[00:00:03] Lisette: Bonjour c'est une entrevue avec Sephardi Voices. Notre invitée aujourd'hui c'est Madame Claude Bennaroch. C'est le septembre 13, 2016 euh, nous sommes à Montréal. Mon nom est Lisette Shashoua et euh, le caméraman c'est M. Louis-Philippe Besner. Merci. 

[00:00:47] [Sound check]

[00:01:20] Lisette: Bonjour, euh, quel est votre nom complet s'il vous plait?

[00:01:25] Claude Bennaroch: Dahan [sp?] Bennaroch, Claude. 

[00:01:29] Lisette: Ok. Votre nom de naissance alors? 

[00:01:32] Claude Bennaroch: Dahan. [sp?]

[00:01:33] Lisette: Dahan, et la date de naissance?

[00:01:35] Claude Bennaroch: 23 mai, '41. 

[00:01:39] Lisette: Vous êtes nées...?

[00:01:41] Claude Bennaroch: Je suis née à Safi au Maroc. 

[00:01:43] Lisette: Ok. Merci beaucoup d'avoir accepté de participer au projet Sephardi Voices. 

[00:01:49] Claude Bennaroch: Ça me fait plaisir. 

[00:01:50] Lisette: Merci. Euh, pouvez vous nous dire, s'il vous plait, euh, de vos origines, les origines de votre famille. 

[00:01:59] Claude Bennaroch: Euh, mes parents et mes grand parents sont nés au Maroc. D'où sont-ils venus? Je ne le sais pas. En fait je n'ai jamais posé la question. D'Espagne sans aucun doute. 

[00:02:14] Lisette: Et ils sont nés où au Maroc?

[00:02:17] Claude Bennaroch: Ils sont nés à Safi. 

[00:02:19] Lisette: À Safi aussi. 

[00:02:20] Claude Bennaroch: Mes deux parents sont nés à Safi. 

[00:02:21] Lisette: Ah bon, ok. 

[00:02:23] Claude Bennaroch: C'est une petite ville euh, au sud du Maroc. 

[00:02:29] Lisette: Et les noms de vos grand parents?

[00:02:32] Claude Bennaroch: Euh alors moi c'est...Avraham, mon, mon grand-père et ma grand-mère Messoudi [sp?]. Maternel. 

[00:02:46] Lisette: Et paternel?

[00:02:51] Claude Bennaroch: Paternel....j'ai un blanc. Je ne me rappelle plus. 

[00:02:59] Lisette: Oh, ça va. Est-ce que vous avez des souvenir, des anecdotes à parler, est-ce que vous vous souvenez de...

[00:03:06] Claude Bennaroch: Des anecdotes...mais de...

[00:03:10] Lisette: Avec vos grand parents. Est-ce que vous avez es souvenirs?

[00:03:11] Claude Bennaroch: Mes grand parents je les ai très peu connus. En fait je n'ai connu que ma grand-mère maternelle, Messoudi [sp?]. Euh, mon grand-père était déjà décédé. Non, excusez moi, elle avait divorcé. Je l'ai appris y'a pas longtemps d'ailleurs parce que je savais pas qu'on divorçait à cette époque là. [00:03:29] Mais oui, elle avait divorcé. J'ai donc connu son deuxième mari qui s'appelait Meyer [?]. Et puis vers les années euh...'50 - '51 ils ont immigrés en Israël et là je les ai plus jamais revus. 

[00:03:48] Lisette: Ah ok, et vos parents paternels?

[00:03:53] Claude Bennaroch: Mes grand parents paternels?

[00:03:54] Lisette: Oui. 

[00:03:55] Claude Bennaroch: Vous voulez dire? Je les ai pas connus. Je les ai jamais vus pour ainsi dire. Non. 

[00:04:01] Lisette: Et maintenant de vos parents, quels sont leurs noms? Comment ils se sont rencontrés? Qu'est-ce que vous avez...

[00:04:10] Claude Bennaroch: Mes parents, tant que je me souvienne, étaient voisins parce qu'au Maroc on habitait des, ils habitaient à l'époque des grandes maisons arabes avec des cours intérieures et donc ils pouvaient loger là deux, trois familles. Et ils se sont rencontrés là, chacun avec sa famille. Ils étaient très jeunes, euh, quand...oui, quand ils se sont rencontrés et après bon, ils se sont mariés. [00:04:39] Mes parents ils s'aimaient beaucoup, beaucoup. C'était une belle histoire d'amour. 

[00:04:44] Lisette: Alors pouvez vous nous raconter cette histoire d'amour de vos parents?

[00:04:49] Claude Bennaroch: Ben, moi le souvenir que j'ai de mes parents euh, j'avais 14, 15, 16 ans. J’ai toujours senti une belle union euh, un grand respect et beaucoup, beaucoup d'amour euh, de part et d'autre. Évidement ils s'étaient mariés tout jeunes. Ma mère n'a...jamais connu quelqu'un d'autre c'était clair et net. [00:05:15] Je crois qu'elle avait 16 ou 17 ans quand elle s'est mariée. 

[00:05:18] Lisette: Alors ils s'aimaient...

[00:05:20] Claude Bennaroch: Ils s'aimaient d'amour, oui. Oui. 

[00:05:22] Lisette: Quand ils étaient voisins?

[00:05:24] Claude Bennaroch: Oui, ils avaient quand même une différence d'âge, je pense qu'ils avaient quelque chose comme 14-15 ans de différence d'âge. Oui. Ma mère était toute jeune. D'ailleurs, ils parait que j'ai le privilège de lui ressembler, on m'a toujours dit ça depuis...[overlap] depuis que je suis ado. 

[00:05:41] Lisette: Vous ressemblez à votre maman?

[00:05:41] Claude Bennaroch: Oui, que je ressemble à ma maman, oui. Elle est très belle ma maman. 

[00:05:48] Lisette: Est-ce que vous pouvez parler un peu plus fort?

[00:05:51] Claude Bennaroch: Oui. D'accord. Bien sûr. 

[00:05:54] Lisette: Euh, alors vos parents ils se sont mariés quand? Quelle année? Savez vous?

[00:06:00] Claude Bennaroch: Quelle année? Alors euh, à mon avis, ils se sont mariés en '38, 1938. Ma sœur est née, est née en '39, oui c'est logique. 

[00:06:13] Lisette: Et votre père s'appelait comment?

[00:06:14] Claude Bennaroch: Jacob, Jacob Dahan. 

[00:06:18] Lisette: Jacob Dahan. Et il est né aussi a Safi?

[00:06:21] Claude Bennaroch: Il est à Safi. 

[00:06:24] Lisette: Son métier? Qu'est-ce qu'il faisait?

[00:06:26] Claude Bennaroch: Il était employé à la banque populaire de Casablanca. Il est, avant ça il avait travaillé pour la chambre de commerce Française pendant de nombreuses années et après, ensuite à la banque. Oui, je l'ai pas noté, je pourrait le rajouter parce que c'est là que, en fait, il a - passé le plus clair de ses années, à la chambre de commerce française. [00:06:50] Il travaillait avec euh, ben, c'était avant le protectorat donc euh, le dirigeants étaient tous des français, des français euh, qui venaient là pour euh, j'allais des colons, non c'est pas des colons. Certainement pas. Des coopérants, pardon. C'est - ils venaient avec des contrats de France pour euh, évidement euh, fonder ces business, des...et, entre autres, la chambre de commerce Française...

[00:07:25] Lisette: C'est magnifique. 

[00:07:27] Claude Bennaroch: Ouais. Mon père avait la chance de bien parler français, ce qui était rare à l'époque donc il avait un poste là. Ouais. Et moi  plus tard, d'ailleurs, quand j'étais étudiante j'ai été travailler, l'été j'allais, à 15 ans j'allais travailler avec lui. Ouais. Je peux prendre une gorgée de café? Merci. 

[00:07:54] Lisette: Are you making another coffee?

[00:07:57] Claude Bennaroch: Ah j'aurais dû vous proposer hein?

[00:08:05] [note technique]

[00:08:32] Lisette: Alors votre maman comment s'appelle t'elle?

[00:08:35] Claude Bennaroch: Rachel. 

[00:08:37] Lisette: Et, évidement, elle est née à Safi. 

[00:08:41] Claude Bennaroch: À Safi, oui, à Safi. 

[00:08:44] Lisette: Elle, ils se sont mariés à, vous disiez, 19...

[00:08:49] Claude Bennaroch: En 1938 ils se sont mariés. 

[00:08:51] Lisette: Elle est née à quelle année votre maman?

[00:08:56] Claude Bennaroch: J'ai un blanc. J'ai...je sais qu'elle est décédée, alors on peu faire le calcul, en '76. Elle avait 55 ans. 

[00:09:05] Lisette: Mais elle avait 16 ans quand elle s'est mariée. 

[00:09:07] Claude Bennaroch: Ouais. 

[00:09:08] Lisette: Alors...

[00:09:09] Claude Bennaroch: 50 - mais partons de là, 55 ans jusqu'à 2016, ça fait combien d'années ça? Elle aurait eu quel âge?

[00:09:20] Lisette: Elle est morte...

[00:09:21] Claude Bennaroch: À 55 ans, en 1976, elle avait 55 ans. 

[00:09:28] Lisette: Oh, ok. 

[00:09:28] Claude Bennaroch: Alors c'est, comment on fait?

[00:09:30] [inaudible] Elle aurait 95 ans?

[00:09:32] Claude Bennaroch: Ah, elle a eu, oui, ça fait 40 ans. Bravo. Elle aurait eu 95 ans oui, c'est ça. Ouais, elle est né à...ouais, c'est ça. Donc elle est née quand?

[00:09:45] Lisette: Exactement, elle est née quand?

[00:09:47] Louis-Philippe: Elle aurait 95 ans...

[00:09:48] Claude Bennaroch: Et on est en 2016.

[00:09:49] Louis-Philippe: 80 - '21. 

[00:09:51] Claude Bennaroch: 1921? 1921. 

[00:09:56] Lisette: Oui, oui. Et...

[00:09:59] Claude Bennaroch: Et mon père était en 1908. Wow. Ça fait qu'ils avaient 16 ans de différence, c'est ça?

[00:10:06] Lisette: Oui, oui. 

[00:10:07] Claude Bennaroch: Ok, alors vous pouvez mettre 1908, oui. 

[00:10:11] Lisette: Merci. Et votre maman, elle était euh, qu'est-ce qu'elle faisait?

[00:10:15] Claude Bennaroch: Elle faisait, ben comme vous avez vus, nous étions une famille nombreuse, 11 enfants. Donc il est évident qu'elle était à la maison pour s'occuper euh, de la...le fratrie. 

[00:10:29] Lisette: Et combien étiez vous comme sœurs et frères?

[00:10:32] Claude Bennaroch: Neuf sœurs et deux frères. 

[00:10:35] Lisette: Wow. C'est beau. Et euh, parlez nous de votre relation avec vos sœurs et frères en grandissant, leurs noms. Ils sont nés à quelle - quelle année? Vous étiez où?

[00:10:50] Claude Bennaroch: Moi je suis la...la cadette donc la deuxième. Donc il est évident que euh, j'avais un rôle important dans le sens où il fallait toujours s'occuper des plus jeunes. Donc euh...je remplissais euh...comment dire? [00:11:17] Plutôt de rôle de l'éducatrice. C’est à dire que je veillais aux devoirs. J'allais inscrire mes frères et sœurs euh, dans les écoles. Et, bien sûr, il fallait toujours les surveiller parce que nous habitions le Maroc. Le...on passait pas le plus clair de notre temps comme ici à la maison. On jouait devant la porte, dans la rue, donc il fallait surveiller et puis oui, donner le bain, veiller le matin à ce que les plus jeunes soient bien habillés, qu'ils aient pris leurs petits déjeuner. [00:11:55] Euh, le sens de la responsabilité oui, très tôt. Ce qui est normal dans les grandes familles. 

[00:12:04] Lisette: Et euh, pouvez vous me dire leurs noms et leurs dates de naissance?

[00:12:09] Claude Bennaroch: Je les ai marqués là bas. Odette, '38 - '39 pardon. Moi, '41. Et puis après tous les deux ans hein? Arlette, Vivianne, Bella, Régine, Orly, Babette, Michel, Albert, Maggie. 

[00:12:27] Lisette: Alors les deux gars sons nés à la fin-

[00:12:31] Claude Bennaroch: À la fin, ouais, vous comprenez pourquoi hein?

[00:12:35] Lisette: Ils ont essayés de...garçon. Ok. Alors vous étiez plus pu moins la seconde maman. 

[00:12:43] Claude Bennaroch: euh, je dirais la troisième parce que ma, ma sœur ainée était beaucoup plus impliquée que moi. Euh, bon, à d'autres niveaux, on va dire à un autre niveau. Elle était plus proche de ma mère. Elle s'occupait des bébés elle. C'était toujours, y'avait toujours un bébé qui arrivait alors elle était, elle secondait ma mère plus que moi. [00:13:06] Moi j'étais euh, plutôt responsable des, des autres. 

[00:13:11] Lisette: Vous avez aimé ça? C'était euh?

[00:13:13] Claude Bennaroch: Non. Non. 

[00:13:16] Lisette: Parce que vous n'aviez pas le temps pour vous même.

[00:13:18] Claude Bennaroch: Voilà. On est égoïste à cet âge là et puis euh, y'avait pas beaucoup d'argent à la maison donc euh, ça laisse pas des bons souvenirs. Quand je voyais que me mère était enceinte j'était pas contente, pas du tout. Même qu'un jour je lui ai reproché. Je devais avoir 15 ans. 

[00:13:41] Lisette: Alors, quels sont vos premiers souvenirs de Safi, de la maison, de, bon...

