianistes, c'était une [inaudible] religieuse catholique qui était, qui était, qui siégeait à Saragossa en Espagne et qui donnait l'enseignement à l'époque c'était pour moi l'enseignement secondaire. [00:04:08] Pour aller faire un bac, baccalauréat et aller faire après l'université. Alors je me suis bien débrouillé parce que j'ai pu faire deux années à la fois et à la fin j'ai obtenu le diplôme de baccalauréat de l'Université de Grenade. Après mon père m'a amené à Madrid et il m'a dit, "Je sais que tu aimerais être médecin et si tu veux, voilà, on est ici, la faculté de médecine est là, la faculté de pharmacie est là, alors si tu veux, on va là." J'ai à papa, tu as toujours rêvé que je sois pharmacien on va aller à la pharmacie. [00:04:55] Et je me suis installé à Madrid. À Madrid déjà c'était le régime franquiste. C'était très difficile d'être juif. Très difficile pouvait pas [inaudible] rien. On avait une synagogue dans un sous terrain, pas qu'on voit la synagogue, dans un sous-sol. Un monsieur qui n'avait pas d'enfants a dit, "Mon enfant c'est la synagogue." C'est un rescapé de la shoah dans les années '52, '53. [00:05:28] On priait là bas, tous les étudiants, surtout les étudiants de Tétouan. Il y en avait beaucoup qui faisaient médecine. Les étudiants de Melilla aussi du nord du Maroc et des étudiants de Ceuta et de Tanger il 'y avait que moi. Et Tanger ou quoi ils allaient tous vers le commerce. C'est vrai. Alors je, j'ai commencé avoir, après la deuxième année, avoir beaucoup de difficulté à vivre juif. Parce que ma mère m'envoyait des choses qui sont kasher et je le coupais et on me faisait les œufs avec des saucisses alors je mangeais ça à tous les jours. [00:06:07] Un moment c'était impossible. Mais là je vais vous raconter une anecdote qui m'a fait exploser dans mon identité. 

[00:06:16] On était à la synagogue tous les étudiants et  il y avait à l'hôpital un jeune, un jeune juif qui habitait Melilla et qui avait une maladie très, très grave. Je vous dirai pas quelle grande maladie mais c'était en stade final. Et les étudiants juifs sont aller le veiller. Les étudiants en médecine sont allés le veiller. Mais y'avait un curé dans la chambre et le curé voulait le convertir au catholicisme là bas même, avant la mort. [00:06:54] Alors les étudiants étaient vraiment, étaient d'une émotion terrible. Ils pouvaient pas supporter ça. Ils sont allés voir l'ambassadeur des États-Unis à Madrid, en Espagne qui était un Américain. Ils sont allés voir  dire voilà ce qui se passe alors il est intervenu et a parlé avec le ministre et le ministre a donné des ordres de sortir le curé. [00:07:22] Et pendant, et alors, le curé n'est pas sorti mais il les a laissé la place pour faire le Chema [sp?] et les étudiants, tout en faisant le chema il y a un qui a pris la main du curé qui voulait lui envoyer l'eau bénite. Attrapé la main comme ça. Et ça vous n'avez pas le droit, laissez le tranquille. Et il est mort juif. [00:07:47] Ça, ça m'avait beaucoup bouleversé, ça m'a choqué. Alors j'ai dit à mon père, je peux pas, on peut pas continuer ici, je peux pas rester. Il y avait d'autres difficultés, c'était le seul élève juif sur 1200 élèves. En première année de pharmacie il y avait 1200 élèves, moi j'étais le seul juif. J'étais gentil avec moi mais des fois il y avait des frictions parce que jamais ils avaient vus un juif. [00:08:17] Ils pensaient encore à l'époque où on avait une queue. C'est comme ça. Incroyable. Alors je, tout ça de [hébreu?] on est, un suisse est venu à la pension et je lui ai demandé, "Comment ça se passe la pharmacie là bas en Suisse?" et il m'a dit, "Eh ben tu...tu passes et tu as une période de deux ans après une escale [?] et après une autre période de deux ans" et qu'est ce que fait avec les deux années que j'ai fait ici? Alors on va avoir le papier et faculté va te dire qu'est ce que tu vaux. [00:08:57] Et la faculté m'a répondu, les deux années ici c'est un. J'ai dit bon, c'est pas perdu. Alors j'ai dit à mon père je vais aller à Genève pour faire la pharmacie. À Genève je me suis épanoui parce que vraiment j'étais dans une pension kasher, j'avais la chambre en face de la pension et j'avais une vie confortable et surtout, on avait l'enseignement, on était très peu nombreux. À l'époque les facultés avaient très peu d'étudiants à Genève. [00:09:27] Je crois que j'étais un des seuls étrangers qui était là bas. On avait des classes avec quatre élèves. Alors là, bon, c'était magnifique, j'ai pu apprendre le sionisme, j'ai pu étudier la torah, j'ai pu vivre d'une manière juive à Genève. J'avais beaucoup d'amis il y avait une communauté très sympathique et très active. Et au prochain j'ai eu le diplôme. Je continue aussi dans ce sens?

[00:09:56] Lisette: Je vais juste intervenir. 

[00:10:02] Moise: J'ai eu le diplôme de pharmacien à Genève mais là les difficultés ont commencés pour moi. Parce que quand j'ai eu le diplôme le gouvernement Marocain était indépendant et il avait besoin de pharmaciens marocains. Moi j'étais Marocain. Alors ils m'ont pris et ils m'ont dit, tu vas travailler trois ans pour le gouvernement. Et comme tu parles espagnol on va t'envoyer à Larache et tu vas être pharmacien à Larache et après trois ans tu peux t'installer pour toi, tu peux faire ta pharmacie. [00:10:41] Je me suis, d'accord, j'avais pas d'autre solution. D'ailleurs j'avais pas d'argent pour faire une pharmacie non plus. Mais en fait je me serais débrouillé parce qu'il y avait encore des gens qui vous prêtaient l'argent pour faire une pharmacie. Il fallait pas grand chose pour faire une pharmacie. [00:10:53] Bref, j'ai, je me suis installé comme pharmacien vous savez à l'âge de 22 ans, 23 ans pharmacien des hôpitaux de Casablanca. C'était des hôpitaux de 1700 lits. 1700 lits. Les Nations Unis n'acceptent que des hôpitaux de 600 lits et moi j'étais pharmacien de 1700 lits et tout jeune. Tous les français qui étaient là bas sont partis et je me suis occupé de la pharmacie.

[00:11:23] Lisette: C'était quelle année à l'époque?

[00:11:24] Moise: C'était l'année '56. Non, oui, c'est ça j'avais fini, '56, ‘57. Le gouvernement il doit faire trois ans ici. Bref, je me suis installé comme pharmacien dans les hôpitaux et, j'étais toujours en contact avec le destin du peuple juif. Toujours. Et là, à ce moment là j’habitais à Casablanca et y'avait l'émigration clandestine. On sortait, vous savez bien comment on sortait du Maroc soit par la mer dans le nord du Maroc dans les petits, petits bateaux on amenait les émigrants là bas. [00:12:07] Soit à travers, on, ils allaient à [inaudible] ils revenaient pas donc...on pouvait pas sortir du Maroc, on donnait pas des passeports et moi j'étais dans ce combat avec un groupe qui était sous la, sous la présidence de, Israël c'est Israël qu'on voyait chez le [inaudible] pour nous encadrer. Et moi j'ai participé à l'émigration. [00:12:35] Et, malheureusement, il y a eu l'épisode en 1961 de Pises [sp?] le bateau qui avait coulé dans le nord du Maroc avec 40 personnes. 

[00:12:48] Lisette: Quel bateau? 

[00:12:49] Moise: Le Pisces, il s'appelait le Pisces. En hébreu je crois que c'est...ils ont fait [inaudible] d'un monument pour ça. Ils sont partis...

[00:13:00] Lisette: C'est un bateau de gens qui ...

[00:13:02] Moise: Des espagnols...oui, qui voulaient sortir pour l'Israël.  [overlap] Des juifs. Ils les mettaient dans un rafiau, un petit bateau, ils traversaient la Méditerranée et ils les amenaient à Algésiras ou à Gibraltar et de Gibraltar ils partaient. Il y avait plusieurs, plusieurs voyages comme ça mais malheureusement un bateau a coulé.  Jusqu'à présent on sait pas ce qui s'est passé. Parce que le capitaine et l'adjoint capitaine étaient des espagnols et ils sont restés vivants. [00:13:31] Tous les juifs sont morts. Même le Shaliah qui venait d'Israël  qui était un homme comment on appelle ça, qui allait sous l'eau...Pour guider...

