[00:00:01] Interviewer: Can you hold this? I'll just read it please. Okay, ça c'est le référence numéro de l'interview est Montréal 107. L'interviwee est le président de Spanish  et Portugese. Il est M. Edmond Elbaz. La date aujourd'hui c'est le 15 novembre, 2017. [00:00:26] La location est à Montréal, au Spanish et Portugese synagogue. L'intervieweur est Lisette Shashoua et le caméra est monsieur Dominic Dutil. Merci. 

[00:00:46] Interviewer: Premièrement, je veux vous remercier beaucoup euh, Edmond d'être, d'avoir accepté de faire ce, cette entrevue pour Sephardi Voices. Merci d'être venu. Je vais commencer par...

[00:01:03] Edmond Elbaz: Lisette pour réponde à votre manque je voudrais dire que c'est pour moi un honneur et un privilège d'être ici ce matin pour répondre à vos questions. Euh, votre projet d'héritage Sépharade est pour moi aussi euh, quelque chose d'extrêmement important parce que...nous sommes tous sensibles à notre histoire. [00:01:31] Il est important de la consigner et de s'en rappeler et de la transmettre aux générations futures. Donc pour moi, c'est plus qu'un plaisir d'être avec vous ce matin. 

[00:01:44] Interviewer: Merci beaucoup. C'est un honneur pour nous aussi et un privilège. Je veux commencer, si vous pouvez nous donner vote nom, votre lieu et date de naissance. 

[00:01:54] Edmond Elbaz: Oui, alors je m'appelle Edmond Elbaz, ça vous le savez. Je suis né le 19 décembre, 1942 à Safi au Maroc. Naturellement, le date va vous dire quelque chose parce que c'était pendant la guerre et c'était sous le régime de Pétain donc euh, le Maroc... [00:02:24] était sous une surveillance très étroite de, du régime de Pétain et donc les Juifs qui habitaient au Maroc n'avaient pas la liberté de mouvement. Ils étaient constamment surveillés et il y avait beaucoup d'emplois qu'ils ne pouvaient pas...euh, avoir. Dans le domaine civil, dans le domaine administratif, ils étaient rejetés de partout. [00:02:57] Et, naturellement, c'était une période extrêmement difficile et euh, je suis né un mois après les débarquements des alliés, des armées alliées au Maroc. Et c'est, dans un sens, aussi un miracle. C'est ça qui nous a sauvé parce que si les Allemands étaient arrivés avant les armées alliées et bien je ne crois pas que je serais là devant vous aujourd’hui à faire cette entrevue. 

[00:03:31] Interviewer: Wow. Est-ce qu'il n'y avait pas des gens qui étaient euh, enterrés dans des concentration camps au Maroc?

[00:03:41] Edmond Elbaz: Écoutez, il y avait beaucoup de...délégations nazies qui, qui venaient au Maroc. Et un moment donné ces délégations en plus de saisir les biens des Juifs et, certainement, il les ont identifiés dans les banques et puis euh, ils ont saisi certains de leurs avoirs. [00:04:10] Ils ont commencé, effectivement, à préparer des terrains pour des camps de concentration euh, aux alentours de Casablanca, aux alentours de Kénitra, tout ça. Il faut dire que ces Nazis, qui étaient très proches du gouvernement de Pétain euh, avaient la liberté de mouvement et ils, ils pouvaient à n'importe quel moment euh, saisir tous les biens des Juifs qui étaient au Maroc. [00:04:43] Inutile de vous dire que c'était une préoccupation énorme et une inquiétude terrible pour tous les Juifs qui habitaient au Maroc. Euh, une petite anecdote, lorsque...les armées alliées sont arrivées, personne ne savait que c'était les armées alliés qui arrivaient, certainement pas les Juifs. [00:05:08] Ma mère était enceinte de huit mois, parce qu'ils sont arrivés au mois de novembre, je suis né au mois de décembre. Et dans mon, ma petite ville de Safi, la plupart des Juifs ont décidé de, d'aller se cacher dans des bois, dans des forêts aux alentours d'accord? Parce que quand ils ont entendu les, les fusillades, les canons euh, le bruit de la guerre ils se sont dit, c'est sûr ce sont les Allemands qui arrivent. [00:05:43] Et donc ils sont allés se cacher. Et c'est seulement le lendemain matin que quelqu'un est venu, en criant en chantant, "Sortez de là, n'ayez pas peur, ce sont les Américains qui sont arrivés." Ça c'était un miracle. Et c'est ça qui nous a sauvé. Bon...

[00:06:00] Interviewer: Y'avait pas de radio ou de...

[00:06:03] Edmond Elbaz: Il y avait des radios mais ces radios, la plupart du temps il faut pas oublier, elles étaient euh, contrôlées et il y avait surtout des messages de propagande qui étaient là. Faut pas oublier que Hadj Amin al-Husseini était à Berlin. Il avait sa radio de propagande qu'il dirigé vers tous les pays arabes. [00:06:27] Et ses messages étaient reliés aussi euh, à travers, non seulement l'Europe mais aussi l'Afrique du Nord et donc, chez nous aussi. Bon, c'est sûr que nous avions à ce moment là un sultan qui était très proche de notre communauté. C'est le sultan Mohammed V. Mohammed V lui a [bien] déclaré à quelques reprises que tous les Juifs Marocains étaient ses citoyens. [00:07:02] Et qu'il ne faisait pas de différence entre les citoyens Juifs Marocains et les citoyens Juifs Musulmans. Mais là jusqu'à quel point est-ce qu'il pouvait nous défendre? Parce que lui-même était sous la tutelle de, du régime de Pétain. Il faut pas oublier que le gouvernement qui était en place était un gouvernement qui était dirigé par Pétain et ses acolytes. 

[00:07:32] Interviewer: Wow. Je vais vous demander un peu des origines de votre famille et ce que vous pouvez nous dire de votre héritage. 

[00:07:44] Edmond Elbaz: Alors, euh....

[00:07:49] [Ajustement technique]

[00:08:02] Edmond Elbaz: Alors mon nom, l'origine de mon nom Elbaz est [premièrement?] Arabe parce que ça veut dire "Faucon" en français.

[00:08:14] Interviewer: Ce qui veut dire? 

[00:08:15] Edmond Elbaz: Faucon. Falcon. 

[00:08:17] Interviewer: Oh. 

[00:08:18] Edmond Elbaz: Ok. Et ile st difficile de retracer exactement d'où ça vient. Est-ce que ça vient d'Égypte? Parce que je sais que en Égypte, en Syrie, y'a beaucoup de El-Baz, c'est écrit différemment. El, trait d'union, baz. Et au Maroc, en Algérie y'avait, c'était un nom qui était assez courant. [00:08:41] Du côté de ma mère elle s'appelait Méghira [ph]. Méghira est un nom euh, qui vient de l'Espagne. y'avait un petit village au centre de l'Espagne qui Al-Méghira. C'est donc, je pense que les descendants de mes, de mes ancêtres ont continué à porte ce nom Méghira. Voilà. 

[00:09:08] Interviewer: Et parlez nous de vos grands-parents, de vos parents, des frères et sœurs, de votre famille. Ce que vous vous rappelez de votre enfance. 

[00:09:18] Edmond Elbaz: Alors euh, je n'ai pas connu mon grand-père, c'est à dire le père de mon père mais j'ai beaucoup entendu parler de lui. Vous avez une photo là que...qui m'est très chère parce que je porte son nom d'accord? Il s'appelait Messod, Rabbi Messod Elbaz [ph]. C'était un kabbaliste, il avait une yéshiva à Safi et il a formé des centaines d'étudiants. [00:09:48] D'accord? Euh, mon père, lui et bien il, il a suivi un peu dans ses traces. C'est, mais sans être rabbin, c'était un homme qui était très modeste, très simple, très gentil, très aimable. Et il s'entendait avec tout le monde. C'est ça qui était extraordinaire. Il n'avait pas d'ennemis et je ne lui connaissais pas d'ennemis. [00:10:20] Du côté de ma mère, donc mon grand-père paternel, je me souviens très bien de lui parce que je l'accompagnais parfois à la synagogue le shabbat. Je portais son talit et j'allais avec lui. Ce qui est intéressant à noter, ce que je me souviens très bien c'est que mon grand-père maternel, Abraham Méghira [ph]. [00:10:51] À moment donné il est tombé malade. Et il insistait auprès de mes parents que je fasse ma Bar Mitzvah à l'âge de 12 ans et huit mois d'accord? Pourquoi? C'était juste au lendemain de Rosh Hashana, pourquoi? Parce qu'il savait qu'il allait mourir. Il le savait, d'accord? Il avait le pressentiment qu'il allait mourir. Il insistait pour que je fasse ma Bar Mitzvah. [00:11:22] Alors donc mes parents m'ont fait ma Bar Mitzvah un lundi matin euh, on est allés chez lui à la maison, parce qu’il ne pouvait pas se déplacer, il m'a fait, m'a fait porter la tefillin, le talit a fait la Beraha et puis ensuite nous sommes allés ensemble avec mes oncles, mes tantes, mes parents à la synagogue. [00:11:45] Le lendemain on grand-père est mort. Comme on habitait à côté on a entendu des cris et tout ça donc il avait le pressentiment qu'il allait mourir et donc il insistait auprès de mes parents pour que je fasse ma Bar Mitzvah le lendemain de Rosh Hashana. Voilà. Donc c'est ça que je me souviens de lui. Alors euh... [00:12:09] Mes frères et sœurs sont tous nés à Safi au Maroc. Nous avons fréquenté l'école de l'Alliance Israélite Universelle. Il ya avait l'école des garçons, l'école des filles. Dans mes souvenirs c'était une école extraordinaire l'école euh...Charles Netter de Safi. Nous avions des professeurs de premier calibre. [00:12:37] Des gens bien alors, d'une euh, d'une dévotion pour leur, pour leur euh, enseignement qui était incroyable. Chaque élève pour eux était spécial. Et il faut dire que à cette époque, si vous vous souvenez bien, on n'avait pas des classes de 15 ou 20 élèves comme ici au Canada, ou 25. C'était parfois des classes de 40 élèves. [00:13:07] Là on s'essayait tous autour des mêmes tables avec des encriers, avec des livres que mes parents on eu, c'était le même livre. Y'avait pas de, y'avait rien de changé. Mais ce qui était magnifique c'était l'esprit avec lequel ces enseignants transmettaient leur connaissances. [00:13:27] Alors donc euh, c'est là que nous avons étudié, à l'Alliance Israélite Universelle et puis euh, ensuite et bien, personnellement après l'Alliance je suis allé à Casablanca dans un lycée français pour poursuivre mes études. Euh, ma sœur Suzie est allée à Tanger dans une euh, dans un espèce de séminaire. [00:13:55] Armand, lui euh, est médecin. Il est allé au Lycée Victor Hugo à Marrakech puis ensuite à Toulouse pour faire médecine et cardiologie. Henri, que vous connaissez bien parce qu'il était directeur général de l'hôpital juive, bien lui il était aussi à l'Alliance et puis ensuite, comme il est venu jeune ici à Montréal est allé au Collège Français puis ensuite aux [inaudible]. [00:14:22] Et c'est là qu'il a fait euh, il a poursuivi sa carrière. Pénina elle, elle est psychologue, elle est venue jeune ici aussi et puis elle a, elle a étudié ici sur place pour faire une maîtrise en psychologie. 