[00:13:49] Claude Bennaroch: Oh, rien de particulier. Sinon euh, Safi c'était une petite ville euh, un port en fait, un petit port sans grand, grand intérêt à mes yeux parce que quand je suis retournée, y'a peut-être une dizaine d'années euh, bon, j'ai trouvé ça pauvre, nul. Une rue, une rue tout simplement euh, rien de - aucune architecture, aucune euh, bon, lorsqu'on allait à l'école de l'alliance euh, là on arrivait au plateau. [00:14:22] C'était le quartier chic de Safi. Là habitaient les Européens. Eux ils avaient des villas tandis que nous on étaient dans des petits appartements, tout ce qu'il y avait de plus normal. Et donc euh, et les gens riches se trouvaient là et là y'avait des, y'avait un beau jardin oui, des fleurs, oui. 

[00:14:44] Lisette: dans votre maison à vous?

[00:14:45] Claude Bennaroch: Donc, ah non, non, non, je parle de, non, je parle du plateau, du quartier chic où on allait. Non, chez nous y'avait pas de parc, y'avait pas, y'avait...y'avait pas de...non, je me souviens même pas qu'il - seulement du gazon. Non. Euh, non, c'était un quartier populaire euh, sans intérêt, aucun je dirais. 

[00:15:09] Lisette: Alors c'était très intéressant que l'alliance est arrivée jusqu'à Safi. 

[00:15:13] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui, oui. 

[00:15:14] Lisette: Safi contentait combien de, de...

[00:15:18] Claude Bennaroch: D'habitants? Je saurais pas vous le dire. Mais euh...je sais simplement qu'il y avait 450 000 juifs au Maroc mais à Safi, à Safi, peut-être qu'il y avait...10 000, 15 000?

[00:15:35] Lisette: Oh c'est beaucoup. 

[00:15:36] Claude Bennaroch: Elle pouvait pas contre, contre - et encore peut-être que je suis trop généreuse là. Peut-être que...

[00:15:43] Lisette: Alors c'était une ville. Ce n'est pas...

[00:15:44] Claude Bennaroch: C'était une petit ville mais oui, à côté des Sawira, d'Agadir. C'est le, le sud. Oui. Une petite ville, bon ben, évidement à Casablanca c'était la ville industrielle Rabat c'était la ville euh, euh, comment dirais-je? La...oh...le nom m'échappe. [00:16:06] Rabat c'est là que résidait le roi, la capitale, voilà. Rabat était la capitale. Mais bon, il paraît que maintenant ça beaucoup changé, que je suis pas retourné. À Safi, je parle de Safi, et, ils ont même, comment dirais-je, instauré, une université depuis peu de temps. [00:16:32] Alors euh, j'espère qu'elle a...qu'elle attirera plus de touristes et qu'elle a plus d'intérêt aujourd'hui. 

[00:16:42] Lisette: Et euh, vous aviez des amis euh, non Juifs? Des amis Juifs? Vous fréquentez avec quelle sortes de, quelles sortes de...

[00:16:53] Claude Bennaroch: En primaire et en secondaire on était à l'école de l'alliance Israélite. Euh, on, on ne vivait qu'entre nous, entre Juifs. Le quartier où nous habitions était un quartier Juif. On l'appelait d'ailleurs, oui, le quartier Juif. Une petite euh...rue sans intérêt aucun. Là je parle d'abord de Safi parce que à 16 ans, quand j'ai eu 16 ans, on est allés habiter Casablanca. 

[00:17:23] Lisette: Ah oui. 

[00:17:23] Claude Bennaroch: Ouais. 

[00:17:25] Lisette: Ça changé. 

[00:17:25] Claude Bennaroch: En  60...ben là évidement des horizons étaient quand même plus élargies. Il y avait plus d'intérêt. Mais avant ça euh, au secondaire euh, après le secondaire, euh...donc euh, je suis allée au collège et là c'était un collège mixte. Et là j'ai eu des amis européens. Y'avait même, y'avait des musulmans, pas, pas beaucoup à l'époque parce que la majorité étaient des juifs et des européens. [00:18:01] Et puis donc là j'ai eu des amis oui, et puis là j'ai bien sur découvert un autre monde. Euh, mon père n'avait qu'une bicyclette tandis que mes, mes copines, les parents avaient des voitures et les déposaient en voiture. Alors euh, quand j'avais la chance d'aller me balader avec mes copines j'était très heureuse. [00:18:26] Et puis bon, elles étaient très bien vêtues quoique ma mère était une couturière euh, émérite elle nous habillait toujours très bien. Elle nous cousait de très beaux tabliers tant et si bien que des années après mes copines me disaient, "Mais moi j'étais persuadée que vous étiez une famille de riches. Vous étiez toutes tellement bien habillées." C'est vrai. [00:18:50] Euh, c'est quelque chose que - mon père on l'appelait Jacob Le Chiquet [?]. L'homme élégant, toujours très élégant, oui. Alors je peux dire que mes parents nous ont transmis ça parce que on va dire, modestement, qu'on aime les beaux habits, les belles choses, les belles maisons, les, voyez? [00:19:15] On s'arrange pour avoir du beau autour de nous parce que ma mère, malgré les faibles moyens, a su nous, nous apprendre euh, nous suggérer euh, qu'avec peu elle amidonnait toujours les napperons, elle amidonnait toujours les chemises do mon père. [00:19:35] Et, et chaque fois, quand il y a avait des fêtes, par exemple, deux fois par an, je me souviens que la couturière venait à la maison. Ma mère était très douée pour la couture mais là, bien sur, elle avait besoin d'aide. Donc la couturière venait et pendant toute la journée elle nous cousait nos vêtements. Nous étions déjà nombreux et donc on avait droit à des chemises de nuit neuves. [00:20:00] Ma mère cousait tout. Les chemises de nuit, les rideaux, les couvre-lits. 

[00:20:07] Lisette: Wow. 

[00:20:07] Claude Bennaroch: Ouais. Alors là on avait le droit à des chemises de nuit neuves. On était des filles, en fait, je parle à l'époque où on était toutes des filles, et puis on avait deux, une robe euh, deux robes. Ou alors un jupe avec une petite, un petit boléro et une robe. Euh, oui, je me souviens qu'on avait un cousin qui habitait la place principale de Safi qui vendait des tissus et là mes parents allaient puis on achetait des coupons et des coupons de tissus. [00:20:40] Et on avait droit à une remis parce qu'on était de la famille. C'était important. Comment ils payaient ça, je ne sais pas. Et après ça on allait euh, les chaussures vernis c'était la mode et puis bon, c'était pour les gens bien nantis, privilégiés et là on, on voulait des chaussures en verni pis un jour mon père a dit oui, on peut les acheter, puis bon, ça été la fête quoi. 

[00:21:12] Lisette: Et les enfants plus jeunes, est-ce qu'ils recevaient ce que vous aviez comme habit ou ils avaient des nouvelles aussi pour eux?

[00:21:21] Claude Bennaroch: Mais, c'est drôle, je me suis posé la question. Parce que là j'ai des petits enfants, j'ai, bien sûr je vois bien ma fille elle euh, Nathalie par exemple bon elle s'est mariée avant, les enfants sont plus grands mais tous, tout les vêtements elle les donne à mes petites filles. [00:21:38] Et à mon autre fille puis ma, mon autre fille aussi elle, elle les gare dans des, je veux dire, soigneusement dans le papier de sois, etc, pour les donner à d'autres. Et maintenant tant et si bien que c'est les nièces aussi qui bénéficient et puis donc ça finit pas ce linge. Il arrête pas de tourner. Bon, euh, il faut croire que c'est de la bonne qualité, des belles choses donc on les garde. Mais auparavant, j'ai pas souvenir qu'on - moi je crois qu'on portait tellement notre linge qu'après il était inutilisable. [00:22:11] Non, je crois pas qu'on avait ce, ce luxe de le...enfin de, que les plus jeunes en profitent. Je pense pas. 

[00:22:24] Lisette: Mais je pense que les plus jeunes sont très heureux d'avoir leurs propres nouvelles...

[00:22:28] Claude Bennaroch: Oui, ça c'était clair. 

[00:22:31] Lisette: Alors quelle langue vous parliez chez vous?

[00:22:34] Claude Bennaroch: On parlait français. 

[00:22:36] Lisette: Est-ce que vous - et avec les non juifs?

[00:22:38] Claude Bennaroch: On parlait français. Non, on ne parlait que français mais on parlait l'arabe avec la femme de ménage, hein? Qui était là. Euh, moi j'ai appris l'arabe au collège mais très peu je dois dire. 

[00:22:53] Lisette: Mais en parlant avec les musulmans aussi français?

[00:22:58] Claude Bennaroch: Je vais vous dire, oui euh, ceux qui était dans ma class? Oui. Mais le peuple ne parlait pas français à l'époque. Et puis nous, les contacts qu'on pouvait avoir avec le peuple ils étaient, pour ainsi dire, euh...nuls. On allait peut-être à l'Épicerie pour acheter du pain ou acheter, ma mère nous envoyait faire des commissions amis bon, c'était...le minimum, le minimum. [00:23:24] Bon ça m'empêche, ça n'empêche pas que je comprends bien l'arabe et que, bon, le parler je parle...je le parle peu parce que euh, j'ai jamais réellement pratiqué mais je comprends absolument tout. 

[00:23:43] Lisette: Est-ce que vous faisiez partie de groupe sociaux, sportifs ou...?

[00:23:47] Claude Bennaroch: Oui, euh, on avait un organisme qui s'appelait de DEJJ - D-E-J-J. Département d'étudiants Juifs quelque chose, je sais plus quoi. Oui, et là on se réunissait, on avait euh, on allait, on avait des camps, on allait au camp également. [00:24:11] Au camp pendant l'été et puis....

[00:24:14] Lisette: Camp de scout?

[00:24:15] Claude Bennaroch: Le camp, oui, scout oui, c'était un camp scout en effet et puis bon là il essayaient de nous transmettre l'identité juive. On chantait en hébreu, le vendredi soir on allait à la synagogue et puis on chantait les chadoudi, les chants rituels du shabbat. Donc on avait, très tôt on eu cette identité juive et puis à la maison bien sur, le shabbat était toujours marqué, les fêtes, oui, défensivement. 

[00:24:48] Lisette: Aviez vous...

[00:24:48] Claude Bennaroch: Mon père allait à la synagogue à tous les jours. Il faisait la prière à la maison. 

[00:24:52] Lisette: Tous le jours, oh votre papa. 

[00:24:52] Claude Bennaroch: Mon père oui, et je me souviens qu'il mettait les tefillin à la maison quand il avait pas le temps d'aller, je crois. Parce que je le revois mettre le tefillin le matin donc C'était un rituel. Tu sais, bon ça faisait partie du quotidien. C'est des choses que l'on remarque même pas et qui reviennent plus tard. 

[00:25:13] Lisette: Ouais. 

[00:25:13] Claude Bennaroch: À l'esprit oui. 

[00:25:15] Lisette: Euh, aviez vous des expressions, des idiomes que, pour la famille, entre vous, des spéciaux que vous vous rappelez? Entre vous?

[00:25:26] Claude Bennaroch: C'est à dire? J'ai pas compris la question. 

[00:25:28] Lisette: Des expressions spéciales entre vous, des blagues, des...

[00:25:35] Claude Bennaroch: Pas que je me souvienne. 

[00:25:41] Lisette: Alors votre quartier était plus ou moins Juif. 

[00:25:43] Claude Bennaroch: Oui. Euh, oui jusqu'à l'âge de...euh, sept ans je crois. Oui, sept and on était dans un quartier juif et puis après on a déménagé, on a déménagé dans un quartier, on va dire moins juif parce que là on avait des voisins non juifs, des espagnols, des portugais. 

[00:26:05] Lisette: À Safi toujours. 

[00:26:07] Claude Bennaroch: Parce que comme c'était un port Sardinier, Safi, beaucoup de portugais vivaient là. En fait c'était cosmopolite hein? Comme dans tout le Maroc hein? Euh, les espagnols, les Portugais mais aussi les Portugais étaient un peu comme les juifs, leur conditions sociales étaient pas des plus élevés, vous voyez? [00:26:29] C'était des employés, tout simplement, pas des gens qui entrepreneurs, qui avaient réussis ou autre. C'était des petites gens avec des petits boulots. 

[00:26:52] Lisette: Est-ce que vos parents ont joué un rôle particulier dans la communauté?

[00:26:59] Claude Bennaroch: Un rôle particulier, je sais que, bon, dans la communauté moi je, je...Au Maroc euh, on était pas organisés comme ici. Moi, pour être très honnête, le bénévolat c'est un mot que j'ignorais. La tsédaka aussi, jusqu'à quand même 10-12 ans, je savais pas. Bon, on a, c'est à dire que la tsédaka on la faisait mais on en était pas conscients. [00:27:30] Moi je me souviens j'avais sept and, huit ans, tous les vendredis que, que, tous les vendredis régulièrement mon père me donnait une pièce d'argent que j'allais apporter à sa sœur, sa sœur qui, sans doute, était moins nantie que nous. [00:27:50] Ça j'en ai le souvenir très vif. J'allais, je lui donnais la pièce tous le vendredis. Elle devait faire surement ses commissions pour le shabbat après. Mais euh, mon père allait à la synagogue régulièrement, ça c'était clair. La communauté n'était pas organisée. c'est ce que je voulais, oui, c'est là que je voulais en venir. La communauté n'était pas organisée comme ici. [00:28:17] Euh, donc euh, en tant que famille nombreuse, il est évident que bon, on pouvait pas se permettre d'aider son, d'aider les gens dans la communauté. bon euh, ce qui se faisait couramment, d'ailleurs dans la plupart des familles, euh, c'était, bon, à la synagogue qu'on donnait un don. [00:28:40] Mon père donnait un don tout simplement. Mais autrement y'avait pas...la communauté n'était pas organisée quoi. Longtemps, très longtemps après euh, je savais qu'il y avait...une maison de retraités ou de personnes âgées, handicapées, très longtemps, très longtemps après. J'avais une amie d'ailleurs qui était al directrice et qui s'en occupait quoi. 

[00:29:15] Lisette: Wow. 

