Sephardi Voices – Bob Abitbol Interview

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Interviewer : (holding slate) Bon, bonjour, je suis avec Sephardi Voices. Aujourd’hui l’interviewé est Bob (name) Abitbol. Nous sommes le 12 septembre 2016, à Montréal. Je mène l’interview; je suis Natalie (last name) et à la caméra nous avons Louis-Philippe Bessner.

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Natalie : Quel est votre nom complet?

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BA : Bonjour. Mon nom est Bob Abitbol, et pour des raisons professionnelles, j’ai ajouté il y a quelques années…au moins une trentaine d’années, le nom d’Oré, qui est le nom de ma compagnie. Donc, mon nom maintenant officiel, sur mon passeport et le nom de mes enfants, mais je suis le seul de ma famille qui s’appelle Bob Oré Abitbol. Mon nom à l’origine c’est Bob Abitbol.

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Natalie : Quelle est votre date de naissance?

BA : Je suis né en Décembre le 8, 1948.

Natalie : Où êtes-vous né? Quelle ville?

BA : À Casablanca, au Maroc

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Natalie : Bon d’abord merci d’avoir participé au projet Sephardi Voices

BA : Merci de m’avoir invité

Natalie : Pouvez-vous me dire quelque chose à propos des origines de votre famille?

BA : Ma famille, je pense, viens, puisqu’on fait des recherches actuellement, d’Espagne, plutôt. Une partie de ma famille vient aussi du côté berbère. Mais l’Espagne est prédominante, parce qu’on est d’une racine européenne. Mais 1.mon père est né à Fez. Ma grand-mère à Marrakech. Ma mère à Casablanca. Tout ce (word unclear?) est né au Maroc, mais ma famille vient, dans une partie des années de l’Inquisition, ma famille est venue de l’Espagne, et une partie est venue de Marrakech et d’une famille berbère. Notre famille principale, celle de ma mère s’appelle Malka (sp.) et celle de mon père, Abitbol. C’est une famille bien installée à Marrakech depuis bien des générations. Et Malka également, à Marrakech et à Casablanca.

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Interviewer : Donc, est-ce que vous pouvez nous dire quelque chose à propos de vos grands-parents, des souvenirs ou des anecdotes ou…de vos grands-parents, au Maroc?

BA : Oui. En fait, comme ça va venir plus tard, j’écris; je suis écrivain également, à part beaucoup de chose que je fais. Mais, uh, j’écris un petit peu à propos de mes grands-parents. Ma grand-mère, une femme merveilleuse qui s’appelait Miriam, et mon grand-père, qui s’appelait Abraham.

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BA : (Ils) se sont rencontrés par hasard. Du côté de Marrakech. Et se sont mariés d’une façon extraordinaire, à (name of town?), à quelques kilomètres dans le nord, près d’une vallée, dans une vallée heureuse, où un saint, un saint très très important, qui s’appelait (Schlomo?), le fils du serpent, est originaire.

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BA : Et ils se sont rencontrés là. Et par un hasard extraordinaire, ont réussis à se marier alors que quelqu’un d’autre est venu demandé sa main, à ma grand-mère, pratiquement en même temps. (Name), qui était venu, qui était un riche négociant alors que dans le temps mon père était un pauvre rabbin…démuni. Et quant il est arrivé, ah, à (Name of town) pour faire sa demande, l’autre était déjà là.

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BA : Mais le père de ma grand-mère a refusé le (name unclear) et a décidé de donner la main de sa fille, Miriam, à Abraham, et ils se sont mariés. Elle était fille unique—extraordinaire—et il était fils unique—extraordinaire—et les deux, ils ont eu dix enfants. Et de ces dix enfants, il y a eu 7 enfants de moyenne par famille. Ce qui fait 70. À la mort de ma grand-mère, qui était arrière-arrière grand-mère lorsqu’elle est morte, il y avait 450 à 500 personnes qui sont issus d’elle directement parce qu’elle s’est mariée d’une façon extraordinaire à 13 ans. Promise à 7 ans, mariée à 13 ans.