[00:14:36] Interviewer: Wow. 

[00:14:37] Edmond Elbaz: Donc c'est très...une très brève histoire. 

[00:14:42] Interviewer: Pouvez-vous me dire, vos parents, ils se sont rencontrés comment?

[00:14:46] Edmond Elbaz: Ben mes parents se sont rencontrés dans la même ville, à Safi. Faut dire que, à l'époque les gens ne se rencontraient pas dans les discothèques [rit] c'est, probablement un membre de la famille de mon père qui a  présenté euh, qui lui a présenté ma mère. C'était comme ça. Et puis euh, ils se sont mariés. [00:15:11] Ils se sont mariés en 1940 donc c'était aussi, en, en janvier 1940 donc c'était aussi pendant la guerre, pratiquement. Ils ressentaient les évènements. Ils savaient ce qu'il se passait. Euh, même s'ils habitaient loin ils savaient que il y avait quelque chose en Europe qui était totalement anormal, qui était indiscible [ ?], qui était dangereuse et ils passaient tout leur temps à spéculer. [00:15:41] Parce que ils n'avaient pas les bonnes informations. C'étaient des ouï-dire. Ah on a déporté des Juifs de Pologne. On a déporté des Juifs de France. On a déporté des Juifs de, de, de...d'un autre, de Lituanie, de Russie. Alors donc, pour eux, c'était ce qu'on leur rapportait. Mais naturellement, s'ils pouvaient avoir la BBC ou Radio-France, parfois ils avaient quelques éléments de vérité. [00:16:14] Même avec ça, avec al propagande qui venait de Berlin, ils n'étaient pas certains du tout de ce qui se passait. Et les journaux locaux ne disaient pas toujours la vérité. 

[00:16:31] Interviewer: Est-ce qu'ils étaient en amour? Est-ce qu'ils tombaient en amour avant qu'ils se marient?

[00:16:35] Edmond Elbaz: Ben écoutez, je ne peux pas, je ne peux pas vous le dire mais je suis sûr que ils auraient des sentiments l'un pour l'autre, parce que ils sont restés mariés, dieu merci, pendant plus de 60 ans. 

[00:16:49] Interviewer: Alors on va revenir à la vie familiale euh, au Maroc. Votre quartier, si vous pouvez nous le décrire, la vie religieuse, les coutumes, les traditions. 

[00:17:02] Edmond Elbaz: Safi était une petite ville où il y avait à peu près 12 000, 15 000 Juifs. Euh, ils étaient tous orthodoxes, il n'y avait pas de mouvement conservatif ou reform ou libéraux. Ça n'existe pas. Tout el monde était Juif Orthodoxe et tolérant. Je me souviens quand j'étais jeune j'allais Shabbat à la synagogue avec mes parents, avec on grand-père puis après j'allais à la plage. [00:17:37] Ensuite j'allais jouer au football. Et le soir je retournais à la synagogue avec mes par - avec mon père ou avec euh, mon oncle et le rabbin qui nous recevait savait très bien où nous étions. Ben [hébreu] essayez vous. Donc il nous disait pas, "Mais pourquoi vous êtes allés à la plage? C'est Shabbat, c'est pas - " Non. [00:18:01] Ce qui était bien au Maroc c'est que nous avions un judaïsme qui était ouvert. Qui était tolérant. Qui intégrait tout le monde. Qui ne faisait pas de différence. Et donc tous les jeunes de notre âge se sentaient à l'aise de venir à la synagogue. Parce que ils savaient qu'ils n'étaient pas étiquetés. Qu'ils n'étaient pas shomer shabbat. [00:18:32] Parce qu'ils allaient à la sy - ils allaient au cinéma l'après midi ou ils allaient à la plage ou ils allaient jouer au football. 

[00:18:38] Interviewer: En auto? 

[00:18:40] Edmond Elbaz: Parfois oui, parfois oui, parfois à pied. Parce que très peu avaient des autos à l'époque. Mais peu importe. C'était surtout l'esprit d'ouverture et de tolérance qui prévalait, qui était extraordinaire à l'époque qu'on a jamais retrouvé. Ceci étant, puisque vous me parlez de ce que je me souviens, parmi cette population juive qui était au Maroc...Il y avait beaucoup de pauvres. [00:19:14] Il y avait des hospices. Bon, la communauté juive s'occupait de ces pauvres là. Je me souviens parfois, le Shabbat il y avait cinq, six mendiants qui venaient frapper à la porte pour demander les restes des nourritures du Shabbat, vendredi soir ou samedi, qu'on leur donnait. Mais personnellement, lorsque j'étais enfant, ça me crevait le cœur. [00:19:40] Je me disais mais, comment se fait-il que des gens puissent venir Shabbat demander des restes? Pourquoi est-ce que personne ne s'occupe d'eux? Le grand miracle, vous le connaissez. C'est la création de l'État d'Israël. Les sionistes qui sont arrivés et qui ont pris tous ces gens là. Comme on dit en hébreu [hébreu]. [00:20:06] Sur, les, sur les ailes les aigles pour les emmener en Israël, est c'est comme ça que tous les villages [inaudible], dans les villes, dans les petites villes, dans les grandes villes, se sont vidés. Et, dieu merci, ces gens là ont trouvé une dignité en allant en Israël. Leurs enfants aujourd'hui sont des lieutenants colonels, sont des, sont des officiers dans l'armée israélienne, sont des ingénieurs, sont des professeurs. [00:20:39] L'un d'eux est un ami personnel, il est directeur, il était directeur jusqu'à quelque temps de département de philosophie de l'Université hébraïque de Jérusalem. Il s'appelle Ammi Buganim [ph]. Je l'ai reçu ici à quelques reprises à Montréal, il a donné des conférences ici, un homme absolument admirable. [00:21:04] D'accord et donc voilà le miracle d'Israël. Ils ont réussi à prendre tous ces gens là et les emmener au paradis. Les emmener en Israël. Bien sur que c'était difficile au début, y'avait rien. Il fallait reconstruire le pays. Parce que tous ceux qui ont colonisé le pays ce n'était pas leur pays. [00:21:26] Donc ils le laissaient comme ça euh, euh, avec la rocaille, avec euh, les maladies avec euh, euh, tombé en ruines. Ils ne se sont pas intéressés à le reconstruire. Mais lorsque les - [inaudible] nos gens sont allés là-bas, ils ont brassé la terre, ils savaient que c'était la leur. C'était leur maison. [00:21:49] Donc ils se sont corps et âme pour construire, pour bâtir les pays et pour le défendre. Bien sûr que c'était difficile pour euh, pour nos rabbins, pour nos artisans ou nos employés administratifs qui sont allés là-bas, qui n'étaient pas habitués à être dans les mabarot. [00:22:13] Mais c'est un prix qu'ils ont payé pour que leurs enfants grandissent dans la liberté, dans la dignité, dans...avec le sentiment que ils sont chez eux. Parce que voyez-vous Lisette, je n'ai jamais senti que j'étais dans mon pays. Je suis né au Maroc, j'ai grandi au Maroc mais je savais qu'un jour je devrais quitter. Je serais obligé de quitter. Vous savez pourquoi? [00:22:49] Parce que samedi, ou les jours de fête, quand je descendais pour aller à la synagogue avec mes frères d'accord, y'avait pas une fois où un Arabe ne venait pas m'arracher mon béret, parce qu'on portait un béret pour aller, le jetait par terre, crachait dessus ou me jetait une pierre ou me donnait coup de pied. [00:23:12] C'était presque normal. Bon, ça ne se passait pas comme ça peut-être dans les grandes villes, parce que il y avait quand même une dynamique qui était différente. Il y avait beaucoup plus de Juifs qui habitaient - tous ensemble dans le même quartier donc ils étaient plus ou moins solidaires les uns des autres et protégeaient. [00:23:31] Mais dans les petites villes c'était différent. C'était très, très différent. Et nous, nous habitions dans une petit ville. Et bon, nous avions des voisins qui étaient très sympathiques, qui étaient gentils mais ils étaient sympathiques un jour, gentil un autre jour mais dès qu'ils entendaient quelque chose à la radio ils nous tournaient le dos. [00:23:54] On n'étaient plus des amis, c'était fini. Et bien sûr, j'ai besoin de vous dire ce qui s'est passé pendant la guerre de six jours. C'était horrible. Euh, les informations qui euh, qui étaient déversées par les radios. Les chansons de Bahat Ba [ph]. Nous étions cachés. Bien sûr nous sommes cachés. 