[00:29:15] Claude Bennaroch: Elle allait ramasser de l'argent auprès des gens nantis pour entretenir cette maison qui existe encore aujourd'hui d'ailleurs. 

[00:29:23] Lisette: Et c'était une maison de juifs ou...

[00:29:24] Claude Bennaroch: Une maison que de juifs, oui. 

[00:29:26] Lisette: Et maintenant c'est toujours?

[00:29:28] Claude Bennaroch: Elle existe encore...

[00:29:29] Lisette: Et que de juifs aussi?

[00:29:30] Claude Bennaroch: Je pourrais pas l'affirmer aujourd’hui, je ne sais pas. Mais il est évident qu'elle était financée par les services juifs. 

[00:29:42] Lisette: Quels sont vos souvenirs de la nourriture maintenant? Et peut-être vous rappeler quelque chose que votre grand-mère faisait comme nourriture. 

[00:29:51] Claude Bennaroch: Ma grand-mère non. On avait, comme je vous dit, peu de contact et puis elle est partie j'étais très jeune. Mais bon, il y avait les plats traditionnels, le shabbat on mangeait toujours euh, la même chose. C’était une bonne soupe euh, de pois chiches avec euh, des...avec de la viande oui, du jarret je suppose. [00:30:13] Et puis après on, on mangeait des boulette, les boulettes avec des céleri. C'était un plat traditionnel euh, très réputé dans la communauté et...bon et puis les salades évidement. On avait un meilleur repas si vous voulez le shabbat. [00:30:30] Les autres jours c'était, on mangeait beaucoup, beaucoup de légumes mais comme on était nombreux et que la viande a toujours été quand même assez chère, on mangeait, on avait droit à un petit morceau de viande et beaucoup de légumes. Et le soir une soupe, une soupe. Ma mère cuisinait très bien. Elle faisait des belles salades euh, euh...ah oui. 

[00:31:01] Lisette: Et vos parents, grands-parents, est-ce qu'ils s'habillaient de la façon traditionnelle ou plutôt européenne?

[00:31:08] Claude Bennaroch: Comme je vous dit, mon, mes grand parents paternels je les ai pas connus mais ma grand-mère elle s'habillait à l'européenne. 

[00:31:18] Lisette: Et vos parents?

[00:31:19] Claude Bennaroch: Ah oui, oui, mais tout à  fait. Oui, oui, bien sûr. 

[00:31:22] Lisette: Mais dans les noces, dans les fêtes...

[00:31:25] Claude Bennaroch: Toujours, toujours à l'européenne. On s'est jamais habillé autrement. 

[00:31:28] Lisette: Ah, le henné?

[00:31:30] Claude Bennaroch: Le henné, alors ça c'est venu plus tard. J'ai jamais vu ma mère en kaftan. C'était pas à la mode, non euh, le, les kaftans, l'ainée euh, ça été notre génération et ici à Montréal, mais pas au Maroc. 

[00:31:54] Lisette: Est-ce que vous aidiez votre maman à préparer pour le shabbat?

[00:31:59] Claude Bennaroch: Non, j'avoue que non. J'étais pas très douée pour la cuisine, j'aimais pas ça. 

[00:32:04] Lisette: Et vos sœurs oui?

[00:32:05] Claude Bennaroch: Ma sœur ainée oui. Elle l'aidait, bon, on avait une femme de ménage et, mais moi, je dois vous dire j'ai commencé à travailler très tôt. J'avais 17 ans et puis euh, et en même temps j'étudiais le soir parce qu'il fallait aider la famille. 

[00:32:26] Lisette: Qu'est-ce que vous faisiez?

[00:32:27] Claude Bennaroch: J'étais secrétaire. J'avais pris un cours et je travaillais, j'ai travaillé d’ailleurs aux travaux publics et après quand on est allés à habiter Casa en '60 j'ai été mutée, bon, parait-il que j'ai été un bon élément et puis donc je travaillais là au travaux publics, j'ai fait du secrétariat longtemps euh... [00:32:53] Et puis je donnais toute ma paye à mon père et c'est mon père qui décidait combien il, j'avais droit. 

[00:33:00] Lisette: Ça vous dérangeait?

[00:33:01] Claude Bennaroch: Ou, ça me frustrait mais...on discutait même pas. Inconsciemment j'avais surement conscience que l'argent manquait à la maison et qu'il fallait que je, oui. 

[00:33:17] Lisette: Alors vos autres frères - sœurs, est-ce qu'elles aussi travaillaient?

[00:33:21] Claude Bennaroch: Euh, ma sœur ainée, ma sœur ainée aussi travaillait. Et...non, pas les autres, pas les autres. Ben les autres étaient plus jeunes donc ils étaient encore scolarisés. Après oui, ma sœur, la troisième a travaillé aussi, oui. Mais pas pendant qu'on était jeunes. Je sais pas là, ça s'embrouille parce qu'après...

[00:33:44] Lisette: Vous aviez quel âge quand vous avez commencé à travailler?

[00:33:47] Claude Bennaroch: J'avais 16 ou 17 ans. 

[00:33:50] Lisette: Mais vous alliez toujours à l'école. 

[00:33:51] Claude Bennaroch: Oui, alors, oui. Et justement j'ai pu quand même passer mon bac tout en travaillant euh...Mes copines allaient à l'école et puis bon, je travaillais avec elles et puis j'avais des profs qui étaient sympatriques à ma cause. Vous savez c'était une petite ville, tout le monde connaissait tout le monde et puis bon, j'avais un besoin disons de...de faire des études et j'aurais pu, on m'encourageait pis moi j'aimais beaucoup aussi. [00:34:24] Alors bon, j'ai eu la chance d'avoir mon baccalauréat. À l'époque c'était quand même, ça m'a ouvert les portes, j'ai travaillé toute ma vie, je me suis recyclé, j'ai...voilà. 

[00:34:43] Lisette: Et votre famille, elle était pratiquante évidement. 

[00:34:45] Claude Bennaroch: Oui. 

[00:34:47] Lisette: ...mettait le tefillin mais votre maman...vous alliez au synagogue, votre papa allait tous les jours, et vous les enfants?

[00:34:54] Claude Bennaroch: Non, nous on allait le shabbat. Ma mère je crois qu'elle allait à Kippour la pauvre, elle avait jamais le temps, elle était toujours dans ses marmites. 

[00:35:07] Lisette: Est-ce que vous vous souvenez de la synagogue?

[00:35:10] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui. 

[00:35:11] Lisette: Comment elle était?

[00:35:13] Claude Bennaroch: C'était une maison arabe avec un grand, vous avez vu la carte que Nathalie a fait là?

[00:35:20] Lisette: Oui, oui, oui. 

[00:35:21] Claude Bennaroch: Eh ben, c'était ce genre là de maison avec une grande cour intérieur et il pleuvait dans la maison euh, parce que c'était à ciel ouvert. Ouais, et là c'était une très belle maison arabe avec euh...des espèces de balustrades carrés qui, pis on pouvait se pencher et voir tout ce qui se passait en bas et puis on - y'avait des familles qui habitaient euh, nous, par exemple, on habitait, on avait je crois, deux chambres en haut et deux chambres en bas, [00:35:50] Vous voyez en bas c'était la cuisine, C'était là qu'on passait la journée puis on avait la salle à manger pour le shabbat et pour les fêtes. 

[00:36:00] Lisette: En bas. 

[00:36:00] Claude Bennaroch: Non, en haut. En haut...

[00:36:03] Lisette: Alors il fallait monter...

[00:36:03] Claude Bennaroch: Il fallait monter oui, oui. Et puis c'était de très belles maisons avec des éliges de couleur euh...ouais. 

[00:36:14] Lisette: Et vous aviez des femmes qui travaillaient chez vous. 

[00:36:16] Claude Bennaroch: On avait une femme de ménage, oui, mais parce que ça coutait...

[00:36:20] Lisette: Rien. 

[00:36:21] Claude Bennaroch: Des pinottes. On avait pas de machine à laver, on avait pas de sécheuse, de laveuse donc la bonne elle venait bon, laver le linger de tout le monde et c'était ma mère qui repassait et ma sœur aussi elle repassait je m'en rappelle. Pas moi. 

[00:36:35] Lisette: Elle, elle n'aidait pas votre maman à faire la cuisine?

[00:36:38] Claude Bennaroch: Elle, elle devait l'aider, oui, sans aucun doute. Mais moi j'aimais pas les travaux ménagers donc je, non, je m'appliquais pas.

[00:36:49] Lisette: Et euh, parlez nous de pessah, vos souvenirs de pessah. Qu'est-ce que vous avez fait pour le seder?

[00:36:57] Claude Bennaroch: Alors pessah, ça, ça impliquait beaucoup de frais hein? L'argent était souvent au milieu des conversations parce que bon, pessah il fallait que, bon évidement le grand ménage et tout et puis on changions, si on avait la chance on avait des nouveaux couvre-lits, des nouveaux rideaux parce qu'il fallait que la maison brille. Oui, oui, oui, ça c'était, et puis on refaisait la peinture, je sais pas pourquoi on faisait autant, aussi souvent d'ailleurs la peinture, mais bon. [00:37:27] Bon, la peinture était peut-être pas d'aussi bonne qualité qu'aujourd'hui, c'était essentiellement de la chaux je crois. Et puis bon, c'était le branle [inaudible] bas, évidement il fallait que, laver la maison, le, les lustres, enfin les lustres, je sais pas - oui on avait des lustres quand même, et puis faire les commissions, acheter des galettes et des galettes euh, je me souviens que elles étaient empaquetés dans le papier craft, je sais pas pourquoi j'ai gardé ce souvenir. [00:38:00] sans aucune inscription évidement c'était tout ce qu'il y avait de plus simple. Et puis là on les stockaient dans une chambre ou il fallait surtout pas y toucher parce que, c'était pour pessah. Et bon, là évidement les mets du quotidien étaient...avaient une autre saveur et puis bon, C'était évidemment les bons plats. [00:38:30] Mais y'a une chose, nous, ici quand on parle de fête, évidement, y'a les invités, je crois n'avoir jamais vu d'invités chez mes parents. On étaient tellement nombreux que je crois qu'il ne leur venait même pas à l'idée d'inviter quiconque. Et par ailleurs je ne crois pas que c'était une pratique courante. Parce que toutes las familles étaient nombreuses et tout les moyens étaient limités, vous voyez ce que je veux dire? [00:38:59] Donc à partir de là...c'était sauve qui peut. 

[00:39:04] Lisette: Oui. 

[00:39:04] Claude Bennaroch: On nourrissait sa marmaille et puis bon, ça s'arrêtait là. 

[00:39:18] Lisette: Et euh, disons quand il y avait un Brit Millah dans le quartier ou les Bar Mitzvah, les noces, comment ça prenait place là bas? Qu'est-ce que vous - vous souvenez de ça?

[00:39:29] Claude Bennaroch: Ah oui, parce que les fêtes auparavant, on, on connaissait pas mot de traiteur. Tout se faisait à la maison hein? Tout, absolument tout alors là les tantes, les voisines, tout le monde se réunissait et puis bon, ça avait un côté folklorique mais sympathique hein? [00:39:51] Oui, là on achetait tous les ingrédients et puis on faisait le repas de A à Z. Euh...

[00:39:57] Lisette: Avec la, les...

[00:39:59] Claude Bennaroch: Les voisines, les tantes, oui...[overlap] Oui elles venaient dans l'après-midi juste après le déjeuner puis tout le monde se réunissaient puis c'était sympathique. Y'avait une belle atmosphère, les youyou [?], les chants pendant qu'elle préparaient les gâteaux, la nourriture, oui, ah oui, ça avait une toute autre connotation hein? [00:40:23] Et oui, et puis s'il y avait une fête dans, chez les voisins euh, tout el monde était invité euh, c'était quoi? Je crois même pas qu'on, qu’on parlait d'invitations orales ou autres. c'était évident. Tout le monde profitait de la fête. 

[00:40:42] Lisette: Est-ce que vous aviez des frigos?

[00:40:44] Claude Bennaroch: Non. 

[00:40:47] Lisette: Quand vous...

[00:40:47] Claude Bennaroch: On n'avait pas de frigidaire, ne me demandez pas comment, je le sais pas moi même. Je crois qu'on achetait des barres de glace et on les mettait, on avait pas de baignoire non plus. On avait des douches. Une douche avec, on a eu la baignoire quand même, j'avais 15 ans, oui, quand on a déménagé, qu'on avait la baignoire. 16 ans. À Casablanca, pas a Safi. Définitivement. Oui, pas à Safi. 

[00:41:14] Lisette: Et le frigo?

[00:41:15] Claude Bennaroch: Le frigo, on l'a eu...à Casablanca. Un petit frigo sans prétention aucune. Les appareils électriques euh, bien après. Bien après. Oui. 

[00:41:34] Lisette: Avez vous des souvenirs des sites juives?

[00:41:39] Claude Bennaroch: Qu'est-ce que vous appelez les sites?

[00:41:40] Lisette: Des tombeaux, de, des gens qui sont euh, euh...

[00:41:47] Claude Bennaroch: Des tzadikim?

[00:41:48] Lisette: Des tzadikim oui. 

[00:41:49] Claude Bennaroch: Vous savez, ma mère nous a toujours éloigné de la mort alors pour nous la mort n'existait, pour ainsi dire, pas. Tant et si bien que lorsque notre grand-mère est morte, elle était en Israël déjà, ma mère ne nous l'a pas dit. Quelque part on a gradé tout ça parce nous aussi à nos tours on a protégé nos enfants et on voulait pas leur dire quand un membre de la famille disparaissait. [00:42:23] Alors on leur disait pas. Donc aucun contact avec la mort. Personne ne mourrait et on était tous, grâce à dieu, bel et bien vivants et...

[00:42:33] Lisette: Wow. 

[00:42:35] Claude Bennaroch: Non, parce que y'a, bon évidemment y'a le côté superstitieux qui entre en jeu. Les gens ne parlaient pas de mort parce que dieu préserve la mort, c'est réservé aux autres. 