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BA : Et d’elle, on est aujourd’hui pratiquement 500-800-1000, je sais plus. Mais de sa naissance, de son marriage, à la fin, à sa mort en ’81-’82, elle a eu des petits, arrière-arrière petits-enfants à sa mort. Extraordinaire…Fils unique et fille unique…Mes grands-parents…

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Interviewer : Maternels? Est-ce qu’ils avaient des noms arabes aussi?

BA : Non. Ma grand-mère s’appelle Miriam, peut-être un nom arabe et juif. Mon grand-père s’appelait Abraham, ça peut pas être plus juif que ça.

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Interviewer : Et sur le côté paternel?

  1. BA : Du côté paternel—alors mon grand-père paternel (name?) a eu plusieurs femmes, parce que c’était permis. Il avait des concubines, non pas des concubines, des femmes mariée, donc il s’est marié avec une première femme, qui n’a pas réussi à avoir d’enfant, et il s’est marié avec une second, qui lui a fait des enfants, et avec une troisième qui lui a fait des enfants. Et une quatrième, qui lui a fait des enfants. Mon père est né de ce quatrième marriage. Et elle a eu Salomon, qui a eu le frère de mon père, et (name?), qui est le frère de mon père, et (name?), qui est la sœur de mon père. Mais qui sont, eux, nés à Fez, et il a eu d’autres enfants qui eux sont les demi-frères de mon père. Il en a eu plusieurs.

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Interviewer : Et avec des noms, euh,

BA : Toujours juifs, David, euh,(gives names). Ce sont des noms toujours strictement juifs et ils étaient tous très très traditionnel juifs et quelquefois religieux juif. Mon grand-père était rabbin, mon grand-père maternel, de métier.

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Interviewer : Est-ce que vous avez une idée pourquoi votre grand-père paternel avait tant de femmes?

BA : Mon grand-père? Mon grand-père, parce qu’il aimait ça…(laughter)

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Interviewer : Euh, pouvez-vous me dire quelque chose à propos de vos parents?

BA : Mes parents, alors, j’ai eu…j’ai eu des parents comme chacun va le dire, j’en suis certain, des parents exceptionnels, mais pourquoi?

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BA : Mon père, Simon, ne savait ni lire ni écrire. Et il est devenu relieur-imprimeur. Un métier où il fallait lire et écrire toute la journée. Mais il ne savait ni lire ni écrire; il écrivait l’hébreu, mais ne savait ni lire ni écrire le français. Il le parlait bien sûr, mais il ne l’écrivait pas, il ne le lisait pas.

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BA : Et donc, il a attendu que je revienne du lycée, parce qu’il devait faire les lettres en or, derrière les livres, et il fallait que je vérifie : les Trois mousquetaires…Dostoïevski, etc. pour que je vois bien si les lettres étaient bonnes, avant qui puisse les inscrire. Les lettres d’or derrière les livres. Et quand il finissait de faire le livre, j’avais 10-11 ans. Il me donnait le livre pour que j’aille le lire dans le grenier. Même si nous avions besoin d’argent comme nous étions une famille nombreuse comme toutes les familles juives à l’époque. On n’avait pas de télévision.

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BA : Alors il fallait qu’on fasse des enfants. Et, euh, mon père me donnait les livres à lire, ça fait que à l’âge de 9-10 ans, j’ai lu (French author), Balzac, j’ai lu Victor Hugo, j’ai lu Dostoïevski, j’ai lu les plus grands auteurs, j’avais 10-11 ans, ce qui fait que je suis devenu écrivain. Il était tout fier mon père, de voir son fils, qui lisait des auteurs aussi extraordinaires, alors que lui ne savait ni lire ni écrire.

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BA : Et ma mère? Ma mère était exceptionnelle. Mon père est mort jeune : il avait 53, 54 ans. Il a jamais été malade, et un jour, il est tombé comme un arbre, d’une crise cardiaque et il est parti, du jour au lendemain, le 13 septembre. Ça va faire exactement 45 ans qu’il est mort.