[00:24:19] Interviewer: Bahat veut dire? 

[00:24:20] Edmond Elbaz: Oui, oui...exact. Assassine. Assassine, égorge. Alors nous avions une peur terrible mais cette guerre de '67 nous a permis de prendre la décision finale de partir. Parce qu'on savait que nous n'étions pas chez nous. Et moi j'ai toujours su, même quand j'étais enfant, que nous n'étions pas chez nous. Nous étions Marocains mais pour être vraiment acceptés il fallait être musulman. [00:24:55] Pas seulement marocain. Parce que être marocain et juif, pour la plupart des musulmans ça ne voulait rien dire. Pour être vraiment marocain il fallait être musulman. Je veux pas, c'est après l'indépendance bien sûr lorsque l'arabisation a commencé il fallait...il fallait être musulman pour être totalement accepté. 

[00:25:22] Interviewer: Parlez-nous de votre euh, célébrations des évènements de vie, des mariages, [inaudible] les Bar Mitzvah. 

[00:25:35] Edmond Elbaz: Les, bon, ça dépend des familles bien sûr. De, de leurs moyens financiers mais généralement lorsqu'il y avait un mariage tout el monde était invité. C'était comme - notre petite ville était comme un village d'accord? tout le monde était invité et ça se faisait pas par - 

[00:25:54] Interviewer: [inaudible]

[00:25:54] Edmond Elbaz: Euh, quelques Musulmans, quelques voisins mais surtout, bien sûr, les Juifs. Alors il y avait un crieur public. 

[00:26:03] Interviewer: Quoi?

[00:26:05] Edmond Elbaz: Un crieur public, c'est à dire que, un messager qui recevait le message de la famille qui organise, par exemple, une Bar Mitzvah ou une Brit Milah ou un mariage et il allait d'une maison à l'autre, il frappait sur, à la porte ou à la fenêtre et il disait, "Voilà je viens de la part de monsieur et madame tel. Ils vous invitent pour la Bar Mitzvah de leur fils qui va avoir lieu de Shabbat de -ta ta." Il donnait la date et il passait dans une autre maison. C'était comme ça. [00:26:34] Bien sûr, plus tard, avec un peu, la modernisation, t bien, je sais que c'est amusant aujourd'hui de, de penser à, à un tel, une telle manière de transmettre un message, ou transmettre une invitation mais à l'époque c'était normal. Bien sûr mais tranquillement, avec la modernisation et tout ça y'avait des cartes d'invitation qui étaient envoyées, ou qui étaient distribuées. [00:27:05] Alors donc, mais les mariages, les Bar Mitzvah se faisaient très agréablement euh, d'une manière très chaleureuse euh et, naturellement, chacun selon ses moyens. Euh, inviter ce qu'ils pou - les gens qu'ils pouvaient et puis ils dépensaient ce qu'ils pouvaient. D'accord? Mais il faut dire que la plupart des gens que j'ai connus n'avaient pas de gros moyens. D'accord?

[00:27:36] dans les grandes villes comme Casablanca, Rabat, Marrakech il y avait des gens qui avaient des gros moyens mais dans notre petite ville très peu avaient des gros moyens. Euh, parce que d'abord c'était une ville portuaire qui vivait surtout de la pêche. [00:27:55] Donc sardines, thon, euh, et puis donc qu'on mettait en conserve. Alors j'ai grandi en mangeant de la sardine et du thon jusqu'à l'âge de 13, 14 ans. C'était, c'est sain, c'était très bon. Et il faut dire aussi que euh, ceux qui possédaient des manufactures ou des conserveries des sardines, étaient, étaient peu nombreux. [00:28:25] C'étaient des Juifs, y'avait des Juifs qui avaient ça mais ils étaient peu nombreux. Il y avait d'autres qui avaient aussi des moyens c'était les céréaliers, ceux qui achetaient des céréales des paysans et puis qui les exportaient. Mais là, en tout et pour tout y'avait quoi? Peut-être une vingtaine, trentaine de personnes dans la ville qui avaient vraiment des moyens. [00:28:47] Tous les autres vivaient au jour le jour. Donc c'était pas, c'était pas le grand luxe. Puis celui qui possédait une voiture, ah là, c'est, c'était le grand luxe aussi. 

[00:29:00] Interviewer: Votre papa qu'est-ce qu'il faisait?

[00:29:02] Edmond Elbaz: Mon père travaillait dans une conserverie de sardines. Il était magasinier comptable. Alors bien sûr, quand il rentrait à la maison...il sentait le poisson. Le première des choses qu'il faisait c'était aller prendre sa douche d'accord? Mais d'une autre côté il nous gâtait de poisson. On avait toutes sortes de poisson à la maison, constamment. Et on adorait ça parce que c'était bon...

[00:29:32] Interviewer: C'était frais. 

[00:29:33] Edmond Elbaz: C'était frais, ça venait du port, directement. Voilà. 

[00:29:39] Interviewer: Alors vous avez fini l'école là bas?

[00:29:45] Edmond Elbaz: Non, j'ai fait mon école primaire à l'Alliance Israelite Universelle à Safi et puis ensuite je suis allé dans un lycée français à Casablanca, Lycée de la mission culturelle française. Et puis euh, après ça ben j'ai commencé à enseigner. Parce que à l'époque, il fallait pas beaucoup de diplôme pour enseigner au Maroc, un baccalauréat, quelque chose comme ça c'était pleinement suffisant. [00:30:14] Même un brevet. Donc j'ai enseigné pendant deux ans au collège El-Edisi [ph] et c'était un collège qui était en pleine arabisation parce que avant ça c'était un collège français sous le mandat français. Mais euh, tout de suite après '63, '64 on commençait à l'arabiser. Donc y'avait un principal qui était français et avec lui, jumelé, il y avait un principal qui était Arabe. Donc pendant un an le principal musulman, marocain, devait apprendre la gestion de, et le fonctionnement de l'école avant que ce principal français, qui était là depuis plusieurs années, s'en aille. [00:31:05] Voilà, c'était...

[00:31:07] Interviewer: Et il est reparti en France? 

[00:31:08] Edmond Elbaz: En France, il est retourné en France. 

[00:31:10] Interviewer: Alors le nom a changé de l'école aussi? 

[00:31:12] Edmond Elbaz: Oui...

[00:31:12] Interviewer: [overlap] 

[00:31:14] Edmond Elbaz: Exact. Oui, exact. C'était, à l'époque c'était Collège Moderne Français et puis était, se trouvait à la ville nouvelle de Safi et puis, bien sûr avec l'arabisation on a tout transformé. Chose intéressante, ce principal qui était venu dans cette école, Collège El-Edressi [ph], il a fait ses études en France. [00:31:44] Et bien sûr il a épousé une Française. Et bien sûr, la Française vient au Maroc s'installer. Il avait un appartement de fonction à côté du collège où nous étions. Et ce qui est arrivé c'est que cette Française elle, elle était constamment sous la surveillance des parents du principal. [00:32:12] D'accord? Parce qu'elle est au Maroc, n'est-ce pas? Et lui il est musulman. Et pratiquant. Et en tant que principal d'une école il fallait qu'il pratique et puis il faut - fallait qu'il montre que il était un bon Musulman. Or, sa femme elle, tranquillement, elle était enfermée pratiquement, on ne la voyait presque jamais. [00:32:40] Parce que les samedis soirs je sortais avec des amis, j'étais prof, on avait des amis. Et lui il venait avec nous. Il demandait de sortir avec nous. On allait à Safi plage, y'avait un dancing, on buvait, tout ça. Il était avec nous. Il dansait avec nos amis, il dansait pas avec sa femme. [00:33:01] Je me rappelle un jour...je, j'avais ma petite voiture, je passais dans la rue principale. Qui je vois? Je vois sa femme. Elle portait deux gros sacs lourds, il faisait quarante dégrées. Qu'est-ce que je fais? Je m'arrête pour la prendre. Elle me regarde [fait non de la tête]. Non, non, non. Elle avait peur de monter dans ma voiture que quelqu'un puisse la voir avec quelqu'un d'autre que son mari dans ma, dans une voiture. [00:33:33] Ce qui devait arriver est arrivé. C'est à dire que un jour il retourne chez lui à la maison, la femme n'est pas là. [rit] Elle a pris ses, ses bagages et puis elle est retournée en France. D'accord. Il y a eu plusieurs épisodes comme ça parce que...[00:33:56] Y'a un changement de culture terrible. Euh, les Musulmans que j'ai connu qui ont étudié en France, tant qu'ils étaient en France, ils vivaient comme des Français. En arrivant au Maroc, ils changeaient complètement et c'était peut-être pas de leur faute. Parce que leurs parents les surveillaient, leur entourage familial les surveillaient. Il fallait qu'ils montrent que ils  faisaient, ils étaient, il faisaient partie de leur communauté, qu'ils n'étaient pas des étrangers. [00:34:29] Et c'est comme ça que ça se passait. Je suis sûr que vous connu ça vous aussi. Oui. 

[00:34:34] Interviewer: Absolument. Exactement. Alors est-ce que vous aviez....

[00:34:46] [ajustement technique]

[00:35:27] Interviewer: ...ils admiraient le fait le fait qu'ils reviennent à leurs... 

[00:35:33] Edmond Elbaz: ...origines. 