[00:13:41] Lisette: Plongeur. [overlap]

[00:13:43] Moise: Un plongeur oui, il était plongeur israélien mais d'origine marocaine il guidait le bateau sous l'eau lui. Celui là aussi est mort. Vous comprenez? À ce moment là le gouvernement Marocain a eu des, des, des manifestations dans le monde entier devant les ambassades du Maroc et ça, à partir de là ils ont commencé à donner des passeports collectifs pour que les juifs sortent. [00:14:10] Mais y'a eu des transactions et ça, ça fait tout ça sous la table, des choses qui sont pas très belles qu'on a fait beaucoup d'argent et tout ça et heureusement nos frères américains ils étaient là pour nous aider et on a pu arranger ces problèmes et juifs ont pu...[00:14:29] Et moi, malheureusement, tout le groupe, tout le groupe qui c'est occupé de cette émigration a été arrêté. Tout le groupe, sauf moi. Un miracle. Je ne sais pas pourquoi, franchement. Le seul qu'ils n'ont pas attrapé c'est moi. Les autres y'a un qui est mort torturé, et les autres ont étés emprisonnés et torturés. Mais y'a n mort. [00:14:57] Et là l'histoire du mort j'avais, de tout qu'on me demande de faire, mon cv si on veut dire, communautaire, parce que moi j'ai été président de la communauté sépharade ici t je suis actuellement le président de la Fédération sépharade de Canada, c'est moi oui. Depuis 10 ans je suis président de la Fédération sépharade du Canada et toujours impliqué dans le judaïsme, dans la, dans la vie du peuple juif. Vous comprenez?[00:15:25] Alors ils ont fait une razzia, ils ont arrêté un tas de monde et tous les copains ils ont arrêté sauf moi. Alors un jour on m'appelle, l'Israël m'appelle et attention il y a Raffy Ouaqunine qui arrive à l'hôpital dans le coma. Vas-y voir. Moi j'étais pharmacien, vas-y le voir. Vas-y tout de suite. Alors j'Allais aux urgences et  je vois, il sort Raffy dans le coma. 

[00:15:56] Lisette: Vous le connaissez? 

[00:15:58] Moise: Naturellement je le connaissais. Et je le vois dans le coma. Et je vois le médecin de l'urgence dire, "Celui là il joue la comédie. Ramenez-le au commissariat." Malheureusement dans la nuit il est tombé vraiment très mal et ils l'ont ramené à la prison de l'hôpital où moi j'étais pharmacien. On m'appelle, il me dit, "Attention Raffy est maintenant dn la prison de l'hôpital, vas-y le voir." Et comment je vais aller là bas? On trouvait des polices. [00:16:31] J'ai dit. "[hébreu]" comme on dit. J'y vais. Je tappe. "Qu'est ce que vous voulez?" Je dis je viens faire l'inventaire des narcotiques. Je vais voir l'inventaire des narcotiques, voir combien il y en a ici. Et à ce moment là je vois Raffy. Il était mort presque. [00:16:52] Alors je monte à un service de réanimation et je vois un médecin qui était professeur à la faculté de médecine qui était marié avec une juive algérienne. J'ai dit, "Écoutez, il y a là bas un enfant, un gars qui va mourir." J'ai dit "Il va mourir il est dans la prison. Allez-y je vais le chercher." Il dit "Moi j'y vais." Il est allé. Lui était médecin, lui a dit, "Ce monsieur montez le dans  mon service." Avec de l'autorité. [00:17:16] Alors la police...oui il va mourir laissez-le moi que j'essaie de faire quelque chose. Ils l'on monté dans son service, pas moyen, parce que ils l'ont, il a dit qu'il souffrait des reins et c'est là où ils l'ont tappé, dans les reins. Ils l'ont bouché les reins et y'a pas moyen de, de, il n'a pas eu moyen de pouvoir le sauver. Il l'a monté dans le service, pas moyen. ils l'ont sorti dans une clinique privée, pas moyen. Ils l'ont amené en Isra...en France, le meilleur néphrologue de France, le professeur Hamburger....

[00:17:50] Lisette: Tout ce temps ça fait combien de temps il était toujours dans le coma? 

[00:17:54] Moise: Toujours dans le coma. Il sortait pas du coma. Il était empoisonné par l'urée. Vous savez l'urée? Quand elle s'accumule c'est un poison. Il n'avait pas moyen d'arrêter ça. Ils l'on amené chez le Professeur Hamburger à Paris qui était le néphrologue numéro un  et il est mort à Paris. 

[00:18:10] Lisette: Ça fait combien de temps de...[overlap]

[00:18:13] Moise: En tout ça fait trois mois. Tout, ce, comment on dirait? Cet épisode là tragique à duré trois moi. Il a été enterré en Israël  avec le grade, le [inaudible] avec trois enfants et une femme. Raffy Ouaqunine. Vous savez l'origine du nom Ouaqunine en berbère, de la langue berbère, fils de Jacob. Ça c'est l'origine du mot Ouaqunine. Alors voyez vous, tous les Ouaqunine qu'on connait, parce qu'en berbère Ouaqunine ça veut dire fils de Jacob. Israël. [00:18:57] Alors voilà j'ai, j'ai, je m'étais embarqué mais qu'est ce qui c'est passé il fallait que moi je paye aussi. Il fallait que moi je paye. Quand j'ai fini mon service les marocains n'ont pas oublié ça. 

[00:19:13] Lisette: Oh là là. Le fait que vous êtes entré...

[00:19:16] Moise: J'ai rentré, que j'allais, que machin  ils l'on pas aimé ça. Mais ils ont inventé quelque chose.

[00:19:23] Lisette: Quoi.

[00:19:24] Moise: Et moi j'étais le pharmacien de l'hôpital, j'ai fini les trois ans, j'ai loué un local pour ouvrir ma pharmacie. Et y'a pas moyen d'avoir l'autorisation. Pas moyen.

[00:19:42] Lisette: Et ils ne le donnent pas parce que c'est vous. 

[00:19:44] Moise: C'est moi. Pas moyen. Alors qu'est ce qu'ils ont dit? Ton diplôme est de Genève. Ici, eh, de Genève on connait pas. Pourquoi? Il dit, parce que la loi ici il faut avoir la nationalité du diplôme. Ou un diplôme français ou un diplôme espagnol. Suisse, on connait pas. Tu n'as pas la nationalité du diplôme, tu n'es pas suisse, si j'étais suisse j'aurais pu m'installer. Tu n'as pas un diplôme français, tu n'as pas un diplôme espagnol, tu ne peux pas exercer au Maroc. [00:20:19] J'ai dit, comment ça? Pendant trois ans j'ai été pharmacien des hôpitaux, 1700 lits à ma charge, aller chercher des médicaments dans un camion parce que sinon les enfants en pédiatrie mouraient, moi-même j'allais le chercher et j'avais le camion de la pharmacie centrale. Je me suis carcassé dans cet hôpital mais je n'ai pas le droit de m'installer? Vous savez ce qu'ils ont fait? Ils ont même intervenu à Genève. [00:20:46] Il ont envoyé l'ambassadeur du Maroc à Berne pour me boucher le terrain. Jusque là ils sont allés. Il n'y a rien à faire. Je ne pouvais rien faire. La seule chose que je pouvais faire c'est aller en Israël. Mais comment je vais? J'avais fiancé, je voulais me marier, tout à bouché. Tout m'était bouché. J'avais plus de moyens, tout était bouché. 

[00:21:08] Lisette: Vous avez pu avoir un passeport ou pas? 

[00:21:11] Moise: Non j'avais pas de problème pour le passeport parce que ils avaient donné des passeports à [inaudible].

[00:21:15] Lisette: Au moins ça. 

[00:21:16] Moise: Mais j'étais suivi. J’étais suivi. Alors...

[00:21:20] Lisette: C'est quelle année? 