[00:42:50] Lisette: Oui, c'est, actuellement c'était la prochaine question. Je voulais savoir si vous, s'il y avait des superstitions dans la famille. 

[00:42:57] Claude Bennaroch: Bien...[overlap]. Moi j'ai eu beaucoup de chance. Ma mère nous a épargné mais je connais beaucoup de familles où la superstition jouait un grand rôle. Ne mets pas du vert ça machin, je sais même pas à quoi c'était relié mais on a toujours trouvé ça tellement euh, niaiseux en fait, sans intérêt je veux dire. [00:43:23] Non, la superstition c'était pas, mais oui, au Maroc la superstition, définitivement, elle a été présente. Elle l'est encore d'ailleurs j'observe des fois des jeunes, des jeunes, la semaine dernière j'étais à la piscine et y'a une jeune marocaine, une jeune, elle a, je sais pas moi, 35, 36 ans. [00:43:45] Et elle a une petite fille toute mignonne et je la connais très bien alors je lui ai dit ,"Oh qu'elle est mignonne." Tout de suite elle a mis la main sur elle come pou la protéger. J'ai vu ce geste et ça m'a...je la connais ben, je veux dire, on est très proche, elle est ma voisine et je sais même pas pourquoi je l'ai remarqué, j'aurais même pas du le - mais là comme elle insistait, elle mettait sa main quand même, cinq, comme ça et...[00:44:13] Ça m'a indisposé au...je me suis dit mais elle est stupide. Moi j'ai des petits enfants que j'adore, magnifique en plus, bon, en tout cas, chacun son truc. Mais moi j'échappe à cette dimension que je trouve nulle et rétrograde quelque part. 

[00:44:36] Lisette: Vous avez commencé à dire ne mettez pas vos verres comment? C'était quoi la superstition?

[00:44:43] Claude Bennaroch: Ah oui, les couleur. Parce que y'a des familles, par exemple, oui où le vert ou le mauve euh, j'imagine euh, le jour où elle a mis une robe verte ça grand-mère est morte ou un truc comme ça alors à partir de là, bon les gens c'étaient des petits esprits. Ils s'attachaient à des détails sans importance. Donc nous on a échappé à tout ça. Ma mère elle nous a pas du tout inculqué ce genre de - bien heureusement. 

[00:45:19] Lisette: Est-ce qu'il y avait des organisations juives non religieuses à Safi que, ben, y'avait les scouts, il y avait...

[00:45:28] Claude Bennaroch: On était pas dans ce milieu là. Bien sûr qu'il devait y avoir mais pas nous, non. Pas que je me souvienne. Non. On avait, y'avait une salle ouais...y'avait ce qu'on appelait un cercle juif. Le cercle de l'alliance oui. Au soup - au - y'avait des bals un fois ou deux fois pas an. Mes parents allaient là. Et plus tard moi j'ai été. J'avais 16 ans parce que j'ai encore des photos là. [00:45:55] Et bon, c'était une belle salle, un club chic. Les gens s'habillaient bien et puis il y avait l'orchestre et puis on dansaient. Il y avait une vie sociale juive euh...certainement qu'il y avait des comités. Bon, à l'époque je...je m'intéressait pas tellement à tout ça évidement mais oui, il y a avait quand même un cercle juif où se produisaient les fêtes, les fêtes, quelque fois les mariages. [00:46:33] Bon, c'était pas la coutume comme ici d'aller au Shah Rashamaim ou demain, par exemple, j'ai un mariage de 500 personnes. Non. Les familles moyennes, euh, pour les familles moyennes les fêtes se passaient à la maison. Alors on débarrassait toute la maison et puis son mettait des divans un peu à l'orientale pour pouvoir asseoir le maximum de gens et puis tous le meubles étaient groupés dans une chambre. [00:46:59] Euh, la location d'une salle est bon, c'était des frais inutiles, euh, et puis comme je vous dit on faisait tout le repas, le, de l'apéro en passant pas le diner et les desserts et les gâteaux et pas des moindres, tout se faisait à la maison. Où ils gardaient tout ça, dieu seul le sait. 

[00:47:18] Lisette: Sans frigo. 

[00:47:17] Claude Bennaroch: Sans frigo. Sans doute la glace, je sais pas trop. 

[00:47:29] Lisette: Et les, des organisations sionistes, est-ce qu'il y avait? Vous étiez impliqués, votre famille? 

[00:47:38] Claude Bennaroch: Alors là, bien plus tard j'avais peut-être, ouin, c'était les premières années, j'avais 16 ans lorsqu'on est arrivés à Casablanca. Moi j'avais...un cousin germain qui lui allait dans les villes les plus reculées, dans les bled oz il y a avait des juifs dans les montagnes et tout ça pour aller recruter et expédier les juifs en Israël. Il l'a fait longtemps. [00:48:13] Moi je le savais parce que bon, on en parlait un peu comme ça mais j'ai jamais été impliquée. Par contre, mon mari l'a été. Mon mari faisait partie d'une organisation pendant longtemps euh, ouais, moi je devais avoir...enfin ouais, j'avais 18 ans...19 ans. Oui et puis là on allait bon à une piscine qui était à la mode, elle s'appelait Taikia Casabora [sp?] c'est à Casablanca, c'est la grande ville, c'est des belles salles, c'est des belles piscines, etc. [00:48:47] Et là mon mari avait rencontré un homme qui venait d'Israël, aujourd'hui, avec el recul, moi je crois qu'il faisait partie de, comment vous appelez ce...l'organisme secret...

[00:49:02] Lisette: Mossad.

[00:49:03] Claude Bennaroch: Le Mossad, ah oui je suis sur et certaine parce que, bon, il avait sympathisé avec lui, peut-être que d'autres amis sont allés. Bon, toujours est il que là il a commencé à s'occuper du mouvement juif. Il était même allé à Paris pour l'entrainement, pour les armes. [00:49:24] Et il m'avait caché ça longtemps. Il me l'a dit bien, bien plus tard. Ouais. Et donc, bien sûr qu'il y avait beaucoup de, il y avait beaucoup de jeunes qui étaient impliqués dans - bon, c'était déjà les années, on va dire '58 - '59 euh, donc 10 ans après la création d'état d'Israël mais Israël était loin d'être ce qu'il est aujourd'hui comme vous le savez, évidement. [00:49:59] Donc euh, n'allaient là que les, on recrutait les moins nantis, les familles ou il n'y avait pas beaucoup d'argent, où il fallait euh...bon euh, nourrir et s'occuper de l'éducation. Les parents n'avaient pas toujours les moyens donc ils les envoyaient en Israël. C'est des gens pour ainsi dire euh...non, pas sacrifiés pas ce que plus tard ils sont devenus des hommes, mois j'avais des cousins germains, les enfants de cette tante à qui j'allais donner une pièce tous le vendredis de la part de mon père euh bon...[00:50:35] Ils étaient, c'était des garçons, ils avaient un peu notre âge, 14, 15, quelque chose comme ça, 17. Et donc ils étaient partis en Israël. Et quelques années après, en fait, bien des années plus tard, la première fois que je suis allée en Israël je suis allée les voir alors qu'ils allaient même pas à l'école. Ils trainaient dans les rues, machin, ils étaient partis pour mal tourner. Je me souvins que ça énervait beaucoup mon père et là ils étaient devenus des hommes à part entière avec des business, avec des voitures, avec des belles familles, des belles maisons. 

[00:51:10] Lisette: Quelle belle histoire. 

[00:51:13] Claude Bennaroch: C'est vrai, c'est une histoire vraie. Ce sont donc euh, mes cousins. 

[00:51:17] Lisette: Alors en Israël parce qu'il étaient sépharades et il ont pas, il les ont pas donné les même...

[00:51:22] Claude Bennaroch: Ah ben ouais, ben on va pas parler de ça hein? On va pas faire la politique hein? Mais tout le monde sait qu'ils ont servis de chair à canon. Cette chère Golda Mayer, ça m'empêche pas d'admirer le femme qu'elle a été euh, mais pas trop les sépharades. Il fallait être ashkénaze pour euh, pour avoir un bon job. Pour euh...bon, chacun sa chance mais bon, peut-être que finalement elle leur a rendu service parce qu'aujourd'hui ils sont à l'égal. [00:51:52] Ils sont dans des postes importants dans les ministères, des très belles réussites euh...voilà. Il parait que l'être humain, il faut qu'il ait des épreuves pour grandir. 

[00:52:05] Lisette: Quel était l'opinion de votre famille sur le sionisme? Et l'état d'Israël?

[00:52:14] Claude Bennaroch: Figurez vous que j'hésite à vous raconter cette histoire mais avec le recul je la comprends toujours pas. Mon cousin qui était, enfin, le frère, le fils de ma tante qu'on aimait beaucoup, c'était une tante de laquelle on était très proche et qu'on aimait beaucoup, était dans, je vous dit, le sionisme et puis bon, il avait des copains. [00:52:44] De temps en temps il venait à la maison parce que sa mère était aller habiter en France. En tout cas, elle était pas au Maroc et donc il venait des fois, il dev - nous rendre visite et on l'aimait beaucoup et tout et tout. Je sais pas comment il est arrivé à convaincre mes parents d'envoyer ma sœur qui avait, mon dieu, elle devait avoir 13 and la pauvre, Vivianne. [00:53:13] Et...chose bizarre, elle s'est trouvée - un soir il est venu la chercher, elle est partie avec une valise, comme dans les films, et nous on pleurait. On comprenait pas et mon père nous disait, "Mais on va aller en Israël. On est [?] Israël, on va la rejoindre." Et puis je sais pas quel âge j'avais, en tout cas, elle est partie.

[00:53:39] Lisette: C'était quelle sœur?

[00:53:41] Claude Bennaroch: '45 - Vivianne. 

[00:53:47] Lisette: Alors la troisième? Quatrième?

[00:53:48] Claude Bennaroch: Quatrième. Et nous voilà [?], trois jours après la police vient sonner chez mes parents et on nous dit que, vous avez bien une fille qui s'appelle tel et tel? Sans passeport, sans rien, c'était des passeports collectifs hein? On avait pas de passeports hein? [00:54:11] Et...et là on a su que...il s'étaient faits, elle elle était dans une voiture, un taxi, je ne sais pas, avec d'autres personnes et on les avaient arrêtés à la frontière. 

[00:54:28] Lisette: Au Maroc?

[00:54:28] Claude Bennaroch:  Oui. Ils passaient par Tanger. Tanger, l'Espagne et après. On les avaient arrêtés. Sa voiture, la voiture dans laquelle elle se trouvait avait été arrêté et donc...c'est assez vague mais je crois pas qu'on ait eu des problèmes. Toujours est-il que ma sœur est réapparue trois jours après. On était très contents qu’elle soit là. 

[00:54:52] Lisette: Qu'elle soit revenue?

[00:54:54] Claude Bennaroch: Elle est revenue. Oui. 

[00:54:56] Lisette: Et fini? Elle est revenue. 

[00:54:57] Claude Bennaroch: Elle est revenue, elle est restée. 

[00:55:00] Lisette: Elle s'est mariée là?

[00:55:00] Claude Bennaroch: Oui, elle s'est mariée, elle a eu ses enfants, oui elle habite à Paris depuis euh, 40 ans maintenant. Oui. Et puis bon, cette histoire on s'en souvient mais...comme ça. [00:55:15] Après ça ma sœur Bella, elle avait 18 ans, elle est partie. Bon mais là c'était déjà une grande fille, elle était partie, elle avait 18 ans, ou elle s'est mariée là. Elle a eu ses enfants, elle habite à Eilat, elle est grand-mère. Et après me parents sont partis, en '68, quand moi j'ai immigré avec mon mari et Nathalie je, avec Nathalie à l'époque, elle avait trois ans. [00:55:44] Ici mes parents sont allés s'établir en Israël. 

[00:55:49] Lisette: Ils sont allés en Israël vos parents?

[00:55:51] Claude Bennaroch: Oui, mes parents ont habité Israël en '68. Ma mère est décédée [overlap]

[00:55:55] Lisette: ...les parents de votre mère qui sont allés en Israël.

[00:55:59] Claude Bennaroch: Oui, oui, ben la mère mais bon elle était décédé depuis longtemps lorsque mes parents sont allés. Mais on avait une grande tante. Ils ont habité Ashkelon, on avait une cousine, on avait quelques - deux cousines, quelques membres de la famille, oui, de ma mère et ma tante, ma tante la sœur de mon père aussi habitait là avec ses enfants qui avaient réussis parce que eux étaient partis je crois en '57, '58. Vous voyez? [00:56:30] Et là mes sœurs m'écrivaient euh, comme euh, elles étaient impressionnées de voir que Judah Nissim était devenu...euh, des gens riches alors c'était l'admiration et puis bon, quelque part c'est grâce à mon père que, les a obligé à partir euh, il a joué quand même un rôle dans tout ça et puis bon, mes parents sont arrivés et bon, immigrants. [00:57:00] Ils avaient des enfants, on leur a donné une petit maison à Ashkelon. Mon père je crois qu'il n'a jamais travaillé, bon continuer...

[00:57:08] Lisette: Il avait quel âge à l'époque? Quand il a...

[00:57:11] Claude Bennaroch: alors quel âge il avait? Il est né en 1908 et ils sont partis en '68, ah ben il avait 60 ans. Eh il était pas vieux hein?

[00:57:20] Lisette: Non. 

[00:57:21] Claude Bennaroch: Ah, bon, je sais qu'il faisait des petites affaires à droite à gauche mais sans...un...

[00:57:29] Lisette: Ils étaient heureux en Israël?