[00:35:33] Interviewer: À leurs origines. J'aime le fait qu'il ne devient pas stupide. On recommence? Ok. Alors, vous n'aviez vraiment pas - 

[00:35:52] Edmond Elbaz: Alors donc, pardon, je vous interromps, vous m'avez posé une question à laquelle je n'ai pas répondu complètement. [00:35:59] Donc, euh, je suis arrivé ici en 1968, septembre 1968 et c'est ici que j'ai complété mes études. J'ai fait mon baccalauréat en sciences de l'éducation ici. Ma maîtrise en administration scolaire et gestion. Et puis ensuite et bien je, je me suis inscrit au, à un doctorat mais comme je venais d'avoir un petit garçon il fallait faire un choix. [00:36:32] D'accord? Donc je, je n'ai pas pu aller plus loin mais par contre je me suis impliqué dans les écoles juives ici à Montréal euh, et c'est comme ça que j'ai connu l'Alliance, j'ai, l'Alliance israélite ici. Je sais pas si l'histoire vous intéresse. 

[00:36:55] Interviewer: Oui, mais je vais vous demander [overlap]. Qu'est-ce qui vous a poussé à sortir du Maroc? Qu'est-ce qui étaient les préparatifs? Est-ce que vous étiez avec votre famille? Tout seul? Revient avant de venir ici. 

[00:37:12] Edmond Elbaz: D'accord, très volontiers. C'est une longue histoire. C'est  une longue histoire de harcèlement, de rejet euh, de la non-appartenance au pays. Je suis né au Maroc, mes grand parents sont nés au Maroc, mes parents sont nés au Maroc. Nous avions un héritage de presque, de plus de 2000 ans au Maroc. [00:37:41] Faut pas...

[00:37:41] Interviewer: [overlap]

[00:37:42] Edmond Elbaz: Exact. Il faut pas oublier que les Juifs sont arrivés en Afrique du Nord avec le Phéniciens. Ils se sont installés. À un moment donné même y'avait un royaume juif au sud du Maroc. Mais oui! Mais donc j'ai toujours su que je n'étais pas chez moi. C'est bizarre d'être né dans un pays, de voir que...et de sentir qu'on n'est pas chez soi parce qu'il y a toujours ce rejet. [00:38:16] Je l'ai senti aussi lorsque j'enseignais. J'avais de plus en plus de Musulmans dans, dans ma classe et puis euh, c'est sûr que pour eux, pour eux...j'étais le Juif. Et surtout après la guerre des six jours euh, c'était extrêmement difficile de fonctionner au Maroc. [00:38:43] Et c'est là où y'a eu des départs massifs. Bon. Il fallait partir, il fallait partir, nous avons pris une décision de partir parce que ce qui est arrivé aussi c'est que quelques jours après la guerre des six jours, mon frère Armand, Suzie et Pénina étaient à la plage. La situation s'était plus ou moins calmée donc ils se sont trouvés sur la plage et voilà qu'il y avait des marins Norvégiens qui passaient par là. [00:39:13] Ils ont commencé à chanter Hava Nagila. En un rien de temps une voiture de policiers est venue, elle les a ramassé, elle les a amenés en prison. Mais y'avait, y'avait avec eux d'autres enfants juifs. Ils étaient à peu près 13 ou 14 enfants qui étaient là bas. Ils ont tous été emmenés en prison. On leur a fait signer un papier comme quoi ils étaient des espions...et que...

[00:39:39] Interviewer: Votre sœur? 

[00:39:41] Edmond Elbaz: Oui, oui. Elle avait 13 ans et l'autre elle avait euh...16 ans et donc, et Armand venait de finir son baccalauréat à Marrakech et il était venu passer quelques temps avec nous. Donc els voilà les trois en prison et donc ils ont fait signer le même papier à tous les autres enfants...[00:40:08] Comme quoi ils appartenaient à la 5e légion, des trucs comme ça. Bon. Et parmi ces enfants là y'avait une fille qui était sourde et muette. Elle aussi a signé le même papier. Bien sûr quand une telle chose est arrivé mon père est tombé malade. Trois enfants en prison euh, qu'est-ce qu'il va faire? Comment il va expliquer ça? [00:40:36] Euh, ce que j'ai fait, j'avais comme euh, je travaillais quand même à l'époque, j'avais un petit salaire, je suis allé avec quelqu'un d'autre à Rabat, donc dans la capitale, au palais de justice pour vois si on pouvait trouver un avocat pour les défendre. 

[00:40:54] Interviewer: Combien de temps ça prend...

[00:40:57] Edmond Elbaz: Et ils ont pris, ils ont passé à peu près 12 jours en prison. 

[00:41:00] Interviewer: Non mais de Safi à Rabat. 

[00:41:02] Edmond Elbaz: Oh, je suis allé en voiture avec - 

[00:41:05] Interviewer: Ça pris combien de temps? 

[00:41:07] Edmond Elbaz: Ça, ça prenait, attendez. Pour aller à Casa ça pris cinq heures, sept heures à peu près. Sept heures. Oui, à l'époque. Oui. Alors donc, on est allés, on a essayé de trouver des avocats pour les défendre. Y'avait pas un seul avocat juif qui voulait prendre leur défense, ils disaient non, c'est une affaire politique, on ne peut pas les défendre. Y'avait pas un seul avocat musulman qui était prêt à les défendre. Ils disaient non, on ne peut rien faire. [00:41:37] Comment est-ce qu'ils ont été libérés? Eh bien, à travers des journaux français il y avait des articles que y'avait des jeunes juifs qui ont été arrêtés et, bien sûr, comme le Maroc dépendait beaucoup aussi de l'économie avec la France et des États-Unis, parce que apparemment les États-Unis aussi, gouvernement américain euh, ont pris connaissance qu'il y avait des jeunes juifs qui étaient arrêtés. [00:42:04] C'est là que ils ont été libérés les uns après les autres. D'accord, au milieu de la nuit. 

[00:42:09] Interviewer: On était quel mois maintenant? 

[00:42:12] Edmond Elbaz: Euh c'était au mois de juillet. D'ailleurs ma, ma sœur Panina a écrit un er- un article là dessus qui a paru dans Jérusalem Post. D'accord. Quelque chose que vous pouvez retrouver. Elle l'a écrit il y a à peu près cinq ans de ça. D'accord. [00:42:31] Interviewer: [inaudible]

[00:42:32] Edmond Elbaz: À peu près oui, 2012, je crois l'année dernière lorsque j'étais invitée au Menselonin [ph] group j'avais cité cet article, ou je l'avais distribué. Je dois l'avoir quelque part. Bref, c'était une histoire sordide, terrible, triste et là, cette histoire nous a dit, "You cannot stay here any longer." Vous pouvez pas rester ici, c'est fini. Bon mais là il faut - mais non, c'est pas ça. [00:43:00] Il faut un passeport pour sortir. 

[00:43:01] Interviewer: Oui. 

[00:43:02] Edmond Elbaz: Hein, on peut pas juste faire votre valise et puis partir. Alors euh, je vais au commissariat de police avec mes parents on fait le - on remplit tous les papiers, les dossier et tout ça et on passe l'entrevue. Bien sûr, à l'époque il fallait donne une bonne raison pourquoi on quittait le Maroc. Fallait donner une bonne raison. 

[00:43:29] Interviewer: Est-ce que vous avez dit que vous alliez quitter pour [inaudible]?

[00:43:32] Edmond Elbaz: Non. Ce qu'on disait c'est, on était invités chez ma tante qui était à Paris pour passer des vacances. D'accord. Nos biens ne nous intéressaient pas, y'avait pas grand chose. Donc on pouvait tout laisser, bon. Alors on passe la première entrevue. Le commissaire nous dit, nous regarde, ah, dites-moi la vérité, vous n'allez pas en France, vous voulez aller en Palestine. [00:43:55] C'est là vous voulez aller. Y'a pas...vous racontez pas d'histoires que vous allez à Paris, vous allez en - Ça été refusé. Une fois. Ça été refusé deux fois. Ça été refusé trois fois. 

[00:44:06] Interviewer: Par le même...personne?

[00:44:10] Edmond Elbaz: Différents commissaires qui étaient là ou qui changeaient mais c'était, c'était le système à l'époque. C'est là que je suis allé voir un ancien collègue qui était musulman, marocain, qui était journaliste à la pige. Je lui ai demandé s'il pouvait m'aider. [00:44:32] Mais qu'est-ce que tu veux? Bien sûr, vous connaissez l'histoire, il faut l'amener dans un restaurant, da, loin de la ville, du vin, da da, ta ta, des pots de vin. Et je lui dit, bon écoute, j'ai besoin de ton aide, j'ai besoin de passeport. "Combien de passeports t'as besoin?" Sept. "Quoi? [inaudible]" Nous sommes cinq frères et sœurs et y'a mes parents. Mais ça va couter de l'argent. [00:44:55] Ben, combien? Alors il me donne le prix et c'était presque six mois de travail. Ça me fait rien. Il me dit, rapporte-moi tout les dossier que vous avez remis au, au commissariat tout ça, avec les mêmes photos, les mêmes dossiers...et puis apporte-moi la somme que je t'ai demandé et je vais essayer de t'obtenir les passeports. Ok. [00:45:25] Alors je lui ramène ça, et puis euh, j'attends, et j'attends, et j'attends. Alors je l'invite à nouveau, on va dans un restaurant, même histoire. Pis je lui dit, les passeports? Il me dit, ne t'inquiètes pas, tu vas les avoir. Tu vas avoir les passeports. Effectivement, un soir, c'était au mois de février, il pleuvait, c'était un vendredi soir, on entend frapper à la porte et c'était lui. [00:46:01] Il est venu avec une grosse enveloppe beige dans laquelle il y avait tous les passeports, les passeports sont là. Vous avez fait une photo. Et dans mon passeport, dans mon passeport y'avait un tampon du gouvernement euh, arabe, musulman, de la banque, que je pouvais sortir seulement avec 25 francs français, c'est à dire cinq dollars. [00:46:29] Ça c'est marqué sur mon passeport. Cinq dollars. Donc c'est là bas. Ah donc et c'était la même chose pour mes parents aussi, on pouvait pas sortir quoi que ce soit. Des valises et puis cinq dollars. D'accord, ou 25 francs français, parce que à l'époque il fallait sortir avec de l'argent français, y'avait pas de dollars, c'était difficile à les avoir. [00:46:52] Je viens le premier avec ma sœur en septembre euh, 2008, c'était le 10 septembre c'est là bas sur mon passeport. 