[00:21:21] Moise: Ça c'était l'année '60. J'étais dans l'hôpital en '58 jusqu'en fin '60 comme ça j'ai fini les service de trois ans je l'avais fini alors j'avais le droit de m'installer. [00:21:35] Comment, comment vous faire à un Marocain ça? Je comprends pas. Moi je suis Marocain, un enfant du pays. J'ai fait un diplôme en Suisse, quand même c'est pas n'importe où. Comment j'ai pas le droit de m'installer? Ah tu n'as pas le droit, voilà les raisons puis ensuite. Et j'ai été, j'ai dénommer un avocat et l'avocat est allé à Genève, il leur a dit, arrivé à Genève un avocat juif qui est allé voir le, le doyen de la faculté de droit à Genève et lui a dit, "Ce que tu es en train de faire à ce garçon, c'est un crime. Donnes lui  le diplôme." [00:22:14] Parce qu'ils me l'avaient enlevé. Oui. "Donnes lui son diplôme et qu'il se débrouille. Qu'il aille s'installer comme il faut. Ce garçon il est dans tous ses états parce que il était sioniste. Pas à cause du diplôme, c'est une vengeance."

[00:22:30] Lisette: Qui a dit ça? 

[00:22:31] Moise: L'avocat, le, l'avocat juif à Genève. Il était un ami d'un ami à moi il m'aimait beaucoup et qui me l'a, et qui, et qui s'occupait des juifs qui étaient exploités dans les camps de concentration. Il allait, surtout les hongrois, il défendait les juifs hongrois alors il avait une [inaudible] très, très fort. Il avait une bonne prestance et il arrangeait en un rien. Il dit, donnez lui son diplôme et si va en Israël il sera en Israël, si il veut aller au Maroc, c'est son choix. [00:23:09] Et, il est allé voir le directeur de la faculté de pharmacie, ou voulez vous que j'aille? En Israël? J'aimerais bien aller in Israël et le problème est résolu pour moi mais j'ai mes parents, j'ai mes frères et sœurs, ils sont tous là bas. Si on va il faut qu'on aille tous mais comment. Donnons le temps. En attendant  [inaudible]. Bref, un ami à moi, un ami à moi d'ailleurs arabe, marocain qui est nommé inspecteur de la pharmacie pour le Maroc. Alors il dit "Moise je vais te donner l'autorisation parce que assez. On a fait [inaudible]." [00:23:47] Mais eux, enfin, je me suis débrouillé mais il m'a donné le diplôme, immédiatement j'ai acheté une pharmacie à Kénitra [inaudible] et je me suis, me suis marié tout de suite et j'ai eu trois enfants là bas et j'ai maintenu à Kénitra une vie vraiment communautaire. J'ai ramassé la jeunesse parce qu'il n'y avait pas l'école de l'Alliance à Kénitra, j'ai ramassé la jeunesse à la synagogue, je les ai encadrés. Je leur ai montré qu'est ce qu'était le judaïsme. Quand ils voyaient le pharmacien qui montait  il montait à la teba pour faire le [inaudible] un vendredi soir ils étaient éblouis de voir ça. [00:24:30] J'étais pas rabbin mais c'était une expérience. Une expérience pour moi très enrichissante. J'ai, j'ai après 12 ans j'étais à Kénitra pharmacien. 

[00:24:46] Lisette: Kénitra c'est...

[00:24:48] Moise: Kénitra c'est pas un lieu hautain [?]. C'était une base navale américaine sur l'Atlantique. À Kénitra y'avait [inaudible] un petit patelin où y'avait des avions, des B56 qui atterrissaient dans les pistes en acier [?]. Alors une base américaine, trois bases américaines  autour de Kénitra. 

[00:25:08] Lisette: Ça fait partie de....Maroc [overlap]

[00:25:10] Moise: Ça c'était le Maroc oui. Ça fait partie du Maroc. Et effectivement j'ai men une vie assez riche vis-à-vis le communauté. J'étais très, très impliqué dans la communauté. J'ai beaucoup travaillé, vraiment. Je suis fier, je suis content d'avoir, j'ai des expériences avec des jeunes et tout ça. Ça beaucoup enrichi. Et ça, maintenant l'épisode marocaine va finir. [00:25:38] Pourquoi elle va finir? Parce que le Maroc marocanise maintenant l'éducation. Et le collège à Kénitra et pour faire le secondaire y'en avait pas, il fallait envoyer les enfants soit à Rabbas ou à Casablanca. J'ai dit à me femme, on peut pas aller comme ça. On va vendre la pharmacie et on va aller au Canada.  [00:26:04] Mais avant, avant de prendre des décisions on va aller au Canada pour voir. En 1973 je suis venu au Canada pour voir. Et j'ai pris le contact des pharmacies ici et ils m'ont dit, "Tu as un diplôme qui va être ici validé. Tu peux venir c'est bien pour toi que tu viennes." Ils m'encourageaient. Alors je suis rentré au Maroc et j'ai, j'ai voulu vendre la pharmacie et mon passé me persécutait encore. 

[00:26:40] Lisette: Oh là là. 

[00:26:41] Moise: Oui. Mon fils ainé et allé à l'école , il était assis avec le fils du commissaire divisionnaire de Kénitra. Il lui dit donc le petit entre eux, I guess avait [inaudible] mon fils, lui dit, "Ton père ne peut pas quitter le Maroc." 

[00:27:09] Lisette: Ton père...

[00:27:09] Moise: Ne peut pas quitter le Maroc. 

[00:27:11] Lisette: Oh. 

[00:27:11] Moise: Comme ça. Alors Merci. Très bon, merci beaucoup. [00:27:26] Et il vient à la maison et il dit, "Papa tu peux pas quitter le Maroc." Je dis qui t'as dit ça? Il dit mon ami qui était avec moi à l'école. 

[00:27:32] Lisette: Alors maintenant votre fils il avait quelle âge? 

[00:27:35] Moise: Il avait huit, neuf ans. Il était à l'école. Il est venu, il m'a dit ça. J'ai dit comment il t'a dit? Alors moi je suis allé au commissariat, je le connaissais, ils étaient tous mes clients. J'ai dit donc, qu'est ce que vous êtes en train de me raconter là? Je peux pas quitte le Maroc? Pourquoi? Non, tu sais, quand tu voudras quitter le Maroc viens nous voir. J'ai dit, j'ai un enfant que des fois je dois, je vais à Paris le soigner, c'était mon ainé. Il a la maladie méditerranéenne. [00:28:02] Il a un dossier à Paris chez le Professeur Mammoud [sp?]. La maladie Méditerranéenne elle attaque que les enfants de la Méditerranée à l'époque. 

[00:28:11] Lisette: C'est quoi? C'est quoi, quelle sorte de maladie? 

[00:28:13] Moise: Mediterranean fever. C'est une maladie qui atteint, qui, qui donne des crises de douleur et de la fièvre périodiquement. On l'appelle d’ailleurs maladie périodique. Mon fils il faisait des fois deux crises par semaine. 

[00:28:29] Lisette: Comment ça...on attrape de quelque chose?

[00:28:32] Moise: Non, y'a une, un comment on dit, une dégénération dans son corps parce qu'il lui manque une antitoxine. Quand il produit de l'acétone qui est un poison immédiatement le corps est fait pour fabrique l'antitoxine qui dit, qui détruit l'acétone, vous comprenez? Il lui manque cette toxine. [00:28:55] Mais j'ai trois garçons comme ça. 

[00:28:58] Lisette: Trois garçons comme ca? 

[00:28:58] Moise: Voilà. Et ma fille non. Mais les trois oui, les garçons, les trois ils l'on eu. Et moi, pour moi c'était désespérant. J'ai, j'étais déjà parti à Paris voir Mammoud [sp?] je l'emmenais avec moi, j'ai amené en Israël Atallah Shommer [sp?] où il y avait une antenne qui s'occupait de la maladie méditerranéenne seulement. On lui a fait tous les tests, des médecins très gentils à Tel Aviv et la conclusion, ton fils il a la maladie périodique mais c'est la bonne maladie périodique. [00:29:37] Ne t'inquiètes pas. Parce que ya la méchante qui détruit les reins. Et j'ai des familles qui ont perdu quatre enfants avec cette maladie. vous connaissez l'ambassadeur d'Israël à L'ONU? Yehuda Lancry Il a perdu deux enfants, deux. Les deux enfants qu'il avait. À 30 ans ils sont morts avec ces maladies. Parce qu'il avait la maladie [overlap]

[00:30:02] Lisette: Quelle âge ils avaient?

[00:30:03] Moise: 30 ans les enfants de, de Yehuda Lancry. 

[00:30:07] Lisette: Ils avaient 30 ans et ils sont morts? 