[00:57:31] Claude Bennaroch: C'était dur hein? Moi je leur envoyait de l’argent tous les mois, tous les mois, tous les mois. Et c'était dur. J'en vais des vêtements à mes sœurs. J'envoyais, nous on arrivait, on était jeunes on démarrait ici mais c'était dur l'Israël. J'allais les voir euh...c'était dur. Bon, mais ma mère est tombée malade très tôt. [00:57:58] Donc euh, ça été dur. Et après avec mon mari on a fait venir, me mère est décédé en '76, je crois qu'en '77 tout le monde est venu. Mon père, mes frères, mes sœurs, on les a aidés. 

[00:58:12] Lisette: Ils sont tous venus ici. 

[00:58:14] Claude Bennaroch: Oui. 

[00:58:15] Lisette: Que c'est beau. Parlez nous de votre mari. Comment vous vous êtes rencontrés? Comment vous vous êtes mariés? Non. Ok, mais vous vous êtes mariés au Maroc, vous aviez Nathalie au Maroc, oui6 Et vous êtes venus ici. 

[00:58:39] Lisette: Alors, avant de quitter le Maroc euh, est-ce que vous avez des voisins euh, non juifs. Est-ce que vous avez des rapports avec eux au Casablanca?

[00:58:50] Claude Bennaroch: Oui, j'ai une très bonne amie musulmane. J'en ai eu plusieurs. Euh, mon mari était un homme, un universaliste très ouvert. Donc contrairement à beaucoup de familles juives nous on avait des amis musulmans qui venaient diner à la maison. Avec lesquels on sortait vous voyez? Donc euh...[00:59:15] On était oui, et puis c'est lui qui m'a appris cette ouverture parce nous quand on était jeunes, évidement les arabes, qu'on les appelaient, il fallait pas, il fallait pas se mélanger avec eux. Je veux dire euh, c'était...c'était exclus parce que des fois on endentait dire que tel juive elle sort avec un arabe alors ça C'était la pire malédiction qui pouvait se produire dans une famille. [00:59:47] Donc nous on était avertis. Je veux dire, c'était même pas pensable une seconde et donc non, le arabes. Mais il faut dire que les années, moi je me suis mariée en '61...'62 oui, là déjà les, les arabes, j'aime pas, ça fait péjoratif mais bon, les, allaient donc dans les écoles. Mon mari avait fait de l'université. C'était un des rares d'ailleurs de sa génération qui avait eu les deux bacs. C'était très rare. [01:00:24] Ses parents avaient un commerce donc ils avaient, ils pouvaient se permettre de faire des longues études et don on fréquentait pour ainsi dire la classe, la bourgeoisie marocaine. C'était bon, des gens, instruits, bien sur, oui, on parlait qu'en français parce que bon l'arabe....

[01:00:49] Lisette: Non je veux dire des gens français.

[01:00:51] Claude Bennaroch: Ah oui, oui, on avait beaucoup d'amis français évidement. Oui, oui, oui, tout à fait. Oui. Oui, des amis que mon mari avait connu euh, sur les bancs de l'école qui sont restés donc, oui. Euh ses mais euh, à Casablanca y'avait aussi la bourgeoisie juive, y'avait des familles [téléphone sonne]. J'aurais du le fermer, je vais pas répondre. [téléphone sonne]

[01:01:25] Lisette: Alors vous, les amis, quand vous étiez au Casablanca avant de sortir vous aviez des amis euh, non juifs. Des français vous dites. 

[01:01:35] Claude Bennaroch: Des musulmanes. Oui, oui. 

[01:01:39] Lisette: Des chrétiens?

[01:01:40] Claude Bennaroch: Pardon?

[01:01:39] Lisette: Des chrétiens?

[01:01:41] Claude Bennaroch: Oui, bien sur. Oui, oui, oui, français, oui. Oui, oui, oui. 

[01:01:47] Lisette: Et dites, est-ce que vous avez continué à travailler ou est-ce que...?

[01:01:51] Claude Bennaroch: J'ai travaillé toute ma vie. J'ai travaillé - j'ai commencé à 16 ans, je crois j'avais 16 ans et je travaille encore grâce à dieu. Je sais pas faire autre chose que travailler. Mon mari me disait, "Tu es un boulot, un véritable boulot." Je suis arrivée ici en '68, j'ai travaillé immédiatement à l'université de Montréal à la faculté des arts et sciences. 

[01:02:17] Lisette: Qu'est-ce que vous avez été?

[01:02:18] Claude Bennaroch: J'étais, j'ai commencé comme secrétaire et après j'étais conseillère pédagogique. J'ai travaillé là 18 ans. Après ça j'ai ouvert un business de prêt à porter. Ma fille venait de se marier, elle habitait à Paris et bon, j'ai eu, euh, l'occa - le...saisi une occasion de, de business, le prêt-à-porter, les bijoux. [01:02:43] Et donc j’allais à Paris tous les mois, tous les deux mois pour acheter du stock et ça me permettait de voir euh, ma fille. Voilà. J'ai travaillé là et puis après j'ai été au [ped?] BGM et un jour j'ai rencontré la communauté juive que je ne connaissais pas ou...ou très vaguement. [01:03:03] On était venu me chercher pour euh...ah oui, parce qu'on est retournés,  en '91 ma deuxième fille s'est mariée, enfin, ils ont divorcés toutes les deux entre temps mais bon, et donc euh, on est retournés vivre au Maroc. Mon mari avait un, mon mari en fait a jamais aimé le Canada. Si je l'avais écouté, trois mois après on serait repartis. Je m'en repent quelquefois. Mais bon, la vie est ce qu'elle est. [01:03:36] Et donc on est retournés vivre au Maroc en '91 et parce que lui avait une belle opportunité puis il en avait marre des hivers, etc. Et donc moi j'ai quitté et puis je l'ai suivi. Sauf que je n'ai pas supporté le Maroc. J'ai tout détesté en vrac. Je suis quand même restée trois ans et je suis revenue. Apres, lui m'a rejoint. Je sais même pas pourquoi je vous dis ça. Ça n'a pas grande importance. 

[01:04:07] Lisette: Non mais c'est très intéressant, parce que vous aviez senti, au moins votre mari, a senti encore un attachement au Maroc. 

[01:04:18] Claude Bennaroch: Oui, oui. ah oui, il n'a jamais, bon, moi il faut dire j'étais plus jeune quand je suis arrivée donc j'ai été, bon...

[01:04:27] Lisette: Plus adaptée au Canada. 

[01:04:28] Claude Bennaroch: Ouais, plus adapté. 

[01:04:29] Lisette: Mais...

[01:04:29] Claude Bennaroch: Le froid me dérangeait pas, bon quand on est jeune on s'en fout. Il fait -20, il fait -30. Mais bon, lui c'était culturel également hein? Parce que vivre au Maroc c'est euh, je veux dire...

[01:04:44] Lisette: La vie est différente. 

[01:04:45] Claude Bennaroch: La vie est différente. On était 12 mois, pendant toute l'année, tous les jours à la plage. Lui faisait du sport et il aimait jouer au foot, les copains, les cartes. On avait un vie sociale très active et on, et pis bon euh, on vivait dans de bonnes conditions donc tout ça, ça nous manquait évidement. [01:05:12] Euh, on va dire qu'on était parmi les privilégiés. Bon, y'avait plusieurs classes sociale évidement parce que comme dan tous ces pays là la position sociale joue un grand rôle et puis la position sociale elle va avec les finances. 

[01:05:33] Lisette: Ah oui!

[01:05:34] Claude Bennaroch: Voila. Chez les juifs on le sait pertinemment euh, quand on rencontre quelqu'un on lui demande son prénom et puis tout de suite après qu'est-ce qu'il fait hein? Pour le situer. Bon ben, c'est un trait de caractère. 

[01:05:52] Lisette: Alors vous avez quitté le Maroc pourquoi à l'époque?

[01:05:56] Claude Bennaroch: Ah oui, euh, à l'époque en '68?

[01:05:58] Lisette: Non, oui, en '68. Vous avez quitté '68?

[01:06:02] Claude Bennaroch: Oui, oui, ben la guerre des Six Jours comme tout le monde. On s'est pas posés trop, trop de questions. Et puis euh, mon mari était à Paris, oui ça c'est passé un peu, ben pour cette histoire il faisait de, le maniement d'armes là.

[01:06:20] Lisette: Pardon?

[01:06:21] Claude Bennaroch: En tout cas. Mon mari, je vous ai dit qu'il était avec un groupe de sionistes. 

[01:06:26] Lisette: Oui. 

[01:06:26] Claude Bennaroch: Je sais même pas si mes filles le savent, je sais pas. Bref, ok, euh donc il était allé là. Il avait rencontré, on parlait vaguement du Canada puis il est allé à l'ambassade du Canada, il a fait les papiers, ben je crois que deux semaines après on avait les papiers. Et puis là j'ai dit bon ben qu'est-ce qu'on fait? Allez, partons. On est partis. 

[01:06:51] Lisette: Alors...

[01:06:52] Claude Bennaroch: Et oui, on est partis, on a vendu nos meubles à, on avait mis une annonce, je me rappelle et puis y'a un ministre qui était venu, un homme très haut placé et mon mari avait des collections de livres, il disait non, mais bon les collections de Teilhard de Chardin, tous les, enfin, les grands auteurs de l'époque et tout, et lui il avait été fasciné, il était analphabète, figurez vous. [01:07:19] Enfin, analphabète, pas une grande culture, j'exagère. Mais il était venu avec ses filles qui elles étaient, alors quand elles ont vu ces livres et tout ça et bon elle étaient comme impressionnées puis, mon mari était quelqu’un de très sociable. Il a - ils ont commencé à bavarder et lui, lui a dit, "Monsieur Bennaroch, pourquoi vous allez partir au Canada? Restez ici. Moi, voilà j'étais [inaudible] vous allez..." comme ça, spontanément. [01:07:52] Mis attendez, il a pas lâché hein? Pis bon, moi j'écoutais même pas. Ç m'intéressait pas parce que dans ma tête, ça y est, on était partis. Et après, le gars il venait tous les jours. Il a dit, "Je vous achète tout, donnez moi votre prix, il n'y a pas de problème. Ta ta ta. Mais restez Monsieur Bennaroch, je vous en prie, restez. Na na na." Et mois je disais mais il n'est pas - mais il est fou. Là il commençait à m'énerver et l'autre il venait et renchérissait tous les jours. Proposition en or. [01:08:24] Et moi j'ai dit, mais non, mais non. Bon. Je m'en suis repenté, croyez moi. Bon, eh ben, le gars nous a tout, tout, tout acheté. Et généreusement et voilà. Et quelque fois on a reparlé. Bon le début était pas facile ici hein?

[01:08:47] Lisette: Est-ce que vous avez jamais essayé de le, contacter cet homme qui vous a tout acheté?

[01:08:56] Claude Bennaroch: Non, mais il vivait euh, curieusement, mon beau-frère, l'a connu après. Je me rappelle pas si on l'a revu parce qu'on est allés quand même quelques fois au Maroc en vacances, on y allait. Ma sœur ainée habitait très longtemps le Maroc. Elle habitait dans une petite ville, Mohammédia, côtière très sympatrique avec euh, une belle villa, les enfants venaient aussi euh, c'était...[01:09:24] C'était  les belles années. Et je sais pas, peut-être qu'il était - je me rappelle pas. Je me rappelle pas toujours est il que, bon...

[01:09:35] Lisette: Et votre éducation, vous avez fini votre éducation à Casablanca. Qu'est-ce que vous avez étudié là?

[01:09:42] Claude Bennaroch: Ben, j'ai fait la littérature. J'ai toujours été très fascinée par les auteurs. 

[01:09:47] Lisette: Française. 

[01:09:48] Claude Bennaroch: Oui. Alors euh, j'ai fait un, un bac en littérature.

[01:09:55] Lisette: À l'université. 

[01:09:56] Claude Bennaroch: Et puis en même temps...

[01:09:58] Lisette: Et vous travailliez?

[01:10:00] Claude Bennaroch: Oui, oui, je - bien sur, oui je travaillais.

 [01:10:04] Lisette: En même temps. 

[01:10:04] Claude Bennaroch: J'allais juste aux examens, je m'absentais, oui, oui, parce que les examens avaient lieu dans une autre ville, à Marrakech. Alors j'allais avec mon groupe d'amis. En même temps ben, y'avait, c'était comme, je peux même pas appeler ça des cours du soir parce que c'était rien de structuré, je travaillais avec mes copines qui elles, allaient à l'école et puis j'avais des profs qui m'aimaient bien et qui acceptaient de me donner des cours gratuitement, gratuitement. [01:10:32] Y'était pas question de payer quoi que ce soit. Bon, alors ça été...oui. 

[01:10:44] Lisette: Euh, ok, alors, ok, vous avez quitté en '68, évidement. 

[01:10:55] Claude Bennaroch: C'est ça, oui. 

[01:10:57] Lisette: Est-ce que vous aviez des expériences de persécution ou de sentiment anti-juif au Maroc. 

[01:11:05] Claude Bennaroch: Franchement j'ai pas souvenir d'avoir eu ça, non. Je sais qu'on a, bon euh, pff, on avait peur des arabes. On sortait pas trop la nuit. Euh, on s'aventurait pas dans les quartiers peu surs et puis, bon, parce que, euh, évidement à l'époque on était jeunes donc les arabes, comme dans tous les, les papys arabes, ils voyaient une fille passer... [01:11:36] Alors on avait cette peur qu'ils viennent nous frapper. Des fois on entendait des choses euh, terribles. Donc on avait peur. On avait peur euh, et puis après, quand même, y'a eu, l'indépendance, oui, du Maroc. 

[01:11:55] Lisette: [inaudible]

[01:11:57] Claude Bennaroch: En '58. '58? '56.

[01:12:01] Lisette: '56. 

[01:12:01] Claude Bennaroch: Oui, avant l'indépendance d'Israël. Oui, alors là on avait très peur parce que wow, les arabes machin tout d'un coup on savait pas qu'est-ce qui nous attendait. Nous on était là avec les français sous le protectorat. Non pas que les français étaient tendres. Ils étaient pas tendre avec les juifs hein? C'était des anti-juifs alors eux, vraiment, j'ai des souvenirs, oui, vivaces. 