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BA : Nous étions tous très jeunes. Ma mère a reprit le flambeau. C’était une féministe exceptionnelle. Une femme de cœur, une femme de caractère. Une femme forte. Elle ne s’est jamais remariée. Elle avait sept enfants à la mort de mon père, donc un qui avait un ans, Michel le dernier, puisque mon père est mort en ’61, et mon frère Michel est né en ’60. Et elle a reprit le flambeau. Elle s’est occupée de nous. Elle nous a tous nourrit d’une façon formidable, elle s’est occupée de nous d’une façon formidable. C’était une femme exceptionnelle. Elle est morte récemment, et je la pleure encore aujourd’hui, parce que, tout le monde qui l’a connue, peuvent (peut) dire qu’elle était une femme hors du commun. Une femme de caractère, une femme formidable.

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Interviewer : Et comment est-ce que vos parents se sont rencontrés?

BA : Alors, un des demi-frères de mon père, David, avait les yeux bleus, était dans une espèce de (word?). Un (word?) est un endroit où, euh, on se réunissait traditionnellement, pour aller prier, sur les tombes et les mausolées, les grands saints, les grands rabbins. Et mon père, le frère de mon père, avec sa femme qui s’appelait Marie, voit ma future mère, tombe amoureuse d’elle, propose à ma grand-mère et à mon grand-père, de leur présenter mon père.

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BA : Et, euh, ma mère qui était une femme extrêmement intelligente, et cultivée, parce qu’elle fait l’alliance Israélite universelle, elle écrivait de manière impeccable, sans faire une faute d’orthographe alors qu’elle avait sept, huit ans, ou neuf ans de scolarité.

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BA : Mais l’enseignement de l’alliance israélite était tellement formidable, qui lui avait enseigné des bases exceptionnelles, donc elle était éduquée. Elle était instruite. Mon père ne savait ni lire ni écrire, alors imaginons cette rencontre un petit peu…inadéquate, c’est le moins qu’on puisse dire.

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BA : Mais il était très, très gentil, mon père. Très doux, une grande bonté. On voit ça dans ses yeux, son attitude humble, modeste, gentil. Comme vous pouvez voir un très bel homme, parce qu’on lui ressemble tous. Et, euh, elle a finit par se marier avec lui, alors qu’elle n’était pas amoureuse de lui, mais enfin c’était à l’époque où on écoutait ses parents. Et on faisait ce que nos parents nous disaient.

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BA : Et tout le monde avait adopté mon père, qui était généreux, qui était gentil, etc. Et qui lui avait promis une ketouba exceptionnelle! Donc ça l’avait un peu flattée, parce que je ne sais pas…des millions à l’époque. Ma mère a été flattée qui lui mette autant d’argent sur sa ketouba et elle a fini par le marier, heureusement pour nous, sinon on n’aurait pas été là aujourd’hui.

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Interviewer : Alors c’est en quelle année qu’ils se sont mariés?

BA : Euh, je le sais, parce qu’elle avait 17 ans, alors on va dire 1937, 1938.

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Interviewer : Et donc, le prénom de votre père, c’était?

BA : Le prénom c’était Simon; d’ailleurs le même que mon fils. Et le même que celui de mon neveu, et de mon autre neveu, et de mon autre neveu, parce que tous les premiers nés s’appelle du nom de leur grand-père et puis mes enfants s’appellent comme mon père.

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Interviewer : OK, donc (word unclear) il est né?

BA : À Fez, en 1907

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Interviewer : Et, son métier est donc relieur-imprimeur

BA : (nodding) Relieur-imprimeur. Oui, bookbinder

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Interviewer : Et le prénom de votre mère?

BA : Timone or Simone(sp?)

Interviewer : Née en?

BA : À Casablanca, en 1920

Interviewer : Et donc, son nom de jeune fille

BA : (reaching for water) Pardon?

Interviewer : Son nom de jeune fille était?

BA : Malka(sp?). Simone Malka(sp?)