[00:30:08] Moise: Ils sont morts de la maladie périodique. Alors moi j'Avais trois garçons mais là en Israël on m'a tranquillisé. On m'a dit c'est de la bonne maladie, pas la méchante. Bon, regardez comme le monde il est, j'ai dit bon, on va aller au Canada et peut-être au Canada on va trouver quelque chose pour ça aussi. Incroyable. [00:30:31] Alors j'apprends que je ne peux pas quitter le, que je ne peux pas quitter le Maroc. Alors ils m'ont dit, "Continuez de partir comme ça."  J'ai trouvé la solution, il est venu un nouveau divisionnaire, ce nouveau divisionnaire était marié avec un palestinienne, cette palestinienne a été soignée par un ami à moi qui était docteur et l'ami à moi a dit, "Écoutez, il veut partir." [00:31:00] Ils sont venus, ils m'ont dit, oui, tu peux partir. Alors on s'est faits amis de l'ambassadeur du Canada et j'ai dit, "Écoutes, Jean, je ne suis pas tranquille [?] de partir de peur qu'ils m'arrêtent au moment de partir. Je veux faire un essai. Je veux partir à Ceuta tout seul." Il m'a dit moi je t'amène à Ceuta. J'ai dit mais toit tu es ambassadeur diplomate. Ça fait rien, je vais te laisser à la, à la frontière et toi tu vas traverser la frontière. Effectivement il m'a amène à la frontière...

[00:31:37] Lisette: Vous aviez un passeport à l'époque. 

[00:31:39] Moise: Un passeport. 

[00:31:39] Lisette: Très bien. 

[00:31:40] Moise: Alors j'arrive à la, à la, dans la nuit j'arrive à la douane, à pied comme ça et eux ils sont, il est parti. Il m'a dit effectivement, vous pouvez pas passer mais on a reçu un télex à Tétouan comme quoi vous avez le droit de passer mais tant que je n'aurai pas le télex vous passez pas. Venez demain matin et vous allez passer. Bon, ça va. Le matin je suis venu et je suis passé comme une fleur. J'ai trouvé mon ami l'ambassadeur à Ceuta, on a fait du magasinage et on est repartis à Kénitra parce que lui était à Rabat. 

[00:32:13] Lisette: Ça vous prend combien de temps pour aller à Ceuta? Est-ce que vous prenez l'avion, le bateau? 

[00:32:18] Moise: Non, non, Auto. C'était quatre ou cinq heures. On est passés à Ceuta, j'ai pu rentrer à Ceuta et ça veut dire que c'est bion, que c'est bon. Le premier jour du Ramadan on a pris comme tapis rouge. À Ceuta j'ai acheté un, un anneau, un brillant pour la femme la palestinienne, je lui ai fait cadeau et ça été passeport. Mon passeport [inaudible] ce que vous voulez faire. [00:32:52] La question si on est partis? Comme des rois. Ils nous ont même pas ouvert le machin, on est partis et j'ai parti avec le [inaudible] fiscal. Ils avaient payé tous mes impôts et que l'argent de la pharmacie est restée là bas. Je l'ai jamais vu après. 

[00:33:09] Lisette: Et la pharmacie est restée là bas.

[00:33:10] Moise: La pharmacies elle a été achetée pas un Marocain et jamais j'ai pris l'argent. L'argent, les impôts ils l'ont pris. Alors moi j'arrive....

[00:33:20] Lisette: Excuse moi, vous avez vendu la pharmacie?

[00:33:23] Moise: Oui.

[00:33:23] Lisette: Vous étiez toujours là. 

[00:33:24] Moise: Oui. Mais quand j'ai vendu la pharmacie on est partis ici. 

[00:33:28] Lisette: Ouais. 

[00:33:28] Moise: Je suis venu ici et vous allez voir, pendant six mois je me suis baladé un peu parce que la faculté de pharmacie ici ils faisaient l'étude de mon diplôme de Genève. Effectivement, il y avait un doyen ici, un belge très sympa. Il m'a dit, "Vous allez avoir des problèmes un moment donné, vous valez rien. Votre diplôme il vaut rien tant nous le donnons l'avis, vous devez vous balader en attendant." Et je suis resté six mois.

[00:33:56] Lisette: Ici. 

[00:33:56] Moise: Ici en train de tourner,  après ils m'ont donné le diplôme. Alors là les miracles ont commencés. La vie, pour moi, a commencé à sourire parce que, pour valider un diplôme, à l'époque, c'était impossible. Il fallait refaire toutes les études ici. 

[00:34:13] Lisette: Oui, c'est vrai. 

[00:34:15] Moise: Seulement, de ma chance, y'avait 350 pharmaciens avec un diplôme de leur pays et pas la licence Québécoise. L'ordre des pharmaciens a décidé de leur donner une chance à tous ces 350, ils vont faire 1000  heures de stage et on va leur donner la licence. Et je suis parti avec eux. C'était un miracle. Je suis parti avec eux...

[00:34:45] Lisette: 1000 heures.

[00:34:45] Moise: 1000 heures, 1000 heures de stage.

[00:34:46] Lisette: Alors ça veut dire...

[00:34:47] Moise: Six mois plus ou moins.

[00:34:48] Lisette: Six mois de stage. 

[00:34:50] Moise: De stage. Et après ils m'ont donné la licence tranquillement. J'ai passé un examen  et bah. Ils ont donnée ma licence et je me suis installé ici à Montréal. Ça c'est tout mon trajectoire jusqu'à Montréal. Alors si vous voulez je continue sur Montréal? 

[00:35:06] Lisette: Non, je voudrais reculer. Premièrement je voudrais vous remercier de participer avec nous, Sephardi Voices. 

[00:35:15] Moise: Est-ce que qu'est ce que je dis est intéressant au moins? 

[00:35:16] Lisette: Très. Très. Je voudrais maintenant savoir le, les origines de votre famille. 

[00:35:27] Moise: Les Amlesem? 

[00:35:29] Lisette: Les Amselem. Vous êtes né là, euh, partagez avec nous vos origines. Vos, l'endroit où vous avez vécu, votre maison, Larache, étant espagnol...

[00:35:46] Moise: Bon alors je vais commencer par l'origine de mon nom. Ok? Alors Amselem ça paraît facile, beaucoup de gens disent Amselem c'est Am Shalom, un peuple de paix. Autres disent Amselem, un peuple entier, intègre. 

[00:36:04] Lisette: Ouais. 

[00:36:05] Moise: Alors, Amselem c'est une tribu juive qui habitait tous le sud du Maroc et le sud de le l'Algérie et le sud de la Tunisie. C'était une tribu du Sahara qui a refusé le conversion à l'Islam. Et ce Amselem c'est non à l'Islam. 

[00:36:30] Lisette: Non à l'Islam. 

[00:36:31] Moise: Non à l'Islam. Non à l'Islam. Vous savez il y a beaucoup d'Anselem dans le monde Juif, il y a beaucoup. Ça, c'est l'origine de mon nom. Je suppose qu'on est, comme on dit, je rigole toujours me dit on est des Chleux. On est vraiment des Chleux parce qu'on vient de la montagne, d'en bas mais on est du désert. Oui. Parce que j'avais un ami de ma famille, était un médecin neurologue, il s'appelait Amselem et qui disait toutes ces histoires là c'est la rigolade nous sommes des Chleux. Nous sommes, nous venons du sud. Des berbères. Oui. Alors ça c'est le, ce que je pense est l'origine ne mon nom. [00:37:19] Comment nous sommes arrivés là bas ben, c'est comme ça. 

[00:37:21] Lisette: Alors est-ce que vous vous rappelez de vos grands-parents? Est-ce que vous pouvez nous parler de vos grands-parents? 

[00:37:28] Moise: Moi j'ai...

[00:37:30] Lisette: Où ils sont nés? 

[00:37:31] Moise: Relativement, oui. Mais mes grands-parents relativement j'ai vécu avec des cadres pas mal de temps. À Larache je voulais pas, j'avais un grand-père qui m'a manqué toute ma vie d'ailleurs. C'est lui, c'est lui qui, si aujourd'hui je suis religieux j'étais toujours religieux, c'est grâce à lui. [00:37:54] Ce grand-père là qui non seulement il m'a appris à moi l'hébreu et toutes les choses de la torah sinon tous me copains venaient, ils prenaient le cours, le cours avec moi à la maison. Ma grand-mère nous servait à tous et c'est...à Larache c'était une ville ou il y avait pas mal beaucoup de gens, surtout des familles et des familles tous de toutes origines bizarres, qui venaient des quatre coins du pays qui habitaient dans ce patelin. 

[00:38:26] Lisette: Vous parlez des familles juives maintenant. 