[01:12:25] Lisette: Qu'est-ce que vous vous souvenez?

[01:12:26] Claude Bennaroch: Non, c'est...comment dire? Ils régnaient en maitresse hein? Ben c'était conol - colonisateurs comme vous le savez. Dans toute l'Afrique du nord ça été le cas. Et nous on les gênait un peu parce que nous on était aussi l'intelligencia. Et les nôtres pouvaient prétendre à des postes importants parce que cultivés, parce que oui capables, etc. [01:13:00] Et les français, c'était eux qui avaient les postes les plus importants, c'était clair. Mais de temps en temps il y a avait aussi des juifs qui se glissaient dans les sociétés. Et là euh, ils n'aimaient pas ça. Ils n'aimaient pas ça et ils nous traitaient euh, ouais, ils nous traitaient pas comme des égaux. vous voyez ce que je veux dire? [01:13:23] Moi j'avais déjà vu mon père très ennuyé pour des peccadilles et je me souviens que...ça me révoltait. Mais en même temps, c'était eux qui détenaient les cordons de la bourse. C'était eux qui donnaient du travail alors mon père, quelque fois il était obligé de, de faire, d'avaler. Ouais, ouais, ouais. 

[01:13:50] Lisette: Et votre père est allé en Israël en quelle année encore?

[01:13:54] Claude Bennaroch: En '68. 

[01:13:55] Lisette: La même année que vous êtes venues ici. 

[01:13:58] Claude Bennaroch: Exactement. En même temps. On est partis en même temps, euh, du Maroc. 

[01:14:03] Lisette: Alors '67 y'avait la guerre. 

[01:14:04] Claude Bennaroch: Ouais. 

[01:14:05] Lisette: Alors vous commencez a vous sentir un peu mal à l'aise. 

[01:14:09] Claude Bennaroch: C'est ça. Oui, là y'avait un malaise puis y'avait euh, bon, on sentait l'animosité envers nous. On osait plus sortir euh, veut-veut pas, c'est des choses qu'on a vécus entre nous. Attention, ne vas pas là, ne sorts pas là, ne, tout juste aller travailler, rentrer. 

[01:14:30] Lisette: Est-ce qu'il y avait des incidents? Oui pas de vrais?

[01:14:32] Claude Bennaroch: Y'en avait mais bon euh, les médias n'étaient pas ce qu'ils sont aujourd'hui. C'était euh, pff, dans les quartiers alors y'avait tel. Ah oui, tel il a traité de sale juif. Il est allé, il a pas voulu lui vendre de pain. Des choses anodines mais qui dérangeaient le quotidien. Non, euh c'était pas drôle et puis les arabes carrément, ils pouvaient nous insulter dans la rue. 

[01:15:00] Lisette: Oui. 

[01:15:01] Claude Bennaroch: Vous voyez? Et nous courir après euh...avec des pierres. 

[01:15:05] Lisette: Oh là là. Est-ce qu'ils passaient aussi?

[01:15:08] Claude Bennaroch: Ben, moi je dois dire que nous on a pas souffert précisément de ce genre de chose. Mais on l'endentait, on le sentait, on...pas directement mais indirectement, oui on l'a vécu ça, c'est clair, oui. Euh, c'était une période très difficile, être juif en '67 à Casablanca. C'était pas évident. [01:15:30] Alors on se faisait petits, on euh, on sortait pas, on sortait moins. Mes parents disaient, non, non pas question de sortir. On avait des réunions, on allait se réunir dans ce DEJJ le samedi soir et puis bon...

[01:15:45] Lisette: Le derbe?

[01:15:47] Claude Bennaroch: Le DEJJ.

[01:15:47] Lisette: Le...le...

[01:15:48] Claude Bennaroch: Le DEJJ. Mais je crois que ça existe encore en France le DEJ 

[01:15:52] Lisette: C'était quoi?

[01:15:52] Claude Bennaroch: Le Département éducatif jeunesse juive. Voilà comment ça s'appelait. Wow, c'est vieux comme le monde, comme l'OSE, vous avez entendu parler l'OSE? L'OSE, un organisme juif euh, qui...attends, c'était quoi leur mandat? Euh...qui venait en aide aux juifs mais je sais plus dans quel - quelle était leur mission exacte. Mais je sais que encore aujourd'hui y'a le bal de l'OSE. Pas ici mais au Maroc. [01:16:24] Je me souviens que tous les ans y'avait le bal de l'OSE et à Paris, ils ont repris ça. C'est comme, comment s'appelle cet organisme juif, Nathalie en faisait partie euh à Paris...la Hadassah?

[01:16:38] Lisette: Hadassah?

[01:16:36] Claude Bennaroch: La hadassah. 

[01:16:40] Lisette: Oui, la hadassah. 

[01:16:41] Claude Bennaroch: La Hadassah et il y avait un autre organisme...

[01:16:42] Lisette: Le Wizo. 

[01:16:43] Claude Bennaroch: La Wizo bien sur. Bon bien la Wizo, non je dois dire que la Wizo j'ai connu ici, la Wizo. Euh, ouais, non, plus tard quand j'ai travaillé pour euh, la communauté juive. Oui. C'est à ce moment là que, oui, j'ai pris conscience de tous ces organismes comme le Crif également. Le Crif. 

[01:17:06] Lisette: Le Crif veut dire quoi?

[01:17:07] Claude Bennaroch: CRIF, Communauté de France...Communauté Israélite France...France quelque chose. Ouais. Le Crif, bne le Crif c'est l'équivalent de la fédération ici...à Paris. 

[01:17:26] Lisette: Ok. 

[01:17:27] Claude Bennaroch: Ouais, c'est là que sont regroupés tous les services communautaires, je, j'ai été leur rendre visite plusieurs fois. J'y ai des amis. 

[01:17:38] Lisette: Est-ce que vous êtes encore euh, vos, vos avec votre amie musulmane qui est...

[01:17:45] Claude Bennaroch: Ah oui, oui, bien sur [overlap].

[01:17:46] Lisette: En contact..

[01:17:47] Claude Bennaroch: Boushra, oui, oui, oui. tout à fait. Euh, je l'ai même invitée, elle est venue ici y'a quelques années chez moi à la maison. Je l'ai reçue entre temps. Elle s'est mariée, elle était beaucoup plus jeune que moi. Je crois qu'elle avait l'âge de ma fille mais bon, elle avait une belle amitié, tout ça. Oui. Et puis d'autres, d'autres euh, amis. Je suis retournée au Maroc set bien sur euh, je, je le vois. [01:18:13] On a même voyagé ensemble avec son mari. 

[01:18:16] Lisette: Vous retournez toujours au Maroc?

[01:18:19] Claude Bennaroch: Ben la dernière fois que je suis allée c'était y'a deux ans je crois. Mais je suis pas allée après - mon séjour, je suis pas allée pendant 15 ans et je suis retournée parce que j'ai une nièce, j'ai deux nièces même qui habitent le Maroc et puis elle faisaient la Bar Mitzvah de son fils, donc euh, j'y suis allée. Ouais. 

[01:18:37] Lisette: Et alors ils font les bar mitzvah en gros?

[01:18:41] Claude Bennaroch: Oh là là. dans des supers hôtels genre euh, euh, je sais pas moi, le Ritz Carleton, le Windsor. Non...[overlap] tout a changé. 

[01:18:53] Lisette: Les bar mitzvah de vos frères...

[01:18:55] Claude Bennaroch: Ouais, mais ça se passait à la maison, gentiment avec euh, euh...

[01:19:00] Lisette: Le rabbin. 

[01:19:00] Claude Bennaroch: Oui bien sur, bien sur. 

[01:19:03] Lisette: Et ils sont allés au synagogue?

[01:19:06] Claude Bennaroch: Oui. 

[01:19:06] Lisette: Et ils sont revenus à la maison. 

[01:19:07] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui, bien sur. Oui, oui. Oui. Mes deux frères ont fait l'armée en Israël, après ils sont venus ici. Oui. Mais ils étaient tout jeunes quand ils sont allés. C'est les derniers donc...

[01:19:23] Lisette: Ouais, ils sont allés avec vos parents. 

[01:19:25] Claude Bennaroch: Oui, voilà. Quand ma mère est décédée euh, on a fait amener ici mon père avec ceux qui étaient pas mariés, les jeunes, les plus jeunes. Maintenant tout le monde est...

[01:19:36] Lisette: toute votre famille est ici maintenant. 

[01:19:39] Claude Bennaroch: Non. J'ai une sœur à Paris, j'ai une sœur à Los Angeles et j'ai une, deux sœurs en Israël, et j'ai des nièces au Maroc, ma sœur, j'ai une sœur au Marco qui a fait Aliyah y'a six mois. 

[01:19:54] Lisette: Du Maroc. 

[01:19:54] Claude Bennaroch: Oui. 

[01:19:59] Lisette: Est-ce que vous avez abandonnée quoi que ce soit là bas?

[01:20:02] Claude Bennaroch: Non, non, rien. Vous parlez des biens matériels?

[01:20:08] Lisette: Oui. 

[01:20:08] Claude Bennaroch: Non rien. Non, non. 

[01:20:09] Lisette: Même la deuxième fois. Non, aucun problème. J'avais amené tous les meubles et je les ai tous remmenés. 

[01:20:19] Lisette: Vous avez amené là bas et vous avez tout, wow. 

[01:20:21] Claude Bennaroch: Ouais, une folie mais enfin. 

[01:20:24] Lisette: Euh, est-ce que vous avez des souvenirs de votre départ de, du Maroc, la première fois, ou la deuxième, à part le fait que le [inaudible] est venu assister à votre...

[01:20:36] Claude Bennaroch: Ah oui, oui, oui, ça c'est quelque chose dont on a reparlé des années après mais bon. Euh, des souvenirs bon, je saisi qu'on avait quitté Casa. Moi j'étais jamais allée à Paris donc on est allés à Paris chez la tante de mon mari. On est restés là un mois. [01:20:51] Et puis on a vu les amis. Mon mari avait beaucoup d'amis là et puis bon, on a fait la belle vie pendant un mois et après...

[01:20:59] Lisette: Là bas?

[01:21:00] Claude Bennaroch: Là bas, là bas. Et puis après euh, on a pris le bateau d'ailleurs pour venir ici. On est venus euh, par euh, South Hampton jusqu'à Québec, ouais. Mon mari n’aimait pas trop l'avion et puis on avait les billet set puis un jour il est rentré, il m'a dit, "J'ai changé les billets." Puis bon, c'était comme une croisière hein?[01:21:24] Très beau bateau de luxe et tout et tout. 

[01:21:27] Lisette: C'était l'été évidement. 

[01:21:30] Claude Bennaroch: Euh...non, On est arrivés ici en mars. Donc c'était l'hiver. 

[01:21:36] Lisette: Et comment c'était traverser l'atlantique?

[01:21:39] Claude Bennaroch: Ah oui, c'était magnifique parce qu'on brisait les glaces. C'est vrai. Le bateau brisait les glaces. C'était magnifique. Le, le capitaine nous a réveillé pour voir le spectacle en arrivant à Québec. Ouais. C'était très beau. 

[01:21:56] Lisette: Wow. Ça c'est une belle expérience. 

[01:22:00] Claude Bennaroch: Oui. 

[01:22:03] Lisette: Est-ce que vous aviez reçu un appui d'un organisation ici Sémite, JIAS ou quelque chose?

[01:22:11] Claude Bennaroch: Et bien figurez vous que lorsqu'on est arrivés on avait pas beaucoup d'argent hein? On avait, je sais pas. Je crois qu'on avait 1000 dollars. Et mon mari ne voulait pas parce que tous nos amis "Allez à la JIAS. Ils aident les nouveaux immigrants. Allez, allez." Et puis moi j'ai dit ais pourquoi pas? Ben il a dit non, C'est pour les gens qui n'ont rien. Nous on a mille dollars. À l'époque ça devait être beaucoup d'argent. [01:22:38] Mais bon, toujours est il qu'on a jamais eu d'aide. On, ils voulaient pas qu'on demande l'aide. Moi je voulais mais lui il voulait pas. Alors on a rien demandé puis on s'est débrouillés puis on a travaillé puis voilà. 

[01:22:51] Lisette: Et votre première impression de quand vous êtes arrivés au Canada, à Montréal, à Québec. Vous étiez en bateau, ça devrait être...et mars avec la glace. 

[01:23:05] Claude Bennaroch: Ouais, bon ben euh, à cet âge là vous savez y'a pas grand chose qui impressionne. Bon, on savait bien que c'était des horizons nouveaux qu'il fallait s'adapter, qu'il fallait, bon mais quelque part euh, à oui, y'avait une tante à mon mari qui était venue nous chercher, une tante. On avait habité chez elle quelques jours et puis après on a pris un appartement sur Plamondon. Plamondon. On est restés là je crois un an. [01:23:32] On avait que Nathalie, elle avait trois ans. Bien sur on l'a mise à l'école protestante comme tout le monde hein? On avait pas le choix hein? Et puis après on habitait Ville Mont-Royal, sur à Claude. On avait une amie qui habitait là donc on allait, on se regroupait, y'avait des, des amies du Maroc comme nous, avec des jeunes enfants et on a habité là je crois pendant bien 10 ans sinon plus. [01:24:01] D'ailleurs on a habité là tellement longtemps que après quand ma mère est décédée, que mon père est arrivé il a habité dans l'immeuble et j'ai une de mes sœurs aussi qui a habité. Bon, on s'est...on se regroupait et puis bon, on s'est mis au travail et une vie euh, sans histoires. 

[01:24:24] Lisette: Qu'est-ce qu'il faisait votre mari?

[01:24:27] Claude Bennaroch: Euh, mon mari était directeur de société. Et euh, ouais. 

[01:24:40] Lisette: Ok, et vous êtes venus, vous êtes allés euh, à l'université...