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Interviewer : Et elle s’est mariée, elle avait quelle âge?

BA : 17 ans

Interviewer : Ok. Bon, et alors, qu’est-ce qu’elle faisait votre mère?

BA : Ben, ma mère, elle a fait des enfants très rapidement. La première, Jacqueline, que je n’ai pas nommée, qui est morte à l’âge de 4 ans et qui a été une horrible tragédie pour elle, parce que c’était sa première fille.

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BA : Elle a eu une méningite qui était courant à ce moment-là, y’a eu une espèce d’épidémie. Et elle a perdu sa première fille, qui s’appelait Jacqueline…elle a jamais pu l’oublier. Et je crois que les dernières paroles avant de partir…çà été le nom de sa fille, Jacqueline…elle a parlé d’elle, elle se couchait sous la couverture et elle pleurait comme ça…Malgré les sept enfants qu’elle a eu par la suite, sa fille Jacqueline n’a jamais, jamais, jamais quitté son souvenir, sa mémoire. Et elle a resté profondément accrochée à cette première fille, qui était géniale évidemment, puisqu’elle n’était pas là pour lui montrer ses défauts, mais que ses qualités fabuleuses. Puis ensuite, il y a eu Marc, Mireille, etc.

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Interviewer : Donc elle s’occupait…elle était mère au foyer

BA : Au départ. Et après elle est venue travailler avec mon père, parce que, mon père, comme je l’ai dit, était un homme très travailleur, formidable, mais en même temps, pas ambitieux, comme ma mère. Elle l’était profondément.

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BA : Et donc, elle a reprit le business avec mon père. Elle l’a fait prospérer. Elle l’a retravailler, et on est devenu une famille aisée. Plutôt, euh, une famille bourgeoises, grâce à elle, parce qu’elle était commerçante.

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Interviewer : Est-ce que vous pouvez parler, vous les entendiez parler du gouvernement Vichy, de la guerre?

BA : Non, pas beaucoup. Ce n’était pas un sujet, puisqu’on était…on est né nous dans les années cinquante. La guerre était déjà passée. Quand on les a entendu parler? Pas dans mon souvenir.

Interviewer : Alors parlez-nous de vos frères et sœurs…Jacqueline…

BA : Alors mes frères, euh, Jacqueline j’en ai parlé…bon il y a eu Marc, malheureusement, il vient de décédé là il y a un mois et demi, deux mois.

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BA : Il y a eu Mirelle, qui est ma sœur unique, et ensuite, que des garçons. Moi, Armand, Daniel, Charles et Michel, nous sommes tous des garçons et tout le monde travaille et tout le monde a fait des études, et tout le monde est juif traditionnel.

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Interviewer : Et vous aviez une bonne relation en grandissant?

BA : Euh, oui, encore que mois j’ai quitté très, très jeune. J’avais 16-17 ans quand j’ai quitté Casablanca pour Paris. Juste après la mort de mon père. Quelques mois après. J’ai décidé…ma mère avait 6-7 enfants, et moi j’avait, et on en parlera si vous voulez, été scout et éclaireur. Donc j’étais débrouillard! Alors avec mon sac au dos, je suis parti en autostop et je suis arrivé à Paris, j’avais 16 ans, 16 ans et demi. J’ai vécu 5 ans là-bas, et après j’ai fais l’expérience canadienne. Mais j’ai vécu 5 ans à Paris.

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Interviewer : Parlez-vous de votre expérience de scout, si vous voulez bien?

BA : Alors, comme scout j’ai commencé très jeune, et j’étais très fier. Mon frère Marc était déjà chef de patrouille etc. et avait un rôle important…il a 5-6 ans de plus que moi. Et quand je suis entré j’ai adoré cette vie de scout, et j’étais le plus jeune éclaireur du Maroc, j’avais 10 ans et demi; il fallait avoir 13 normalement. Mais moi, j’étais louveteau de 6 à 10 ans, et à 10 ans et demi, je suis devenu éclaireur, et la mascotte de la (word unclear). Donc, ça m’a permis d’aller voyager, d’aller à (city name), d’aller à (city name), d’aller à Fez, de faire des voyages, ce qui m’a, d’abord on était débrouillard d’origine, mes frères et moi, mais cette expérience et ces expériences, nous on permis, le moment voulu, de prendre des décisions, et aller à l’aventure.