[00:38:27] Moise: Familles juives oui. 

[00:38:28] Lisette: Quelle, combien y a t'il peut-être? 

[00:38:31] Moise: Là bas il devait y avoir à Larache, je crois qu'il y avait 3000 juifs. 

[00:38:36] Lisette: Ah, c'est pas mal. 

[00:38:38] Moise: Oui, y'avait une communauté, une communauté avec synagogue, services social et tout. Ça c'est...et à Larache on me dit pourquoi tu parles pas l'Arabe. Je parle pas l'arabe parce que les arabes parlent espagnol. 

[00:38:53] Lisette: Ah! C'est intéressant. 

[00:38:56] Moise: Dans le Maroc espagnol les Arabes parlaient l'espagnol. Presque que tous nous , on parlait pas l'arabe, on parlait l'espagnol avec eux. Mes parents parlaient l'arabe parce qu'ils parlaient avec des bonnes de travail et tout ça à la maison mais nous on parlait espagnol. On allait à l'école de l'Alliance, il y avait l'école de l'Alliance et c'était une ville sympathique, bonne ambiance, des bons souvenirs. Mes grands-parents, j'avais...

[00:39:23] Lisette: C'est une ville, pas un village. 

[00:39:25] Moise: Non, non, c'est une petite ville. Oui, oui. Deux, deux, mes parents, les parents de ma mère habitaient Larache et les parents de mon père, malgré que j'étais d'origine de Larache, ils étaient descendus à Tanger. Alors moi j’allais à Tanger, j'allais les voir, mes grands-parents Tangérois et...mon grand-père que ma mère était leader, un cabaliste comme, comme tous les...

[00:39:51] Lisette: Le grand-père [overlap]

[00:39:53] Moise: Comme tous les grands-pères. Au Maroc presque tous les grands-parents étaient cabaliste. 

[00:39:57] Lisette: C'est le grand-père de votre mère? 

[00:39:59] Moise: Non, non, le père [overlap] de ma mère. 

[00:40:00] Lisette: [overlap] Le père de votre mère. 

[00:40:01] Moise: Le grand-père de ma mère je l'ai pas connu. Mais j'ai connu son tombeau. Et c'était quelqu'un mal en aise, il faisait des miracles. Son fils, Mayer [sp?], qui était mon grand-père il m'a marqué, il m'a appris très jeune, ça été très sympa. Ma grand-mère était ma grand-mère à la maison. Elle a cuisinait tout le temps. 

[00:40:25] Lisette: Est-ce que vous êtes jamais vécu à Mellah. 

[00:40:29] Moise: C'est à dire, à Larache je n'avais pas, il y avait une, on peut dire, on appelait pas ça Mellah. Mais à Tanger oui. À Tanger j'ai habité dans...mais j'étais mélangé avec des arabes et il y avait les espagnols. C'est pas spécifiquement, dans le nord du Maroc la notion de Mellah n'est pas très, très claire. 

[00:40:51] Lisette: Vous pouvez clarifier ce que ça veut dire mellah parce que moi je connais pas. 

[00:40:56] Moise: Oui. Mellah c'est comme un ghetto. 

[00:41:00] Lisette: Ah. 

[00:41:01] David: Sans ghetto. 

[00:41:03] Moise: Un ghetto. 

[00:41:02] David: Un ghetto. 

[00:41:04] Moise: Oui Par exemple le mellah de Marrakech il a des murailles et on le ferme, on le fermait le soir. Ça c'était un, les juifs habitaient. À Casablanca aussi, le juifs habitaient dans la mellah. Vous comprenez? 

[00:41:17] Lisette: Qui fermait? De l'intérieur ou de l'extérieur? 

[00:41:21] Moise: De l'intérieur. 

[00:41:22] Lisette: De l'intérieur. 

[00:41:22] Moise: C'est les juifs qui avaient la clé. Sinon c'est pas, c'est une prison. 

[00:41:30] Lisette: Alors parlez-nous de vos parents quand ils se sont mariés,  à quel âge [overlap]

[00:41:36] Moise: [overlap] Oui, mes parents se sont rencontrés à l'école de l'Alliance. Très jeunes. Et mon père...

[00:41:44] Lisette: Il s'appelait comment votre père? 

[00:41:46] Moise: Jacob. 

[00:41:47] Lisette: Jacob. 

[00:41:47] Moise: Ma mère, Rachelle. Ils se sont connus très jeunes et ils se sont mariés jeunes. 

[00:41:56] Lisette: Votre mère aussi est allée à l'Alliance ?

[00:41:59] Moise: Ma mère...

[00:42:00] Lisette: Est allée à l'Alliance aussi? 

[00:42:01] Moise: Oui, oui. Ma mère était, elle a passé le certificat d'étude en 1929. C'était la seule qui l'à réussi. 

[00:42:11] Lisette: Wow. 

[00:42:12] Moise: Toutes les, les copines l'avaient échoué. Elle est la seule qui avait réussi. Et le directeur de l'école voulait l'envoyer à Paris à l'école normale pour qu'elle apprenne à être professeur mais mon père il a dit non. Je voyage pas. Dommage, c'était pas très...

[00:42:29] Lisette: Elle avait quel âge à cette époque? 

[00:42:30] Moise: Ma mère? À l'époque pour passer le certificat d'étude?

[00:42:33] Lisette: Oui. 

[00:42:33] Moise: Elle avait 13 ans ou 14 ans comme ça. Ils sont venus pour...parce qu'elle était [inaudible] oui, la meilleure de la classe. Et [inaudible]. 

[00:42:49] Lisette: Alors ils se sont mariés [overlap]

[00:42:50] Moise: [overlap] Ils se sont mariés en, en 1932 quand ils se sont mariés. Mon père il est de 1909. Et ma mère avait le même âge. Mariés et ma mère travaillait dans...

[00:43:09] Lisette: Qu'est ce qu'elle faisait? 

[00:43:10] Moise: Elle travaillait comme caissière dans un magasin de mode. Qui vendait des tissus et tout ça. Elle était aussi la leader dans  ce magasin et mon père il travaillait dans une pharmacie. Il a, avant d'entrer dans une pharmacie il a fait beaucoup de choses mais à la fin il atterrît dans une pharmacie. Il a commencé pas laver des bouteilles, préparateur et il a appris le métier et le patron ne venait pas, c'est lui qui tenait la pharmacie. [00:43:40] Et comme ça il a voulu que moi je sois pharmacien. 

[00:43:44] Lisette: Euh, parlez nous de ce que vous vous rappelez des, de ce que vous mangiez, dafina...faisiez à la maison. 

[00:43:55] Moise: [overlap] Elle n'a pas changé. Ça pas changé avec ce qu'on mange à la maison. Ce que ma femme cuisine aujourd'hui c'est à peu près la même chose. Et à la dafina, tout le temps, les classiques chez nous, c'est l'odeur il faut qu'elle imprègne la maison shabbat. C'est, c'est comme ça. 

[00:44:16] Lisette: Vous mangez chez vos grands-parents? Ou vos grands-parents ils vivaient [overlap]

[00:44:18] Moise: Plutôt moi j'ai eu, quand je suis, j'ai fait, on a fait venir mes, mes parents ici mais ils avaient leur appartement mais ils venaient manger à la maison. Et moi j'allais, j'allais chez eux aussi avec ma femme. On était restés chez eux, pas de problème. 

[00:44:38] Lisette: Parlez nous du shabbat chez vous au Maroc. 

[00:44:43] Moise: Eh ben le shabbat est traditionnel. Malheureusement mon père est obligé d'aller travailler, ma mère non. Ma mère restait à la maison et préparait le shabbat normal. Mon père devait aller travailler et mon père a travaillé toute sa vie. 

[00:45:05] Lisette: Est-ce que vous êtes...est-ce qu'il y avait une synagogue là bas?

[00:45:09] Moise: À Larache il y avait plusieurs synagogues. Justement l'officiant d'une des synagogues était mon grand-père. 

[00:45:16] Lisette: Ah bon. 

[00:45:17] Moise: Il était l'officiant de la synagogue. 

[00:45:19] Lisette: Et le nom de la synagogue? 

[00:45:21] Moise: Le...

[00:45:21] Lisette: Le nom. 

[00:45:22] Moise: Le nom de la synagogue Ader Moryussef [sp?]. 

[00:45:25] Lisette: De Maryoussef? 

[00:45:26] Moise: Moryussef, de la famille, qu'il a, qu'il payé. Mosyussef. D’ailleurs un de ses enfants a étudié avec moi à Madrid. 