[00:47:02] Interviewer: Non, 1900...

[00:47:06] Edmond Elbaz: Merci. 1900....[rit] merci. 196- exact. Et puis...comme ma sœur étai fiancée elle n'est pas restée longtemps ici, elle est retournée au Maroc se marier mais elle est revenue avec son mari et mes parents euh, fin '69, décembre 1969. D'accord? 

[00:47:31] Interviewer: Votre passeport il était bien pour combien de temps? 

[00:47:35] Edmond Elbaz: Oh, je me souviens pas, deux ans ou trois ans c'était pas...Je me rappelle, je suis allé à Dorval chercher mes parents...et c'est - la veille on a eu la tempête du siècle. La neige. [inaudible] on sort en voiture. Mon père qui regarde, qui disait, "J'ai jamais vu ça." Vous savez les trottoirs. Ah oui, papa, j'espère que tu n'as pas peur de ça. [00:48:06] Il me dit en arabe, [arabe]. Il dit, "Je préfère avoir la neige que d'être avec des Musulmans." parce que lui aussi, très souvent il était humilié et il ne pouvait rien faire. Il pouvait rien faire.

[00:48:25] Interviewer: Il pouvait pas répondre. 

[00:48:26] Edmond Elbaz: Il pouvait pas répondre parce que tu réponds, tu es fini. Tout de suite ils te trouvaient deux ou trois témoins, un Arabe peut trouver [inaudible] il dit, "Il a insulté la religion. Il a insulté le roi." Il n'a pas besoin de témoin. Vous allez tout de suite en prison. 

[00:48:46] Interviewer: Et ça c'était quand le roi était avec les Juifs. 

[00:48:48] Edmond Elbaz: Alors c'est son fils maintenant, Hassan II. Hassan II aussi était très proche de la communauté juive. Il avait des conseillers qui étaient juifs mais faut pas oublier que...ce monarque, bien qu'il était proche de la communauté juive, bien qu'il ressentait beaucoup de sympathie pour la communauté juive, il dépendait aussi des évènements qu'il y avait au Moyen-Orient. [00:49:20] Il dépendait aussi de la masse critique des Musulmans qui étaient là. Faut pas oublier que lui aussi il a été assassiné à quelques reprises. Y'a eu des attentats. [overlap] Y'a eu des attentats contre sa vie d'accord? Donc euh, dans un certain sens il devait se protéger lui aussi. [00:49:43] Protéger sa famille, protéger son gouvernement. Il pouvait pas ouvertement montrer une sympathie quelconque vis-à-vis les Juifs. Mais on sait que, à un moment donné, il avait reçu Moshe Dayan chez lui et il avait reçu Shimon Perez d'accord. [inaudible] [00:50:03] Parce qu'il était question à un moment donné d'un rapprochement commercial avec Israël et tout ça qui s'est jamais vraiment matérialisé. Mais ces monarques dépendaient aussi de la propagande arabe...qui était là comme une, une épée de Damoclès sur leurs têtes. 

[00:50:27] Interviewer: Et c'est toujours là. 

[00:50:29] Edmond Elbaz: Oui. Toujours là. Même si ils avaient la sympathie pour nous, pour la communauté, ils pouvaient pas faire grande chose. Ils avaient peur de, montrer trop de sympathie...ou un appui quelconque. 

[00:50:44] Interviewer: Alors vos relations avec les, euh non-juifs là bas, c'était avec vos collègues aussi, à l'école n'est-ce pas? Et en grandissant non, il n'y en avait pas. 

[00:50:57] Edmond Elbaz: Ben écoutez, à l'Alliance c'était surtout des, c'était des enfants juifs y'avait pas grand chose. Bon, au collège euh, y'avait des français qui étaient là encore dont les parents ont vécu à travers le protectorat mais qui sont restés au Maroc, sont pas encore retournés en France et y'avait des Musulmans. D'accord? Euh...[00:51:22] Il faut dire que...y'avait, y'avait une relation qui était un peu ambigüe. On pouvait sympathiser avec des...des mais musulmans, des camarades de classe, travailler ensemble, faire des projets ensemble mais d'une autre côté. eux aussi, quand ils allaient chez eux à la maison et qu'ils entendaient que...y'a la guerre au Moyen-Orient. [00:51:50] Que les Israéliens sont en train de détruire euh, Kénitra, ou ils sont, ils ont occupé le Golan [ph] ou ils ont occupé le, le West Bank. Ils reviennent le lendemain ils vous, ils vous parlent même plus. Ils vous adressent même plus la parole. vous êtes leur ennemi. C'est pas le camarade de classe, c'est l'ennemi, c'est l'ennemi qu'ils voient. L'ennemi juif qu'ils voient. [00:52:13] Et je suis sûr que c'est le même sentiment que tous ceux qui ont vécu dans des pays arabes ont ressenti à un moment donné. C'est cette dualité.

[00:52:28] Interviewer: Ok, maintenant vous êtes arrivés au Canada. Parlez-nous de votre arrivée, du Canada, la situation, s'il y avait des problèmes pour s'intégrer, etc. 

[00:52:38] Edmond Elbaz: Écoutez, lorsque nous sommes arrivés au Canada il y avait une institution qui était extraordinaire au Canada, c'était la JIAS. La JIAS nous a beaucoup aidé, elle nous a trouvé un appartement, nous a installé euh, elle nous a aidé les premiers à, les premiers mois avec le, payer le loyer parce qu'ils savaient que on est arrivés complètement démunis. On n'avait rien. [00:53:07] Et puis tranquillement j'ai trouvé un travail comme professeur euh...

[00:53:13] Interviewer: À l'Alliance. 

[00:53:14] Edmond Elbaz: Non, JPPS. D'accord? J'avais commencé à JPPS, c'était un miracle de trouver mon travail donc c'était, moi j'avais un salaire euh, ma sœur Suzie a trouvé aussi du, un travail. Et puis bon, mon frère Henri lui est allé au Collège français étudier. Puis tranquillement on a commencé à bâtir notre vie. [00:53:40] Et puisque vous parlez de l'Alliance eh bien, tranquillement je suis devenu vice-principal de JPPS puis ensuite on a ouvert Bialik en 1972...Bialik nous appartenait, appartenait aussi à JPPS et euh...l'ancien directeur qui était là [inaudible] shalom m'a nommé directeur pour tout le système, JPPS et Bialik. [00:54:10] Un jour j'étais dans mon bureau sur la rue Van Horn et puis Jules Braunschvig, qui était le directeur général, le président pardon de l'Alliance Israélite Universelle à Paris, c'était le successeur de René Casa. Avant lui c'était René Cassin, Prix Nobel de la Paix, puis ensuite c'est Jules Braunschvig qui est devenu le grand patron de l'Alliance Israélite Universelle. [00:54:40] Ça c'était un 1981. Là je passe, je saute n'est-ce pas, de mon arrivé ici...

[00:54:48] Interviewer: '68. 

[00:54:49] Edmond Elbaz: Exact. Je vois ce monsieur rentrer dans mon bureau. Il se présente, Jules Braunschvig. J'ai entendu le nom Jules Braunschvig à travers les journaux, à travers l'histoire. La famille Braunschvig était connue au Maroc parce qu'ils avaient des comptoirs céréaliers d'accord? Ils sont très connus. [00:55:13] Et ce que j'ai fait, ah il se présente et il me dit euh, j'apprends que vous êtes vice-principal ici. Je dis oui. Alors je l'invite à s'asseoir et on bavarde et on bavarde et on bavarde. Et il me parle de l'Alliance à Paris, il me parle. Et puis il me dit, "Vous savez quoi? Euh, je viens de voir euh...[00:55:43] des représentants de l'Alliance ici au Canada et j'aimerais que vous soyez le représentant de l'Alliance ici à Montréal et de créer une affiliation avec toutes les autres écoles juives. On veut un réseau d'écoles juives de l'Alliance ici au Canada, est-ce que c'est possible?" [00:56:10] Je le regarde, comment est-ce que je vais faire ça? Comment est-ce que je vais vendre cette idée? Pas...c'était...Il venait de voir le juge Bacho [ph], le juge Bacho [ph] était le président de l'Alliance ici à Montréal. Avant [inaudible], avant le, l'honorable Joseph Ness [ph]  y'avait le juge Bacho qui était là. [00:56:40] Créer un réseau des écoles de l'Alliance ici? Oui, oui, il me dit c'est très important pour nous d'avoir aussi des écoles de l'Alliance à Montréal puisqu'il y a beaucoup d'immigrants qui quittent l'Afrique du Nord et qui viennent ici. Ces immigrants ont fait leur école à l'Alliance alors c'est important que leurs enfants soient aussi dans des écoles qui sont rattachées à l'Alliance. [00:57:05] J'ai trouvé l'idée géniale mais un défi énorme, comment relever ce défi? Comment vendre cette idée? Alors ce que j'ai commencé c'était d'abord parler à mon principal, directeur-général de JPPS-Bialik [nom], qui était un homme d'une très grande sagesse. [00:57:31] Je lui ai dit, voilà, j'ai rencontré Jules Braunschvig ce matin et voici ce qu'il veut. Comment est-ce qu'on peut faire ça? Il me dit, "Mais c'est très simple, on va avoir une réunion de notre conseil d'administration. Tu vas demander à Paris de t'envoie-yer la documentation et pour nous ce serait important d'être rattachés à une école qui fait la promotion de la langue française." [00:57:58] Parce qu'il faut dire que à l'époque le français n'était pas important dans les écoles juives. Il n'était pas important. Tout le monde apprenait l'anglais, l'hébreu, le yiddish dans certaines écoles...mais l'anglais n'était pas, le français n'était pas important. Moi je me rappelle à l'époque, on enseignait une demi-heure de français par jour. [00:58:21] Parce que c'était pas important. Et puis, qu'est-ce qu'il y a? Y'a un autre miracle qui se produit. Un miracle, si on peut appeler ça un miracle, l'avènement du Parti Québécois. Le Parti Québécois arrive, il dit aux écoles juives, oh minute. Vous voulez le financement de vos écoles? C'est bien, on va vous donner ce financement mais à une condition. Vous allez enseigner le français. Vous allez enseigner 14 heures de français par semaine. [00:58:58] Comment est-ce qu'on va passer d'une demi-heure à 14 heures? C'est impossible, comment planifier ça. 