Oui, en arrivant j'ai travaillé à l'université de Montréal, oui, à la faculté des arts et sciences. Je suis restée là 18 ans comme je vous l'ai dit. Oui. 

[01:24:59] Lisette: Et à l'époque vous êtes allés en Israël quand?

[01:25:02] Claude Bennaroch: Alors euh, Laurence avait six mois, elle a 46 ans, euh...je suis allée… en '69. Non, je suis allée avec mes deux filles. 

[01:25:16] Lisette: Après...

[01:25:17] Claude Bennaroch: En '69 je suis allée. 

[01:25:20] Lisette: C'est que votre mari était associé avec les gens en Israël. 

[01:25:27] Claude Bennaroch: Mon mari?

[01:25:28] Lisette: Votre mari était avec les gens sionistes vous avez dit. 

[01:25:31] Claude Bennaroch: Ah non, mais ça c'était fini ça. Le sionisme euh, sitôt qu'on a quitté le Maroc ça été terminé. 

[01:25:37] Lisette: En '68. 

[01:25:37] Claude Bennaroch: Ah ben oui, bien sur. Parce que là bas il fallait sortir les juifs du Maroc mais on allait pas les sortir du Canada. 

[01:25:44] Lisette: Est-ce que vous savez combien de monde il a aidé à sortir?

[01:25:48] Claude Bennaroch: Non. Non, je sais pas mais...bon, comme je vous l'ai dit euh, il me l'a caché longtemps et après quand je l'ai su on était déjà de l'autre côté donc euh...

[01:26:01] Lisette: Vous êtes déjà...

[01:26:03] Claude Bennaroch: Ouais on était déjà là. 

[01:26:03] Lisette: C'était dangereux de faire ça chez vous?

[01:26:06] Claude Bennaroch: Mais bien sur. Y'avait des gens qui se faisaient arrêter et qui allaient en prison et qui étaient mal traités mais c'était très dangereux, bien sur. Mais parce qu'on avait pas le droit à cette époque. Les juifs on leur délivrait pas de passeport. On était bien entre guillemets par rapport aux autres pays arabes mais on vivait des restrictions également. 

[01:26:30] Lisette: Et comment vous êtes sortis si vous...

[01:26:32] Claude Bennaroch: Mais fallait connaitre un tel et un tel et graisser la patte à celui là , l'autre, et comme je vous dis, nous on était des privilégiés parce qu'on vivait, on avait des amis dans la bourgeoisie qui, des ministres qui occupaient des postes, alors on pouvait avoir les passeports mais euh, non, c'était pas, on pouvait pas sortir comme on voulait, ni...

[01:26:53] Lisette: Ah. 

[01:26:54] Claude Bennaroch: Ah ben ouin. Y'avait quand même, on était dans - des juifs dans un pays arabe avec des restrictions. Bon ce qu'ils racontent après que bon, ou avant plutôt, que le roi nous a épargné, qu'on a pendant la shoah que les Allemands, je sais pas. Aujourd'hui, même ça c'est controversé alors, allez savoir. 

[01:27:16] Lisette: Et le Vichy, est-ce que...

[01:27:18] Claude Bennaroch: Ben le Vichy c'était mes parents, les Vichy '42. Ouais, le Vichy oui, mon père il nous racontait qu'il avait euh, des bons pour aller chercher la nourriture, oui, tout était rationalisé. 

[01:27:36] Lisette: Et votre mère? Elle se rappelle de quelque chose?

[01:27:38] Claude Bennaroch: Et bien euh, oui, bien sur. Elle se rappelait de...euh, on a vécu des restrictions mais en même temps pour mon père je me rappelle qu'il disait que ça avait été des années fastueuses. Dans le sens où il faisait, je me rappelle plus quel genre de commerce mais nous on avait tout ce qu'il fallait parce que, vous savez, pendant, quand les gens étaient euh, quand on se contentait de la ration à laquelle on avait le droit, on allait pas très loin. [01:28:09] Donc mon père, je sais pas par quel subterfuge il est, il est arrivé à, à recevoir des bons et puis euh, de telle sorte que on manquait de rien. Euh, la viande, le beurre, vous voyez? Donc euh, oui mais en même temps euh, oui il fallait aller faire la queue pour les bons, pour les, en fait pour la plupart des gens en tout cas. 

[01:28:40] Lisette: Alors ici, pour s'adapter au circonstance sociales, financières, c'était une évolution?

[01:28:52] Claude Bennaroch: Ça c'est fait, je crois. Ça remonte quand même, '68 ça fait combien d'années? Ça fait 50 ans bientôt. Ouais, des fois, bon ben, ça n'a pas été simple, évidement mais bon. On a fait ce qu'on a pu. Ça été oui, ça été bien, je dirais avec, bon...quand même quelques aléas mais indépendamment de ça on vivait dans la communauté juive Marocaine, essentiellement. [01:29:27] Euh, moi comme je vous ai dit, mon mari a été quelqu'un de très, très ouvert. Quand j'ai travaillé à l'université de Montréal j'étais en mathématiques et là euh...on a eu beaucoup d'amis parmi les professeurs et c'était très, très, un département très cosmopolite. Et donc on s'invitait puis bon, mon mari, bon, et y'a un niveau intellectuel élevé, était évidement, pouvait fréquenter des gens de, de ce niveau là également qu'il aimait beaucoup et qu'il appréciait d'ailleurs. [01:30:08] Et donc on a eu des amis québécois, québécois, roumains, euh, algériens euh, c'était un département très cosmopolite comme je disais et donc - et lui a toujours cherché quand même à être en dehors de la communauté juive marocaine ta ta ta. Et il m'a donne le gout et moi aussi j'ai beaucoup aimé parce que c'était des gens différents avec des mœurs différentes, des traditions...[01:30:38] Une ouverture vers d'autres horizons, ce qui m'a beaucoup plus et qui m'a euh, oui, il m'a appris beaucoup de choses à ce niveau là. Puis c'était quelqu'un de très sensible et...

[01:31:10] Lisette: Ici pour vous, c'était une évolution sociale et professionnelle, vous considérez que vous avez évolué encore?

[01:31:19] Claude Bennaroch: Non, pas forcément. Pas forcément, je vais vous dire pourquoi. Parce que nous, mon mari et moi étions très attachés à la culture française. Nous, je vais vous dire, là je vous ai parlé de notre ministre mais ce que je vous ai pas dit c'est que...[01:31:41] En fait, lui et moi étions faits pour vivre en Europe et non pas en Amérique du Nord. Alors quelque part, euh, je dirais même que c'était rétrograde pour nous. Ça paraît prétentieux mais bon, euh, j'ai rien à prouver là. Nous aurions été mieux de par notre culture, de par nos affinités, de par nos lectures et notre euh, envie de, de vivre à l'européenne, vous aurions été mieux en France. [01:32:14] C'était clair et net. On a fait le choix de venir ici...quelque fois peut-être nous avons songé à retourner mais 

[audio glitch]

[01:32:29] Claude Bennaroch: Non, je disais que de par euh, euh notre culture, notre lecture, nos habitudes de vie et puis bon, on a eu une éducation française donc il était évident que nous aurions été plus heureux à mon avis, c'était sien aussi, mais nous avions choisi de vivre en Fr - en France, à Paris essentiellement. [01:32:56] Et bon, ça c'est pas produit et dire qu'ici socialement on s'est élevé non, je serais pas d'accord avec ça parce que y'avait beaucoup de choses qui nous manquaient. On a acheté, par exemple, les livre en français, mon mari lisait énormément et puis euh, bon euh, c'était pas...c'était pas accessible comme euh, je veux dire, Renaud-Bray n'existait même pas donc il fallait qu'on commande les livres. [01:33:26] Et c'était couteux parce que, bon, euh, l'importation, le transport, etc. Euh, voilà, et la culture, la cuisine également et tout ce qui entoure euh, je veux dire euh...Tout ce qui aurait été ce choix là. 

[01:33:48] Lisette: Et votre cuisine maintenant chez vous à la maison, qu'est-ce que vous faisiez?

[01:33:52] Claude Bennaroch: Maintenant on est tous euh, granola. Mon mari était très granola aussi d'ailleurs. 

[01:33:59] Lisette: Alors pas de...

[01:33:59] Claude Bennaroch: ah oui, quand même de temps en temps on se laisser aller hein?

[01:34:03] Lisette: Et c'est vous qui cuisine?

[01:34:04] Claude Bennaroch: Moi j'adore cuisiner.

[01:34:06] Lisette: Ouais? C'est magnifique. 

[01:34:11] Claude Bennaroch: Dites le à ma fille. Elle aime pas que je cuisine. 

[01:34:22] Lisette: Et c'était quoi le nom de votre magasin?

[01:34:27] Claude Bennaroch: Un affaire d'importation. Chan-elle, en deux mots. 

[01:34:32] Lisette: Ah, Chan-elle. 

[01:34:34] Claude Bennaroch: Chan-elle, la troisième personne du féminin oui. 

[01:34:38] Lisette: Et c'était où? C'était....

[01:34:39] Claude Bennaroch: 4200 St-Laurent. 

[01:34:43] Lisette: Ah bon. 

[01:34:44] Claude Bennaroch: Mais c'était dans l'immeuble des importations. 

[01:34:46] Lisette: Oui c'était un wholesale. 

[01:34:50] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui, bien sur, on vendait aux boutiques. Oui et aux copines évidement, bon  et le full wholesale de Montréal quand on c'était mis, ma sœur - bon ça c'est fait par hasard, ma sœur travaillait pour cette compagnie là et la dame, la propriétaire était une amie, une très bonne amie du [?]. [01:35:08] Puis elle a décidé d'aller s'établir à Los Angeles et bon, ma sœur m'a dit qu'est-ce que tu en penses? J'ai ok, pourquoi pas. Et puis voilà, on s'est retrouvées là. J'ai fait ça je crois deux ans, trois ans. C'était '78 à '80 quelque chose comme ça. Ça me permettait de voyager. 

[01:35:27] Lisette: Après ça vous avez gradué à faire...

[01:35:30] Claude Bennaroch: Oui, après ça je suis retournée, bon là ça été comme un expérience, on va dire qui me permettait de voyager, d'aller voir ma fille qui venait de s'établir à Paris, qui venait de se marier, tout ça. Et puis, puis voilà. Puis après je suis retournée, j'ai jamais eu de problème pour travailler, vraiment, jamais. Après je suis arrivée, j'ai été au PES BGM [?], vous savez qu'est-ce que c'est? La commission des écoles euh...des écoles protestantes. 

[01:36:02] Lisette: Bravo. 

[01:36:02] Claude Bennaroch: Voilà et puis après, et puis après j'ai atterri à la communauté. À mon retour du Maroc, là je vous ai dit qu'on est retournés quelques années au Maroc et donc après je...

[01:36:14] Lisette: La fédération?

[01:36:16] Claude Bennaroch: Ah non, ben oui dans, j'ai travaillé d'abord dans une agence de la fédération à la, Communauté sépharade du Québec. J'écrivais un journal là bas, comment il s'appelait? La voix sépharade. Alors moi j'écrivais pour ce journal. 

[01:36:32] Lisette: Wow!

[01:36:33] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui. Bien sur, et puis je suis restée là...

[01:36:38] Lisette: La voix sépharade existe toujours. 

[01:36:40] Claude Bennaroch: Existe toujours, ouais. Ben, on, ouais, ben y'a plus que trois ou quatre numéros, qui, qui paraissent parce que bon, le déficit, la la la, et puis tout en travaillant à la CSQ moi j'ai, je faisait du bénévolat euh, les appels. Et puis bon...

[01:37:00] Lisette: Pour la fédération. 

[01:37:01] Claude Bennaroch: Les appels pour la fédération. [overlap] La campagne sépharade de l'appel juif unifié. Voilà. Oui, oui, oui je travaillais pour la campagne sépharade et donc là ils sont venus me chercher, ils m'ont fait une bonne proposition, tout d'un coup j'avais $12 000 de plus alors ben, bien sur je suis allée, je me suis pas fait prier. [01:37:21] Et puis bon, là je dois dire que j'ai beaucoup, beaucoup aimé la cause et je me suis donnée à fond la caisse là pendant 20 ans, j'ai travaillé et j'ai - comme je vous dis, je me sentais gratifiée euh, et....voilà. Je suis une passionnée quand je fais quelque chose, je le fais bien ou pas du tout. Et là euh, bon, après j'ai...euh...[01:37:54] Voilà et j'ai arrêté en fait, en fait j'ai pris ma [téléphone sonne]...ma retraite au mois de mars. 

[01:38:00] Lisette: Mais non, cette année? Félicitations. 

[01:38:03] Claude Bennaroch: Mais j'ai pas fini de travailler, je me suis dit bon, je vais me reposer, je vais voyager, puis euh, une semaine après j’étais au travail. J'ai travaillé pour MADA. 

[01:38:12] Lisette: Pour MADA. 

[01:38:14] Claude Bennaroch: Les services communautaires juifs, oui. C'est moi qui ai organisé tout le gala là de 2016 qui a eu lieu de 7 juin...

[01:38:21] Lisette: Quel gala? Parlez moi de ça. 

[01:38:22] Claude Bennaroch: Le gala, tous les ans y'a un gala pour MADA. 

[01:38:26] Lisette: [inaudible]

[01:38:27] Claude Bennaroch: Ah oui. Vous connaissez MADA?

[01:38:29] Lisette: Mais bien sur. 

[01:38:30] Claude Bennaroch: Vous savez ce qu'on fait à MADA?

[01:38:31] Lisette: Oui, je sais. 

[01:38:33] Claude Bennaroch: [overlap] 350 repas à tous les jours. Tous les jours 350 repas. Tous les jours 120 repas que nous livrons dans les homes de vieillards et, et pour les personnes handicapées. 

[01:38:47] Lisette: C'est partie - il y a deux parties de MADA anglais-français ou c'est le même?