[00:45:36] Lisette: Hm. Et vous êtes, est-ce que vous, vous alliez aux synagogues tous les shabbat?

[00:45:43] Moise: Ah oui, moi j'allais à la synagogue tous les shabbat [overlap] Parce que, oui, mon père travaillait malheureusement [overlap]

[00:45:49] Lisette: Vous êtes allés avec votre grand-père? 

[00:45:51] Moise: Non, j'allais, oui avec mon grand-père ou j'allais tout seul, je me débrouillais  à y aller seul à la synagogue de mon grand-père. c'est...c'était, parce que le, le, le lundi matin le rabbin nous demandait de quelle couleur était la mappa du Séfer Torah? Pour savoir si on a été à la synagogue ou pas. 

[00:46:12] Lisette: Oh. 

[00:46:16] Moise: C'est vrai. Et si on était pas la bonne réponse il nous tapait avec la règle ici. 

[00:46:21] Lisette: Mais quelle mappa, ah...

[00:46:23] Moise: Celle qui couvre le Séfer. 

[00:46:25] Lisette: Ah oui mais c'est pas tout le même couvre Séfer? 

[00:46:27] Moise: C'est pas la même couleur toujours. 

[00:46:28] Lisette: Ah. 

[00:46:29] Moise: Des fois ils la changent. 

[00:46:30] Lisette: Ah. 

[00:46:32] Moise: Alors quelle couleur était la mappa? Oui, j'étais là [inaudible] cette couleur. Si on s'est trompé ben c'était la claque. 

[00:46:40] Lisette: Pas votre grand-père. 

[00:46:42] Moise: Non, pas mon grand-père, non. Le prof de l'Alliance. 

[00:46:45] Lisette: Ah le prof de l'Alliance...

[00:46:46] Moise: Le prof d'hébreu de l'Alliance nous demandait est-ce que tu as été à la prière? 

[00:46:50] Lisette: Wow. Et est-ce que vous aviez fait votre bar mitzvah là bas? 

[00:46:54] Moise: Non, à Tanger j'ai fait ma bar mitzvah. 

[00:46:56] Lisette: Ah bon. 

[00:46:56] Moise: J'ai fait ma bar mitzvah à Tanger. 

[00:46:58] Lisette: Est-ce que vous avez quitté euh, Larache?

[00:47:01] Moise: On a quitté Larache, on habitait à Tanger et...

[00:47:04] Lisette: Quelle âge vous aviez? 

[00:47:05] Moise: Eh ben, j'avais peut-être huit ans. C'était la...huit ans, oui.  C'était l'époque là où Hitler il commençait à faire du mal et on ressentait. Et je me rappelle mon grand-père me disait, "Ouf, celui-la il va pas tomber tout de suite. Il faut qu'il monte beaucoup pour qu'il tombe ça y fasse mal" C'est comme ça qu'il disait. 

[00:47:37] Lisette: Et...oui?

[00:47:39] Moise: Il va tomber. Il va tomber ...et il est tombé. Oui. 

[00:47:47] Lisette: On a pas parlé de votre famille, les frères, les sœurs que vous avez grandi avec si vous pouvez nous dire...

[00:47:56] Moise: Ben...vous savez, j'ai, j'ai, j'ai, oui on était à la maison on mangeait ensemble tous les jours. On faisait la fête ensemble tous les jours. Et y'avait une ambiance familiale très cordiale. Mais y'avait des bagarres et, entre nous de temps en temps. Ça c'était normal. 

[00:48:20] Lisette: Mais vous aviez combien de frères et sœurs? 

[00:48:22] Moise: Eh ben j'avais, vous savez ma mère elle a eu six garçons, six enfants mais elle a eu dix accouchements. Ma mère a perdu deux enfants. Après moi y'a eu deux garçons qui sont morts à un an. Parce que il n'y avait rien pour arrêter une diarrhée à l'époque. [00:48:51] Quand tu dit, un autre bébé avec diarrhée on le regardait mourir. Alors elle perdu deux et après encore un fille, une troisième et...c'est à dire, moi je suis né et les deux après moi sont décédés après la fille elle est restée après une autre fille est décédée. Et ma mère a été traumatisée avec ça. Ma mère voulait se suicider quand elle perdait ses enfants comme ça. 

[00:49:22] Lisette: Oh mon dieu. 

[00:49:23] Moise: Heureusement que la solidarité du voisinage parce qu'on habitait avec, dans une maison où il y avait des voisins vous comprenez? Les femmes venaient la soutenir, la soutenir moralement. C'est ça qui l’a sauvé. Et puis elle avait d'autres enfants, il fallait qu'elle s'en occupe. Ça été dramatique. 

[00:49:46] Lisette: Alors finalement, vous êtes l'ainé. 

[00:49:48] Moise: Moi je suis l'ainé oui. 

[00:49:49] Lisette: Et vous avez combien de frères, combien de sœurs? 

[00:49:52] Moise: Et bien j'ai, j'ai trois frères et deux sœurs. 

[00:49:57] Lisette: Et ils sont où maintenant? 

[00:49:59] Moise: Eh bien j'ai un frère  en Israël.

[00:50:01] Lisette: Il s'appelle...

[00:50:02] Moise: Maher [sp?]. J'ai un frère à Marseille. Il est médecin à Marseille, Samuel. J'ai un frère rabbin à Miami, dans le [inaudible] de la Floride...

[00:50:15] Lisette: Il s'appelle?

[00:50:17] Moise: Amaran [sp?]. Voilà...et moi. Nous sommes quatre. Les filles une a Caracas et l'autre ici.

[00:50:23] Lisette: Une a Caracas? 

[00:50:24] Moise: Oui. 

[00:50:25] Lisette: Elle s'appelle comment? 

[00:50:26] Moise: Mercedes. 

[00:50:27] Lisette: Mercedes et celle d'ici? 

[00:50:28] Moise: Simona. 

[00:50:29] Lisette: Simona. Ce sont tous des noms...

[00:50:33] Moise: Oui. 

[00:50:33] Lisette: Religieux ou...

[00:50:35] Moise: Espagnols. 

[00:50:36] Lisette: Oui, espagnols. Et...peut-être vous pouvez nous perler des organisations juives au Maroc. 

[00:50:56] Moise: Je peux vous parler des communautés que j'ai connues. On va commencer pas à Larache je n'ai pas, je n'est pas très, très bien comment ça c'est passé mais je sais qu'il y avait une communauté. Et que cette communauté s'occupait de repartir, parce que la nourriture était rationnée à l'époque...

[00:51:18] Lisette: Wow. 

[00:51:18] Moise: L'huile et des choses comme ça étaient rationnées alors c'est l communauté qui s'occupait de distribuer les aliments les plus populaires. Mais à Tanger on avait de l'abondance. Tanger était internationale. Même si elle a été occupée par l'Espagne on avait le meilleur pain, on avait les meilleures choses. À Tanger on a jamais manqué de quoi que ce soit. [00:51:44] Extraordinaire comme situation. Mais Tanger était internationale. Il y avait toutes les, tous les pays là qui ont décidés en 1912 à Algésiras de considérer le Maroc ils l'ont partagé entre l'Espagne et la France et le Tanger est resté ville internationale. 

[00:52:05] Lisette: Ah wow. 

[00:52:07] Moise: Oui. 

[00:52:08] Lisette: Et est-ce qu'il y avait des, des éducations juives? Des écoles juives? 

[00:52:12] Moise: Il y avait des écoles juives. 

[00:52:14] Lisette: Des synagogues...

[00:52:15] Moise: Tout, tout ça [overlap]

[00:52:17] Lisette: [inaudible]

[00:52:17] Moise: On avait à Larache y'avait trois cimetières. Ils se remplissaient, on ouvrait un autre. Oui. Y’avait la kashrout. Y'avait la kashrout à Larache. Y'avait une communauté. Comme je disais [inaudible] répartir les produits rationnés. Y'avait une bienfaisance aussi. Y'avait des bienfaisances. 

[00:52:48] Lisette: Tout ça à Tanger. 

[00:52:49] Moise: Non, à Larache. 

[00:52:50] Lisette: À Larache. 

[00:52:51] Moise: Mais à Larache, à Tanger c'était fabuleux. Tanger était une ville où on avait un hôpital juif, une maternité juive, un dispensaire juif, un asile pour les vieux juifs, oui, à Tanger. Et une communauté vraiment bien structurée, bine organisée. Incroyable. [00:53:17] L'hôpital juive c'était un hôpital incroyable. Malheureusement le roi, un soir, je crois qu'il a mal dormi, il a, il a, il l'a rasé. Parce que il bouchait la vue de son palais derrière. 