[00:59:02] Interviewer: 14 heures?

[00:59:03] Edmond Elbaz: 14 heures. Alors on a travaillé et c'est là que j'étais aussi avec Claude Ryan, la commission consultative et tout ça, avec d'autres ministres. Ce que nous avons fait, on a créé un plan. D'abord de passer à une demi-heure à une heure par jour. Et puis de - donc ça fait cinq heures par semaine. Puis ensuite de cinq heures à huit heures. Donc il fallait engager des -

[00:59:29] Interviewer: Combien de temps? 

[00:59:30] Edmond Elbaz: Sur euh, à peu près cinq ans. D'accord? Et puis ça pris à peu près...huit and à neuf ans avant de passer à 14 heures. Pourquoi? Parce que on voulait absolument que tous nos enfants deviennent bilingue. Et ce qui nous oudé, aidé aussi c'est le fait que la communauté juive de Montréal, le leadership a commencé à réaliser que si on veut continuer à vivre au Québec, si on veut continuer à garder nos enfants au Québec, faut qu'ils soient bilingues. [01:00:05] Si ils sont pas bilingues, ils vont partir. Donc c'était l'intérêt de la communauté at large de nos écoles et puis de nos familles. Les parents demandaient aussi le français pour leurs enfants parce que eux-mêmes ne le parle pas, ne [leur parlaient] pas. Ils voulaient que leurs enfants soient bilingues parce qu'ils voulaient garder leurs enfants avec eux. [01:00:28] Et pour les garder ils faut qu'ils soient bilingues. Alors donc euh, tranquillement on a réussi à changer nos programmes, à utiliser des livres de français langue maternelle, langue première, comme dans les écoles françaises. Euh, faire passer à nos enfants les mêmes examens que dans les écoles françaises, au primaire et puis plus tard au secondaire. [01:00:54] Ça pris du temps, ça pris beaucoup d'effort, ça pris beaucoup d'organisation. En ce qui concerne l'Alliance le fait que nous passions au français comme langue d'enseignement ça nous a beaucoup aidé parce que être associé à l'Alliance Israélite Universelle à Paris qui promouvoit la langue française c'était un atout pour toutes nos écoles. [01:01:24] Et c'est comme ça que toutes nos écoles ont accepté de s'affilier tranquillement à l'Alliance. Faut dire aussi que l'Alliance, à un moment donné, à travers Jules Braunschvig, à travers le professeur Steg [ph] qui était extraordinaire, c'était le premier chirurgien de De Gaulle, c'était professeur Ady Steg. 

[01:01:44] Interviewer: Il était juif. 

[01:01:46] Edmond Elbaz: Bien sûr. L'un des plus grands chirurgiens de France, Professeur Ady Steg. Il avait ses entrés à l'Élisée, au Quai d'Orsay oui, je vous raconterai je l'ai reçu ici à la Spanish une fois. 

[01:02:00] Interviewer: [inaudible]

[01:02:00] Edmond Elbaz: Il a donné une conférence parce que il était conseiller du roi du Maroc et le médecin du roi du Maroc, oui. Oui. Alors il a continué...

[01:02:16] Interviewer: [inaudible]

[01:02:16] Edmond Elbaz: Pardon?

[01:02:18] Interviewer: Dites qu'il était juif, parce que moi on ne m'entend pas. 

[01:02:22] Edmond Elbaz: Le professeur Ady Steg était juif, et un très bon juif. Il avait des connaissances judaïques aussi profondes ou presque des connaissances en médecine. C'était le premier chirurgien que De Gaulle a utilisé quand il était malade. Et Mitterrand l'a utilisé aussi comme médecin jusqu'à sa mort. [01:02:53] [01:02:53] Interviewer: D'ailleurs si vous revoyez parfois des euh des reportages sue euh, sur Mitterrand eh bien vous verrez un monsieur en blouse blanche à côté de lui quand il sortait de l'hôpital, c'était le professeur Steg. 

[01:03:12] Interviewer: Et il est toujours vivant? 

[01:03:15] [question technique]

[01:03:42] Edmond Elbaz: Oui, alors le professeur Steg lui, était un grand professeur de médecine et c'était le médecin de plusieurs familles royales. Non seulement celle du Maroc mais aussi de l'Arabie Saoudite. Il était souvent invité à aller partout euh, donner des conférences et il avait des dignitaire, de grands dignitaires qui venaient le voir à Paris...pour des traitements. [01:04:10] Donc euh, le professeur Steg lui, a pris sa retraite de l'Alliance pratiquement en même temps que moi, y'a cinq ans. Il a complété son mandat de président et là maintenant nous avons une lycée à Jérusalem qui s'appelle le lycée Ady Steg. 

[01:04:31] Interviewer: Wow. 

[01:04:32] Edmond Elbaz: comme nous avons aussi un lycée français à Jérusalem qui s'appelle Lycée Jules Braunschvig. Parce que c'était des personnages extraordinaires. 

[01:04:44] Interviewer: Est-ce qu'ils sont encore vivants? 

[01:04:46] Edmond Elbaz: Non. Jules Braunschvig est décédé il y a longtemps. Mais euh professeur Steg est encore vivant euh, j'ai de moins en moins de nouvelles de sa part parce qu'il a pris un certain âge et il s'est retiré de, du domaine de l'Alliance. Alors...

[01:05:05] Interviewer: Vous aviez dit que avec Mitterrand c'était lui...

[01:05:08] Edmond Elbaz: Oui alors c'était le médecin de Mitterrand euh, Mitterrand avait un problème de prostate, un cancer de la prostate. Et comme le professeur Steg était un grand spésta - spécialiste du domaine euh, Mitterrand le consultait constamment et il a consulté pratiquement jusqu’a la fin de ses jours. Oui. [01:05:34] Alors, pour en revenir à l'Alliance nous avons réussi à affilier toutes nos écoles ici à l'Alliance Israélite Universelle et on recevait constamment du matériel pour nos écoles et euh, le directeur général de l'Alliance à l'époque...Jean-Jacques Whal, venait souvent ici à Montréal. [01:06:01] Je l'invitais à la Spanish, il a donné des conférences ici à la Spanish. D'accord? Il venait visiter nos écoles et donner des ateliers à nos professeurs. J'ai accompagné à quelques reprises nos professeurs de nos écoles juives à Paris pour des ateliers de formation, et à Jérusalem aussi. [01:06:22] Donc tout ça a fait que nos liens étaient très étroits. Mais ce qui est arrivé par la suite, quand j'ai pris ma retraite, personne n'a pris la relève réellement. Parce que c'était un travail qui est très compliqué. Pour que ce travail puisse réussir il faut être constamment auprès des directeurs des écoles, et les motiver à continuer. [01:06:54] Ce qu'on voulait c'était que nos jeunes qui sortent aujourd'hui sachent ce que c'est que l'histoire de l'Alliance Israélite. Comment est-ce que cette histoire a commencé. Et qu'est-ce que l'Alliance a fait pour nous tous parce que si l'Alliance n'était pas à Montréal, euh, d'abord à Safi, au Maroc, à Casablanca, dans toutes les villes, dans les villages...

[01:07:17] Interviewer: En Irak. 

[01:07:18] Edmond Elbaz: Oui, en Irak, en Syrie, en Egypte, tout ça, eh bien, on aurait pas eu d'instruction aujourd'hui. On est complètement perdus. Et ce qui me chagrine en tant qu'ancien directeur d'école c'est qu'aujourd’hui l'éducation juive est élitiste. Il faut être riche pour envoyer ses enfants à l'école juive. [01:07:41] Les frais de scolarité sont énormes. 14 à 15 mille dollars par enfant ici à Montréal. À Toronto c'est presque le double. Parce que j'ai trois petits enfants à Toronto et mon fils paye une fortune pour eux. Ça ne devrait pas. L'Alliance a fait de nous des citoyens à part entière et éduquées parce que c'était gratuit. [01:08:05] C'était une éducation qui était gratuite avec les meilleurs professeurs du monde. Donc c'était les gens le l'Alliance qui payaient tout. Et beaucoup d'enfants venaient à l'école le matin sans petit-déjeuner donc on leur offrait un petit-déjeuner, chocolat chaud et, et baguette, fromage, je me souviens de ça. 

[01:08:25] Interviewer: Au Maroc? 