[01:38:52] Claude Bennaroch: Ah non, y'a qu'un MADA. Non, justement, MADA était plus connu pas les Ashkénaze et moi le directeur est venu me chercher. Y'a aussi, je le connaissais parce que je faisais du bénévolat là toutes les fêtes, j'allais servir les repas et cuisiner. J'amenais mon équipe de bénévoles, on faisait, on a fait des bar mitzvah, on a fait des mariages, on a fait des, oui, des brit millah.

[01:39:18] Lisette: Pour des gens qui n'ont pas des moyens. 

[01:39:19] Claude Bennaroch: Absolument. 

[01:39:21] Lisette: Vous l'aviez fait ou, dans quel [overlap]

[01:39:22] Claude Bennaroch: Pendant que, ben, ils étaient à Côte-des-Nieges maintenant ils ont déménagé. Y'a un donateur sépharade, je sais pas si tout ça, ça vous intéresse...

[01:39:33] Lisette: Oui, mais bien sur. C'est très intéressant. 

[01:39:35] Claude Bennaroch: Y'a un donateur sépharade...

[01:39:37] Lisette: C'est l'évolution qu'on parle après tout. 

[01:39:40] Claude Bennaroch: D'accord. Un donateur sépharade anonyme qui a donné un million de dollars et c'est ce qui a permis à l'organisme MADA de déménager au 6900 Décarie. 

[01:39:53] Lisette: Dans le...Décarie Square?

[01:39:55] Claude Bennaroch: Non. Sur Décarie, Décarie à l'angle de...

[01:40:01] Lisette: Paré, à peu près. 

[01:40:02] Claude Bennaroch: Quelque chose comme ça, mais c'est pas Paré. En tout cas, oui, on est là actuellement....

[01:40:06] Lisette: J'ai remarqué [overlap]

[01:40:08] Claude Bennaroch: 6900, des très beaux locaux et puis euh, qui, bien sur eh ben c'est un peu comme la fédération, y'a des donateurs donc comme je vous disait, ils sont venus me chercher pour euh, m'occuper du gala, ce que j'ai fait pendant quatre mois. 

[01:40:25] Lisette: Et vous allez...

[01:40:26] Claude Bennaroch: Et j'ai, et on a, mon mandat était d'amener les sépharade, de faire connaitre MADA aux sépharades, ce que j'ai fait, je crois très bien parce que nous avons pu ramasser $2.4 millions cette année versus euh...$350 000 les années précédentes. Non, je dis pas que euh, que c'est uniquement moi. Y'a eu d'autres personne qui se sont impliqués. Mais euh, j'ai fait découvrir MADA à des gros donateurs qui ont étés très généreux et je continue de le faire parce que j'ai encore des rendez-vous oui. C'est une cause aussi qui me tient à cœur, MADA. 

[01:41:15] Lisette: Alors c'est ça qu'on parle, l'évolution. Vous avez contribué beaucoup à [overlap]

[01:41:22] Claude Bennaroch: Bof...

[01:41:23] Lisette: À la société juive, à la société euh...vous avez beaucoup participé.

[01:41:28] Claude Bennaroch: Oui mais je dois dire que j'étais une professionnelle donc j'étais payé pour le faire. C'était mon travail. Mais bien sur que lorsqu'on travaille pour la communauté y'a une grande, grande, grande partie, trois fois, de bénévolat. [01:41:44] Parce qu'il est évident que dans le privé euh, on est mieux rémunéré. Mais c'est pas grave. Comme j'aimais la cause ça me dérangeait pas. J'ai été sollicité plusieurs fois pour aller, pour des organismes beau - où j'aurais pu avoir un salaire plus substantiel mais non, j'étais attachée à...

[01:42:06] Lisette: Alors vous devrez [overlap] très bien connue dans votre...

[01:42:10] Claude Bennaroch: Oui, j'étais, oui bien sur que je suis connue mais après ça bon, moi j'avais euh, MADA je leur avait dit, je vous fais le Gala puis après je vais voyager. Je veux partir bon, mais...

[01:42:25] Lisette: Très efficace et très capable et très sociale. 

[01:42:30] Claude Bennaroch: Sociale, oui. Oui, parce que je dois dire que une de mes forces c'est de savoir rallier les gens. Et moi je réussis [overlap] à rallier euh, entre 20 à 25 personnes tous les ans, tous le mardis que dieu faisait euh, de...aout, parce que aout c'était le lancement de la campagne jusqu'à janvier-février je réunissait les bénévoles, les bénévoles, donc gracieusement. 

[01:43:01] Lisette: Combien y'a t'il de bénévoles?

[01:43:03] Claude Bennaroch: De bénévoles?...Moi euh, on parle de...je veux pas dire de bêtises...peut-être 600-700. Peut-être plus. Mais moi je parle de la campagne Sépharade, hein? La campagne sépharade n'est pas la campagne, c'est pas la campagne générale. Nous on est une petite division dans la campagne Ashkénaze, la structure était là avant que nous, les sépharades, ne venions nous installer ici. [overlap] Pour vous donner une idée nous on ramasse $3 millions, $4 millions là on a déjà ramassé $4 millions et la campagne Ashkénaze ramasse, 37, 38 millions tous les ans 

[01:43:48] Lisette: Ici à Montréal? À Montréal?

[01:43:52] Claude Bennaroch: Mm-hm. 

[01:43:53] Lisette: Wow. 

[01:43:54] Claude Bennaroch: On vous a jamais sollicité madame pou le campagne?

[01:43:56] Lisette: Mais oui, mais ou non, on ne m'a pas sollicité mais c'est moi qui envoie. 

[01:44:01] Claude Bennaroch: Ah ouais. 

[01:44:02] Lisette: J'envoie de l'argent, j'amène des habits. ben maintenant ils sont un peu euh, ils préfèrent des habits très en très bon état. 

[01:44:15] Claude Bennaroch: Non, je crois que les vêtements, moi j'ai suggéré à MADA d'arrêter les vêtements, complètement. Parce que MADA c'était l'image que les gens avaient de MADA c'était les, les vêtements, les vieux vêtements. Non, maintenant on a MADA a un magasin sur St-Hubert avec des vêtements neufs, les grandes compagnies sur Chabanel euh, nous livrent des vêtements neufs. [01:44:41] Et là aux...bénéficiaires de MADA nous donnons des bons selon le nombre de personnes. Une famille avec cinq enfants euh, je vous dirait avec des enfants, on leur donne des bons et ils vont là,  ils rentrent comme dans une boutique, le personnel est, est comment dirais-je? Entrainé pour les recevoir comme si ils venaient dans une boutique et là ils choisissent ce qu'ils veulent. 

[01:45:10] Lisette: Et ils ont des bons pour....

[01:45:12] Claude Bennaroch: Ils ont les bons. Ils payent avec le bon. Évidement ce sont des bons délivrés par MADA et donc euh, mais c'est des vêtements neufs, tout est neuf. Les manteaux d'hiver, les bottes, les, les chapeaux, les, les robes...

[01:45:27] Lisette: Et les gens euh...

[01:45:36] Claude Bennaroch: Là je suis en train de vous faire la pub de MADA hein? Ça va?

[01:45:39] Lisette: Ben ça va. Vous êtes, vous faites un bénévolat. Vous faites quelque chose de magnifique euh, et c'est ça votre évolution. Votre, etc. Regardez ce que vous avez accompli ici. Peut-être à Paris ça aurait pas été aussi euh...vous savez rien. En tout cas, à Paris c'est eux qui veulent venir ici. 

[01:46:01] Claude Bennaroch: Oui, ça c'est vrai. On reçoit beaucoup de Français d'ailleurs hein? Y'a beaucoup de Français qui rentrent. 

[01:46:08] Lisette: Et ça, c'est ça qui est peut-être...Vous êtes ici pour recevoir des gens. [01:46:22] La dernière chose euh...

[01:46:25] Claude Bennaroch: Mais maintenant je dois vous dire que je.. euh, j'ai pas laissé tombé MADA parce que MADA voulait que je travaille à plein temps mais moi je me suis dit que, quand même il fallait que je me repose un peu que, bon, MADA c'est quelques heures par jours. [01:46:39] Et puis donc euh, j'ai pas fini MADA. J'ai pas été en Israël là, j'ai pas pu parce que maintenant je m'occupe d'un autre organisme juif qui s'appelle BANAV. BANAV c'est un centre d'études pour enfants qui ont des problèmes d'apprentissage. Là encore, gratuit. Les bureaux sont au Y et donc là euh, bon on m'a demandé mon aide et je suis là donc. 

[01:47:13] Lisette: Alors pour plus ou moins les réflexions maintenant. Vous avez conservé votre héritage sépharade? Lest traditions, célébrations, prières?

[01:47:23] Claude Bennaroch: Tout à fait. Tout à fait. 

[01:47:26] Lisette: Vous avez tout préservé. 

[01:47:27] Claude Bennaroch: Oui, oui, oui. Je suis traditionaliste. Je suis pas particulièrement religieuse, je n'aime pas ce terme mais je, bon, je suis traditionaliste. C'est à dire que je suis une juive moderne. Je pratique mon judaïsme comme nous le pratiquions au Maroc. Euh, pas d'excès, ni dans un sens, ni dans l'autre. Je mange au restaurant, je mange pas de viande, je...[01:47:56] Bon amis, autrement je vis euh, libre, une femme libre. Libre des contraintes. 

[01:48:05] Lisette: Et quel est l'élément le plus important de votre héritage sépharade, pou vous?

[01:48:11] Claude Bennaroch: Pour moi essentiellement la famille, les enfants, mes petits-enfants. 

[01:48:17] Lisette: Et comment décrivez vous votre identité culturelle? Vous êtes, juive, marocaine...

[01:48:26] Claude Bennaroch: Oh pas du tout marocaine. Je me considère comme juive à part entière. Juive avec un grand "J". C'est clair. Bien sûr. Israël. Une admiration sans bornes pour Israël. Et j'espère, j'espère pouvoir y aller, bientôt. 

[01:48:50] Lisette: Y vivre?

[01:48:51] Claude Bennaroch: Peut-être pas y vivre mais passer beaucoup de temps. Vraiment c'est...Oui, c'est un de mes désirs. J'ai œuvré beaucoup pour Israël parce qu'il est évident, quand je travaillais à la - bon, pour fédération les gens avaient - la possibilité de choisir où ils voulaient que leur argent aille. 

[01:49:18] Lisette: Est-ce que vous vous considérez une réfugiée, une immigrante. Comment vous vous...

[01:49:23] Claude Bennaroch: Réfugiée, mais pas du tout. 

[01:49:25] Lisette: Immigrante?

[01:49:26] Claude Bennaroch: Immigrante? Immigrante. Moi je trouve que nous, toute modestie mise à part, nous avons rendus beaucoup de grands services à ce pays qui nous a accueilli c'est vrai. Euh, Montréal était un village, nous avons apporté la culture, la mode, la cuisine. Nous avons contribué à l'épanouissement de ce pays sur le plan de la culture énormément. [01:50:00] Parce que, quand je vous parle de la fédération, il est évident que nous organisions beaucoup d'évènements, des évènements des toutes sortes avec des speakers très intéressants dans des domaines différents. Que ce soit euh, la chirurgie esthétique, euh, que ce soit l'histoire euh, en fait y'a pas beaucoup de, l'éducation, énormément, l'éducation. Donc nous avons euh un apport très important pour ce pays. [01:50:39] Euh, lors de...d'évènements officiels, d'ailleurs, bon, souvent, on invite les ministres que, que nous - du Québec ou du Fédéral également qui eux, me disent  haut et fort, ils sont reconnaissants à la communauté juive d'avoir enrichi ce pays. 

[01:51:02] Lisette: C'est magnifique. Euh, quelle identité voulez vous léguer à vos enfants?

[01:51:11] Claude Bennaroch: Juive, par dessus tout. 

[01:51:13] Lisette: Et quel endroit considérez vous chez vous?

[01:51:20] Claude Bennaroch: Hm...la question. Je dirais 50% ici et 50% Israël. 

[01:51:31] Lisette: Euh, quelle langues parlez vous avez vos enfants?

[01:51:35] Claude Bennaroch: Français. 

[01:51:37] Lisette: Quel impact l'expérience d'être ici a eu sur votre vie?

[01:51:50] Claude Bennaroch: Bon ben, j'y suis reconnaissante euh, à ce pays qui m'a permis d'évoluer, de faire mon chemin. D'avoir d'abord mes enfants, mes petits enfants, de les voir évoluer dans un pays euh, comment dire? Sécure. Oui. Et voilà. 

[01:52:18] Lisette: Etes-vous retourné? Oui. Finalement, quel message voulez vous partager avec les gens qui écouteront cette entrevue?

[01:52:40] Claude Bennaroch: Mon message...serait un message universel. Un message qui laisse place au partage, à l'amitié, à l'amour, aux grands sentiments. [01:53:08] Et...je veux quand même, je veux, sans restriction aucune, remercier ce pays qui nous a permis de vivre dans la paix et dans la sérénité euh, de pratiquer euh, nos...nos traditions sans, sans peur aucune et oui, et d'avoir, d'avoir euh, une vie paisible dans le respect et dans la sécurité. [01:53:42] Je veux ajouter que nous avons été des citoyens de première classe et...et oui, nous avons joué un grand rôle ici, ici à Montréal parce que nous avons étés les pionniers. Les premières années n'ont pas été faciles mais nous avons su garder nos traditions, traverser des moments difficiles, malgré tout et, aujourd'hui, euh, je dis, merci à Chem [?] de, de nous avoir permis de vivre jusque là dans, une vie paisible. 

[01:54:29] Lisette: C'est magnifique. Merci beaucoup. Est-ce que vous voulez donner un message à vos petits enfants?

[01:54:39] Claude Bennaroch: Mes petits-enfants, je leur souhaite...ah mon dieu, je sais pas si je vais trouver des mots assez puissants pour exprimer ce que je leur souhaite. Oui, je leur vivre en bons juifs. C'est ce que mon mari aurait dit. 

[01:55:05] Lisette: Merci beaucoup.