[00:53:30] Lisette: Oh my god. 

[00:53:32] Moise: Rasé. Ils sont venus la communauté...non. Historique, C'était un endroit historique pour le Maroc. Un hôpital juive qui datait, quand les hôpitals n'existaient pas comme ça. Rasé. Parce qu'on avait pas eu de malades, ils on emmené les gens de l'asile pour les vieux, ils les ont installés à l'hôpital, y'était là bas comme ça. [00:53:57] Ils avaient quand même une vocation. Fini. 

[00:54:02] Lisette: Alors parlez nous de ce qui est arrivé chez vous pendant la guerre de '67. 

[00:54:10] Moise: Le guerre de '67, '67 moi j'habitais Kénitra. La guerre de '67 j'habitais Kénitra. On écoutait Radio Israël tous les soirs et les, les, les, les mais venaient chez moi à la maison à l'heure des nouvelles parce que moi j'avais une, une radio Zénith qui était transocéanique et elle attrapait très bien Israël. [00:54:40] Et ils se réunissaient et la police savait qu'ils se réunissaient pour écouter Radio Israël mais ils n'ont pas, ils n'ont pas bougés. Mais, y'a une épisode, tiens, je n'ai pas parlé de ça...[00:54:55] Un jour, on était à la plage et un jeune médecin belge qui était à l'hôpital de Kénitra, il est venu nous dire, "Attention, vous les juifs, les infirmiers de l'hôpital vont descendre avec des bistouris pour vous égouiller [sp?]." [00:55:19] Comme ça il m'a dit. Quoi? "Oui monsieur." 

[00:55:24] Lisette: Les quoi de l'hôpital? 

[00:55:25] Moise: Des bistouris pour nous égouiller. Ils allaient descendre dans la ville, parce que Kénitra était une ville, y'avait une ville européenne et y'avait la Médina où habitaient les arabes. Dans la ville européenne, nous habitons dans la ville européenne. Alors ils allaient descendre nous égouiller. Et je me rappelle, d'aller au commissariat et je sais pas, quand même pas, ils m'ont pas enfermé, pour dire au commissaire, attention, voilà ce que je viens d'entendre. Prenez vos responsabilités. Voilà ce qu'ils veulent faire de l'hôpital. [00:56:02] "Ah, qu'est ce que tu fais toi ici? Vas t'en. Je veux pas te voir ici." J'ai dit, bon. Mais ça fait de l'effet parce que immédiatement il a mis un cordon de sécurité pour que les gens de la Médina ne montent pas à la ville. Ça c'est en '67. 

[00:56:19] Lisette: Alors c'est le commissariat...

[00:56:22] Moise: Oui, qui a protégé parce que le...[overlap]

[00:56:24] Lisette: Marocain?

[00:56:25] Moise: Oui marocain, oui. 

[00:56:25] Lisette: Marocain. 

[00:56:26] Moise: Le roi du Maroc ne voulais absolument pas, ça c'est vraiment quand la [inaudible] il faut le dire hein? Il était vraiment  "On aime Israël" [?] Il aimait les juifs. y'a pas...

[00:56:36] Lisette: Ok...

[00:56:36] Moise: Hassan II. Il ne permattait pas [overlap]

[00:56:39] Lisette: Il est toujours vivant? Non.

[00:56:41] Moise: Non, il est mort [overlap] Et son fils a subi la même [inaudible, overlap]. [00:56:44] Malheureusement, vous savez, hier, oui hier on a, on a marqué le 5ième anniversaire de la bombe à Marrakech qui avait tué un couple juif, de Montréal. 

[00:57:01] Lisette: Oh là là, oui, oui, oui, oui. 

[00:57:03] Moise: Ils étaient à Marrakech et le petit, ils avaient un garçon, ils l'ont pas amené avec eux, le petit il est à l'école ici. 

[00:57:09] Lisette: Oh mon dieu. 

[00:57:10] Moise: Et ils ont fait, au Maroc le roi a marqué le...

[00:57:13] Lisette: Et qui a fait la bombe? 

[00:57:15] Moise: Hein?

[00:57:16] Lisette: Qui a fait la bombe? Qui a fait la bombe au Maroc? 

[00:57:19] Moise: Un arabe. Un jihadiste. Ça c'est...alors la Guerre de six jours, '67, elle a été, moi quand j'étais pharmacien j'ai...ils ont boycotté la pharmacie. Je n'avais plus de clients. 

[00:57:35] Lisette: Pour combien de temps? 

[00:57:38] Moise: Ça duré, au moins un mois. Alors j'ai dit à ma femme, écoutes, on va laisser la pharmacie aux préparateurs. Il vaut mieux que, on a pris la voiture on est partis à Malaga. On a attendu là bas. Chaque fois qu'il y avait une crise, on prenait la voiture, on allait à Malaga. 

[00:57:54] Lisette: Ça prend combien de temps pour vous rendre à Malaga? 

[00:57:58] Moise: Ça c'est dans la journée même. C'était facile. Tanger, le bateau, on arrive. 

[00:58:01] Lisette: Wow. 

[00:58:02] Moise: Oui, c'était...C'était la banlieue de, de Kénitra. Et nous avons aussi été à Vichy quand y'a eu le coup de Skhirat quand y'a eu l'attentat d'assassinat du roi à Skhirat. 

[00:58:15] Lisette: C'est quelle année ça? 

[00:58:18] Moise: Ça c'est l'année '70. 

[00:58:20] Lisette: '70. 

[00:58:22] Moise: '70. Il avait fusillé tout le monde. Incroyable. C'était des années de plomb, des années noires. Au point de la liberté ben, publique c'est très, très, c'est bafoué. Le roi il avait mis, incroyable. Ses amis intimes, il les a fusillé. Parce qu'ils voulaient le tuer. 

[00:58:45] Lisette: Oui. Il avait raison. Est-ce que vous aviez des organisations sionistes quand vous étiez, des organisations sionistes, des membres sionistes. 

[00:59:02] Moise: Y'avait tous le mouvements à l'époque. Avant l'indépendance du Maroc il y avait tous les partis politiques d'Israël étaient représentés à Tanger. 

[00:59:12] Lisette: En quelle année?

[00:59:13] Moise: À Tanger. Eh ben, depuis '48. 

[00:59:15] Lisette: Ok.

[00:59:16] Moise: De '48 jusqu'è l'indépendance du Maroc y'avait tous les partis. Ils se réunissaient. 

[00:59:20] Lisette: [overlap] Maroc [overlap]

[00:59:24] Moise: '56. 

[00:59:24] Lisette: '56.

[00:59:25] Moise: Tout ça a été balayé mais on avait des élections, des machins incroyables. 

[00:59:31] Lisette: Sionistes. 

[00:59:32] Moise: Sionistes.

[00:59:33] Lisette: Et après ça? '66?

[00:59:35] Moise: Tout le monde [overlap] même les leaders ils sont partis. 

[00:59:40] Lisette: Ils sont partis. 

[00:59:41] Moise: Ils sont partis. 

[00:59:42] Lisette: Et personne n'est resté.

[00:59:43] Moise: Non, non, ils sont partis. 

[00:59:44] Lisette: De ce mouvement. 

[00:59:45] Moise: Beaucoup. 

[00:59:48] Lisette: Parlez nous de votre relation, les relations de votre famille avec les non juifs. Est-ce que vous...

[00:59:56] Moise: Eh ben, d'abord, à Larache j'étais, à Larache j'étais très, très cordial. 

[01:00:01] Lisette: Est-ce que vous [overlap]

[01:00:03] Moise: Je me [overlap] Moi j'ai fréquenté des, mes copains, on avait pas une maison juive ou quoi que ce soit à Larache. On jouait au football, soccer ensemble avec les, les, les non juifs. Les écoles jouaient contre les écoles, on avait des bonnes relations. Après, à Tanger, y'avait les curés, c'est la même chose. Les curés ils étaient avec moi, ils m'ont gâtés. Ils m'ont donné une éducation morale. Il faut pas, il faut quand même l'affirmer. Malgré que c'était l'église catholique et que c'était l'époque de Franco et tout le reste, on avait la liberté complète à Tanger. 

[01:00:48] Lisette: Est-ce que vous avez deux trois mémoires que vous aimeriez partager de cette époque? De votre enfance? De votre...