[01:08:26] Edmond Elbaz: Au Maroc. Il recevaient des vêtements. Ils recevaient des bottes en hiver. Ils avaient des lunch pour eux, pour tout ceux qui ne pouvaient pas euh, rentrer chez eux pour avoir un lunch. Donc l'Alliance a offert à toute notre génération un cadeau inouï. [01:08:46] Elle a été leur père et leur mère. Et ça c'est quelque chose que je n'oublierai jamais. C'est pour ça que plus tard je me suis investi complètement dans l'Alliance Israélite Universelle. C'était pour ma part, de redonner à l'Alliance un peu, juste un petit peu de ce qu'elle nous a donné. 

[01:09:09] Interviewer: Mais ici, c'était pas gratuit. 

[01:09:12] Edmond Elbaz: Non, les écoles ici ne sont pas gratuites. Malheureusement elles ne sont pas gratuites. Mais l'Alliance ne pouvait pas payer les frais de scolarité de nos enfants. Même l'Alliance aujourd'hui a des problèmes au niveau financier parce que euh, pendant des années, le gouvernement français versait une certaine somme à l'Alliance Israélite Universelle pour continuer à promouvoir l'éducation et la culture française en dehors de la France. [01:09:46] C'était la mission de l'Alliance, promouvoir la culture française en dehors de la France. Parce que faut pas oublier que c'est aussi politique, c'était aussi dans l'intérêt de la France. Lorsque les français sont arrivés au Maroc en 1912, les français ne pouvaient pas communiquer avec les musulmans qui étaient en place. [01:10:06] Ils avaient besoin d'un intermédiaire. Cet intermédiaire étaient les Juifs. Donc lorsque les Juifs ont appris le français, et certains d'entre-deux le connaissait déjà, ils ont commencé à être les intermédiaires entre le gouvernement français et les musulmans. 

[01:10:26] Interviewer: Et l'Alliance au Maroc a commencé à 1868 aussi? 

[01:10:32] Edmond Elbaz: Non. L'Alliance au Maroc a commencé beaucoup plus tôt. L'Alliance au Maroc, la première école de l'Alliance au Maroc était à Tétouan en 1862, si ma mémoire est bonne. 1862, c'était la première école...à Tétouan. Et puis ensuite...

[01:10:52] Interviewer: Des garçons. 

[01:10:53] Edmond Elbaz: Les garçons. 

[01:10:54] Interviewer: Et les filles?

[01:10:56] Edmond Elbaz: Les filles, tout de suite après. Parce que l'Alliance n'a jamais fait de distinction entre les garçons et les filles. Euh, là où il y avait une école de garçons, y'avait une école de filles. Plus tard, avec la diminution des effectifs lorsque les familles sont allés en Israël tout ça, on a mis les garçons et les filles ensemble. D'accord? Y'a eu une mixité. 

[01:11:19] Interviewer: Ça continué. 

[01:11:19] Edmond Elbaz: Oui, oui ça a continué. 

[01:11:21] Interviewer: Après l'année [overlap]

[01:11:22] Edmond Elbaz: Absolument. Euh, lorsqu'il m'est arrivé d'aller à Paris y'a encore quelques années euh, visiter le, le Lycée Georges Leven, un des meilleurs lycées en France, où les résultats baccalauréales sont près de 100 pourcent. Et aussi à Pavillon Sous Bois. Ce sont les meilleurs lycées de France aujourd'hui. [01:11:45] Où les enfants réussissent d'une manière extraordinaire. Ils ont le [inaudible]. Donc la, les études juives....présentés dans la modernité, présenté avec la meilleure pédagogie du monde mais aussi ils ont la littérature française, euh, ils ont l'anglais comme langue euh, seconde, mathématiques, les sciences. [01:12:16] Des écoles très, très, très bien équipées. À un moment donné nous avons jumelé nos écoles, oz nos enfants par exemple de Bialik communiquaient des projets avec leurs enfants de, de...de Paris, avec leur camarades de Paris. On les a jumelés. Et...on a reçu des enfants de, du Lycée Georges Leven ici à Montréal. On les a mis dans des familles. [01:12:45] Et nos élèves de Bialik je les ai mis aussi dans des familles en France pendant un certain temps pour faire ce rapprochement. Mais encore une fois c'est un travail qui est de longue haleine. C'est un travail qui demande beaucoup de vigilance et beaucoup de suivi. Parce qu'aujourd'hui si vous allez dans n'importe quelle école juive et vous demandez à un directeur d'école est-ce que vous avez entendu parler de l'Alliance Israélite?...[01:13:15] Pas vraiment. Pourquoi? Parce que ce sont des nouveaux directeurs. 

[01:13:22] Interviewer: Wow. 

[01:13:24] Edmond Elbaz: Tous ceux qui ont connu l'Alliance ont pris leur retraite donc il faut vraiment recommencer pratiquement à zéro si on veut recréer l'Alliance ici, et j'espère qu'on va la recréer un jour. On a même réussi à un moment donné...

[01:13:37] Interviewer: [overlap] cinq ans seulement que vous êtes...

[01:13:39] Edmond Elbaz: Cinq ans. 

[01:13:40] Interviewer: Dans cinq ans ils n'en n'ont pas entendu? 

[01:13:44] Edmond Elbaz: Parce que y'a beaucoup qui ont pris leur retraite. [overlap]

[01:13:51] Interviewer: [overlap] cinq ans plus tard personne [inaudible]

[01:13:53] Edmond Elbaz: Exactement. Par exemple le principal de [inaudible] a pris sa retraite. Il n'est pas là. Je le voyais souvent pour l'Alliance. Ok. Deher Zélia [ph], sont plus là. D'accord? Y'a un nouveau, renouveau. La même chose euh, c'est bon JPPS-Bialik, mes collègues qui sont encore là ont entendu parler de l'Alliance parce que je leur cassait les oreilles avec ça. D'accord? [01:14:22] Mais autrement dans les autres écoles Hebrew Foundation School et tout ça, c'est fini. 

[01:14:29] Interviewer: Okay, Edmond avant qu'on finisse, j'aimerais bien que vous me parliez un peu de vous ici. Vous êtes mariés quand? Vous avez rencontré votre femme où?

[01:14:41] Edmond Elbaz: Oui, alors...C'état [overlap]

[01:14:46] Interviewer: ...votre vie maintenant ici par rapport à comment ça aurait été si vous étiez restés. 

[01:14:52] Edmond Elbaz: Je ne veux même pas imaginer un retour en arrière au Maroc. Tantôt, lorsque nous avons commencé cette entrevue ou avant, j'ai fait un lapsus. J'ai dit que je suis né en 1968. 

[01:15:12] Interviewer: L'année que vous êtes...

[01:15:13] Edmond Elbaz: L'année où je suis arrivé ici. Parce que avant ça je n'avais pas vraiment de vie. Je m'inquiétais au jour le jour...de ce qui allait se produire. Parce que nous étions constamment accrochés à la radio, à la, on n'avait pas de télévision, à la radio, aux journaux. Quand j'achetais un journal français par exemple Le Figaro ou Le Monde, je le mettais sous ma veste. Pourquoi? [01:15:39] Parce que s'il y avait un article pro-israélien ou concernant Israël, je risquais d'avoir des ennuis. D'accord? Euh, souvent ces journaux étaient censurés alors...

[01:15:55] Interviewer: Chez nous [inaudible] 

[01:16:00] Edmond Elbaz: Ils ne venaient pas. Oui, exact, justement ils ne venaient pas. Au Maroc aussi mais quand il, mais j'étais abonné au Figaro donc je le recevais à la maison par la poste. Or, je ne pouvais pas sortir avec dans la rue s'il y avait un article sur Israël, vous comprenez? [01:16:21] Alors donc vraiment, mon nouveau départ dans la vie et celui de ma famille a été en 1968, après septembre, 1968. Ça été extraordinaire. Quand j'ai atterri à Dorval c'était l'un de mes plus beaux, des plus beaux jours de ma vie. J'ai embrassé le sol. Je l'ai embrassé. Et je sentais une joie énorme. C'est comme si j'avais gagné une fortune. [01:16:49] Pourquoi? Parce que j'avais le pressentiment que j'allais être heureux ici, que j'allais pouvoir exprimer mon identité et je l'ai senti au bout de quelques jours. Le Shabbat par exemple. Bon, j'habitais sur la rue Bourette à un moment donné. Je voyais les Juifs sortir, aller à la synagogue au coin de la rue en portant le talit, mais on s'en fout! [01:17:21] C'est extraordinaire. Ils exprimaient leur identité, ils n'avaient pas peur de l'exprimer. Ils n'avaient pas peur de dire qu'ils étaient Juifs. J'allais, y'avait des démonstrations ici à Montréal pro-israéliennes. J'allais à ces démonstrations, j'écoutais les discours mais c'est, [inaudible]. C'est pas vrai, c'est surréaliste parce que c'est quelque chose donc je n'ai jamais pu voir au Maroc. [01:17:46] Alors donc, tranquillement j'ai fait ma carrière ici en éducation. Et puis euh, l'autre grand bonheur que j'ai eu dans ma vie c'était de rencontrer Suzanne, mon épouse. Elle m'a toujours supporté. Elle est Ashkénaze, anglophone. On a deux enfants, dieu merci. Andrew qui habite à Toronto, il est avocat et puis il est aussi gabbai d'une grande synagogue à Toronto. D'accord? 

[01:18:21] Interviewer: Qu'est-ce que ça veut dire gabbai?