[01:00:58] Moise: Mon dieu. Je...je sais...Je sais que quand j'étais à l'école des Marianistes y'a eu le centenaire de la, de la vierge qu'ils appellent Nuestra Senora del Pilar. Était le vierge qui chapeautait les curés que moi où j'allais à l'école. Et ils avaient un anniversaire très important à Saragosse en Espagne. Et alors le curé il m'a dit, "Tu veux pas venir avec nous?" [01:01:45] J'ai dit, je veux bien. J'avais de l'expérience parce que j'étais un juif qui allait à l'Espagne, l'Espagne catholique, l'Espagne de Franco et qui a défilé dans une procession. Imaginez vous, moi dans une procession chrétienne. J'ai défilé avec les compères. Ça m'a marqué beaucoup ça. 

[01:02:13] Lisette: Euh, je voudrais que vous décriviez votre identité. Comment vous vous considérez comme identité? Juive?

[01:02:24] Moise: Mon identité est...je suis un juif. Un [inaudible] culture qui est espagnol, française et qui n'a aucune espèce de, de, de complexe de ce côté là. Moi je suis un garçon très abordable, je partage toutes les situations, jamais, j'ai beaucoup de respect pour les chrétiens et pour les arabes j'avais le respect mais maintenant ils sont en train de capoter, ils sont pas bien. [01:03:02] Et je suis fier de la manière dont j'ai mené ma, ma vie. À mon âge maintenant j'étais toujours ouvert, jamais, si quelqu'un, qu'on me disait pasteur, si quelqu'un souffrait ben il m'appartenait à moi. Ça été moi. Je suis impliqué dans la communauté de Montréal depuis, mon dieu, depuis 1980 je suis impliqué. Je suis passé par tous les échelons. [01:03:31] J'ai été responsable de la Commission religieuse. Après ça on m'a nommé président de la communauté. Président de la communauté, quand j'ai fini mon mandat j'ai fait la, j'étais président de la Campagne de l'appel Juive Sépharade, Action Sépharade. Après ils sont venus me chercher pour prendre la présidence de la Fédération Sépharade du Canada. Et maintenant je suis l'aumônier de la [inaudible], le président de la [inaudible]. Je m'occupe de l'accompagnement des gens en deuil, qui vont mourir et qu'il faut faire tout ce qu'il faut pour les enterrer, c'est moi le président. 

[01:04:16] Lisette: Wow. 

[01:04:17] Moise: Alors j'ai un CV assez chargé  de ce point de vue communautaire, vraiment. D'ailleurs c'est les copains, les gens avec toi "Tu es le président des présidents." Ils me disent. 

[01:04:30] Lisette: Que dieu vous garde. C'est magnifique. Est-ce que vous vous considérez comme réfugié ou immigrant?

[01:04:36] Moise: Non. Je suis néo-Québécois. Nous on s'est intégrés ici de manière extraordinaire. Depuis le premier jour qu'on est arrivés on a, on s'est dit, ça c'est chez nous. On est bien, on est protégés, un pays de liberté, un pays vraiment qui est exemplaire alors qu'est ce que vous voulez de plus maintenant? Faut pas. À un autre moment nous avons beaucoup la nostalgie d'Israël mais on va. J'ai un fils là bas. On va au moins deux ou trois fois par an pour le voir. [01:05:12] Moi je leur dit, ne vous en faites pas la banlieue d'Israël c'est Montréal. Alors  on le voit tout le temps. 

[01:05:20] Lisette: Et quelle sorte d'identité vous voulez partager avec votre enfant? Passer? 

[01:05:29] Moise: Surtout l'identité que je veux, que je connais [?] d'ailleurs à mes enfants c'est l'identité juive. Mes enfants sont pratiquants mais pratiquants pas...avec des signes extérieurs. Ils sont pratiquants, ils font les trois prières, ils mangent kasher à la maison et aussi à l'extérieur de la maison et ils vont à la synagogue, y'a qui vont trois fois par jour, comme moi. 

[01:05:56] Lisette: Trois fois par jour. 

[01:05:57] Moise: Oui. 

[01:05:58] Lisette: Le matin....

[01:05:59] Moise: Moi, moi je prie trois fois par jour. 

[01:06:01] Lisette: Aux synagogues? 

[01:06:03] Moise: J'ai une synagogue. 

[01:06:04] Lisette: Oui et, vous priez trois fois par jour aux synagogues. 

[01:06:09] Moise: Ça dépend. Parce que aussi je suis pharmacien et je travaille des fois à l'heure des prières. Vous comprenez? Quand j'ai fait, comme on dit [inaudible] la prière. 

[01:06:21] Lisette: Et...alors est-ce que vous êtes jamais retournés à Larache?

[01:06:28] Moise: [overlap] Je ne suis pas...Avant de partir on quitté en '74, j'ai fait le tour des villes où j'ai vécu. j'ai pèleriné mais ma famille, mon grand-père, ma grand-mère ils sont enterrés là bas. Je les ai pélerinés tous, j'ai amené avec moi mon fils qui était petit pour qu'il voie et on est venus au Canada. Mais en '86 je suis allé au Maroc, aux missions communautaires. Je suis allé pour recruter des jeunes pour Yeshiva ici. [01:07:07] Et j'ai parcouru le Maroc et c'était plus le Maroc que j'avais connu. On aime beaucoup ce pays mais malgré tout la preuve c'est qu'ils, même les israéliens ils ont la nostalgie de...ils viennent en Israël, au Maroc d'Israël, incroyable combien ils viennent. De fois y'a à peu près six à sept mille juifs au Maroc. [01:07:34] Qui viennent pour pèleriner, etc. Alors c'est, on veut garder ce souvenir. Me femme me dit, "J'aimerais pas aller au Maroc parce que je garde le souvenir de mon enfance en moi. Si je vais là bas, je vais perdre." 

[01:07:51] Lisette: Et dernièrement, la dernière question, est-ce que vous avez un message à nous donner, un message que vous voudriez partager avec nous pour cette entrevue.

[01:08:02] Moise: Mon dieu, moi le message, ce que j'aimerais et je souhaite de tout mon cœur c'est que les relations Ashkénazes-Sépharades se renforcent. 

[01:08:14] Lisette: C'est un bon message. 

[01:08:16] Moise: Ça c'est ce que je veux. Et on a fait des progrès. Pas complètement mais on a fait des progrès et moi je vous assure que si on est venu me chercher pour faire la présidence de l'Appel Juif vous pouvez pas vous imaginer le bonheur que j'ai eu. Vous pouvez pas vous imaginer. [01:08:38] Et vous savez ce que je fais moi? Pendant toute la campagne je suis allé tous les samedis à toutes les synagogues sépharades. À toutes les synagogues. J'ai  passé la nuit chez des gens qui [inaudible] mangé pour shabbat. J'ai laissé ma famille, je suis allé à toutes les synagogues, j'en ai pas loupé une. Et j'ai dit, je ne sors pas d'ici sans avoir la liste de tous vos membres. [01:09:03] Et j'ai sorti des listes de tous les membres et après on a pu les approcher. Mais si vous allez donner $18 au moins c'est $18. Vous me disez? 

[01:09:14] Lisette: Oui, oui bien sûr. 

[01:09:15] Moise: Vous savez, moi je leur disait [hebrew]. Ne me donnez pas [hebrew], c'est la vie, c'est 18, donnez moi Meht [sp?], c'est l'amour, c'est 440. Oui, je leur dit...[overlap] Je suis très content  d'être au Canada. Même amis, les québécois, j'ai des amis vraiment, je vous assure que [inaudible] ma présidence pas mal de bénis [?] qui m'ont fréquentés. Ils sont adorables et c'était très bien. Du PQ comment d'ailleurs [?], ce n'est pas, ce n'Est pas des [inaudible]. Moi ce qui m'intéresse, comme disait René-Levesque, moi ce qui m'intéresse, si le sépharade est bon, est bien, moi je suis content. 

[01:10:10] Lisette: Que dieu vous garde. Je vous remercie infiniment.

[01:10:12] Moise: J'espère que je vous ai...

[01:10:14] Lisette: Magnifique. Magnifique, très beau, très intéressant et au nom de Sephardi Voices je vous remercie infiniment pour nous avoir accordé...

[01:10:25] Moise: Merci, moi je suis content aussi. 

[01:10:26] Lisette: Belle entrevue. Merci infiniment. C'était un vrai plaisir de vous rencontrer et de vous connaitre. 











Moise Amselem BITC H264-HD






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