[01:18:22] Edmond Elbaz: Gabbai euh, c'est parnasse [ph]. Il est parnasse d'une grand synagogue à Toronto où vraiment il , il aide énormément le, le fonctionnement de cette synagogue. Et puis il a trois enfants: Ayelette [ph], Raheli [ph] et euh, Rephaeli, Asher [ph]. Asher, le dernier il port mon nom parce que mon nom hébraïque c'est Asher. [01:18:54] On vient de le voir cette fin de semaine, dieu merci. C'était un bonheur énorme. Donc euh, et j'ai un autre garçon, Il s'appelle Jonathan qui lui est euh, conseiller financier pour une grande entreprise à Toronto, il est marié aussi....depuis deux ans. Il n'a pas d'enfants. Il a un chien qu'il adore. Je lui ai dit mais...c'est pas suffisant. Je peux pas être le grand-père d'un chien. [rit] [01:19:23] Alors donc euh, voilà...euh, dieu merci [hébreu], je suis heureux et j'ai le privilège de redonner à la communauté tout ce qu'elle m'a donné. Je redonne un peu euh, j'ai été membre de plusieurs comités ici à Montréal, du Hillel, de la Fédération CJA, de...naturellement, ici de la Spanish, j'ai le privi - je suis dans, j'ai le privilège d'être le président. [01:19:59] Dans les écoles j'ai été nommé commissaire auprès du gouvernement et j'ai travaillé avec plusieurs ministres comme euh, conseiller. Euh, j'ai eu trois mandats consécutifs de deux ans chacun, six ans en tout. J'ai des témoignages de ses ministres là bas, que je vous ai remis qui sont extraordinaires. tout ça me rappelle des, d'excellents souvenirs. [01:20:27] Puis comme je vous ai cité, Ady Steg, Ady Steg, professeur Steg, quand il a pris sa retraite il m'a recommandé avec le comité central de l'Alliance israélite à Paris auprès du gouvernement français pour obtenir la légion d'honneur. Et c'est comme ça que j'ai obtenu le, la médaille de...d'officier au titre de, de, des arts et des lettres. Voilà. 

[01:20:57] Interviewer: Ici au Canada. 

[01:20:58] Edmond Elbaz: Ici à Montréal, oui mais je l'ai reçu ici à Montréal oui et euh, le consul général de France a eu l'amabilité de me faire une grande réception chez lui à la maison. Le directeur général de l'Alliance de Paris est venu assister à cette cérémonie. Mon ami Jim Archibald est venu, il a fait un petit discours aussi. C'était très sympathique. 

[01:21:24] Interviewer: [inaudible]

[01:21:24] Edmond Elbaz: C'était en 1913...1913. 

[01:21:28] Interviewer: Et ce que vous portez ici. 

[01:21:31] Edmond Elbaz: Ben ça [touche micro] c'est l'insigne de la médaille que j'ai reçu d'Ordre de, des arts et des lettres. Oui. 

[01:21:42] Interviewer: Alors. 

[01:21:44] [Note technique micro]

[01:22:03] Interviewer: Alors ce que vous portez ici c'est...

[01:22:06] Edmond Elbaz: C'est l'insigne des arts et des lettres, Officier des arts et des lettres. Celui là. 

[01:22:13] Interviewer: Merci. Euh, je voudrais vous demander dernièrement les réflexions où est chez-soi pour vous? 

[01:22:24] Edmond Elbaz: Chez moi c'est ici, à Montréal, au Canada. D'accord? Naturellement, comme disait Nahman [ph] Bialik, mon, je suis ici mais mon cœur est en Israël. J'ai beaucoup de famille en Israël, des cousins, des amis...et chaque fois que je vais là bas je, je me replonge dans ce milieu parce que je suis Officier aussi de Magen David Adom. Oui. [01:22:58] Et, et je suis très impliqué avec Magen David Adom, je trouve que c'est une, une entreprise extraordinaire de, de sauver des vies et justement, cette fin de semaine nous avons notre assemblée générale et euh, y'a deux semaines nous avions une rencontre à Tel Aviv. Mais je ne pouvais pas aller parce que j'avais D'autre obligations. [01:23:27] Mais j'espère pouvoir y aller l'année prochaine. Pour moi, Magen David Adom est une mission...de, d'une très grande importance, sauver des vies, aider les autres dans le besoin...est une chose essentielle pour moi. Et lorsque je suis allé sur place pour voir ce que Magen David Adom fait pour sauver des vies, je suis revenu encore plus motivé et enthousiaste à continuer mon œuvre comme officier de Magen David Adom. 

[01:24:11] Interviewer: Et l'autre question...votre identité c'est quoi? Considérez votre identité...

[01:24:19] Edmond Elbaz: C'est - écou - c'est intéressant comme question. Je me suis souvent posé cette question bon, je suis Juif naturellement au fond de l'âme et dans chacune de mes fibres. Je suis Canadien et ça pour moi j'en suis extrêmement fier parce que le Canada ma re - m'a donné une identité. Elle m'a donné le privilège d'être moi-même. [01:24:50] De pouvoir m'exprimer, de sentir que je suis libre et que je peux aider autrui et continuer aussi à progresser dans la vie. Le Canada me l'a donné. Et ça je lui en serait ex - infiniment reconnaissant. Imaginez vous que en 1968, en septembre 1968 ça va faire, ça fera 50 ans que je suis au Canada. [01:25:22] Et c'est quelque chose que je tiens à célébrer. Et, naturellement Israël. Je me sens aussi Israélien sans avoir la nationalité Israélienne. Je me sens Israélien dans l'âme aussi. D'accord? Alors pour moi, le Canada, Israël...j'ai cette double identité en moi, et dans mon vécu. [01:25:50] Et mes enfants l'ont également. Et ce que je souhaitais leur transmettre.

[01:25:56] Interviewer: Et la dernière chose, euh, qu'est-ce que vous pouvez donne comme message? Avez-vous un message à partager avec les gens qui écoutent cette entrevue? 

[01:26:10] Edmond Elbaz: Nous avons un travail de mémoire à faire. Et ce travail de mémoire doit se poursuivre. Une entrevue, un texte de lecture sur notre passé n'est pas suffisant. Il faut éduquer nos jeunes, je rencontre beaucoup de nos jeunes dont les parents sont venus de pays arabes mais ils connaissent très peu l'histoire de leur parents ou de leur vécu. [01:26:39] Et ça, ça m'inquiète énormément. Bon. Lorsque, récemment, au mois de mai, nous avons commémoré le Farhoud ici à la Spanish. Je me suis tourné auprès de plusieurs jeunes dont les parents sont Irakiens à qui j'ai posé la question. Ah, Farhoud? Oui j'ai entendu parler but I don't know what it is. [01:27:06] Je sais pas ce que c'est. C'est regrettable. Ce que j'ai dit à mon ami Alan Mourad [ph] qui est le président de la communauté iraquienne ici, je lui ai dit, "Alan, nous avons une missions. Pas seulement vous, mais nous tous nous avons une mission." Il est important d'aller dans les écoles...pendant la période du Farhoud, expliquer aux jeunes ce que vous avez vécu, ce que vos parents, vos grand parents ont, ont vécu. [01:27:36] Ce que l'Irak, les Irakiens, les Juifs Irakiens qui ont fait le Talmud nous ont transmis. C'est important que ces enfants le sachent. Et pas seulement dire ah, c'est le Talmud de Babylone mais ces rabbins qui ont composé le Talmud...ils nous l'ont transmis à nous donc c'est à notre tour de transmettre à nos jeunes notre histoire, nos valeurs. [01:28:12] Et...pour que, à leur tour, ils fassent la même chose. Je ne veux pas que cette histoire tombe dans l'oubli et malheureusement, je sens de plus en plus que nous avons failli de ce côté là. Nous n'avons pas réussi de ce côté là. D'accord? Nous avons des écoles de la même manière que nous enseignons l'Holocauste, et c'est magnifique, il faut aussi enseigner l'histoire des Juifs sépharade et leur passé dans les pays arabes. [01:28:40] Et pourquoi est-ce qu'ils ont quitté. Ils ont tous quitté ces pays arabes pour aller ailleurs et comment est-ce qu'ils ont réussi ce magnifique projet de s'intégrer dans ces pays là. Ils ne sont pas un fardeau pour ces pays. Bien au contraire, ils ont apporté quelque chose de plus à ces pays. Leur culture, leur dynamisme, leur vision...leurs connaissances scientifiques, leurs connaissances architecturales. [01:29:15] Et, et, et c'est là, c'est ce, c'est à ça qu'il faut, c'est là le message qu'il faut donner. Que nous avons quitté nos pays mais nous avons apporté une richesse aux pays où nous sommes venus. Et c'est ça que nous devons transmettre à nos enfants parce qu'il faudrait qu'ils reprennent le flambeau et qu'ils fassent la même chose eux aussi. 

[01:29:37] Interviewer: ...nous avons travaillé, nous avons pas [inaudible]

[01:29:42] Edmond Elbaz: Exact. Exact. Exact. Nous ne sommes pas un fardeau sur, à nos pays. On le, bien au contraire, nous contribuons par nos finances, par notre travail, par nos labeurs, par notre énergie à continuer à développer le pays où nous sommes. Et nous espérons et souhaitons continuer à faire la même chose, non seulement nous-mêmes mais avec nos enfants. [01:30:13] Et c'est là, c sont là les valeurs que nous transmettons è nos enfants. C'est qu'ils doivent, ils doivent continuer à offrir à leur pays...[01:30:28] tout ce qu'ils peuvent. toute leur énergie, tous leurs efforts. Voilà. 

[01:30:37] Interviewer: Le Canada?

[01:30:38] Edmond Elbaz: Le Canada bien sûr. 

[01:30:45] Interviewer: Merci beaucoup Edmond, c'était un honneur de faire, et un privilège de...de faire ça. 

[01:30:52] Edmond Elbaz: Pour moi aussi. Parce que je sais tout ce que vous faites pour euh, pour notre communauté et pour notre congrégation. Et je souhaite bonne chance. 

[01:31:04] Interviewer: Merci beaucoup. Merci.