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BA : Parce que ma mère, de nous laisser partir à quatorze quinze ou seize ans d’aller à Paris, mais c’est la folie! Ma mère n’avait pas peur, elle avait confiance en nous. Et elle nous a laissé partir, elle m’a laissé partir, en tout cas. Ensuite, mes autres frères, ont fait des expériences israéliennes etc., mais moi, j’étais tout seul à Paris, et j’étais le premier de ma famille à faire ce genre de voyage, après mon frère est allé en Israel en voyage etc.

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Interviewer : Alors, est-ce que vous voulez de vos premiers souvenirs de où vous avez grandi?

BA : À Casablanca, vous voulez dire?

Interviewer : Ouais

BA : Bon, comme je vous l’ai dis, je suis écrivain, donc j’écris beaucoup sur ce, euh, ce parcours de jeunesse. Je fais beaucoup, j’écris cinq livres sur ces différents sujets, à travers des romans ou à travers des nouvelles. Je raconte ces différentes étapes de ma vie, comme quand j’étais tout jeune à la rentrée, quand j’étais plus vieux, jours d’été, jours de plages, je raconte les différentes anecdotes de moi qui me font aujourd’hui.

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BA : Je vais vous dire un poème si vous le voulez bien, qui raconte un petit peu mon rapport avec le Maroc. On va couper mon bavardage avec ceci :

  1. 00 :18 :51 :15

BA : On est toujours de son pays / Quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse / On traine toujours sa nostalgie, où que l’on vive, où que l’on passe / Je suis un escargot, je porte ma maison, je vais de ville en ville, pour chanter mes chansons, je n’ai plus peur du tout, je n’ai plus peur de rien, s’il pleut sur ma route, je change de chemin. Ainsi qu’un écureuil, je garde comme des noix, des souvenirs d’aujourd’hui, d’autrefois, j’emporte dans mes valises, un peu de mes amis, j’emporte dans mes valises un peu de chaque pays, ainsi comme une colombe je porte tour à tour, mais rêves de à mes espoirs, comme une histoire d’amour, je n’ai plus peur du tout, je n’ai plus peur de rien, s’il pleut sur ma route, je change de chemin. Ainsi une hirondelle, je porte sous mes ailes un peu de mon pays, on est toujours de son pays, quoi que l’on dise, quoi que l’on fasse, on traine toujours sa nostalgie, où que l’on vive, où que l’on passe. Jamais, jamais ça ne s’oublie, on est toujours, on est toujours de son pays.

Alors, voilà mon poème

Interviewer : Merci, merci. Très, très beau. Très beau.

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Interviewer : Alors est-ce que vous avez des anecdotes sur les parents, les amis, le shabat, les fêtes…

BA : Je vais dire que, dans toutes les familles juives en générale, et dans la nôtre (word unclear), le shabat était extrêmement important! Pour nous, pour qu’on maintienne ce judaisme. Chaque vendredi, régulièrement, pendant des années, à part quand j’étais ailleurs, à Paris ou ailleurs à Montréal, le vendredi a été absolument respecté chez nous, le shabat. Chez ma mère, la plupart des fois, parce qu’elle tenait à ce qu’on vienne chez elle, qu’elle fasse le shabat, qu’elle nous fasse le poisson, qu’elle nous fasse tous les plats que nous aimions, et nous nous réunissons chez elle, et c’est ce qui réunit les familles juives, et c’est ce qui les maintient, de parler autour de la table, de créer cette connexion, d’être Juif, de façon effective et réel, et le shabat créer ça, plus que les autres fête bien sûr il y a le Rosh Hashana et 12. Yom Kippur et tout ça, mais le Shabat est extrêmement important pour maintenir nos traditions, notre culture, notre attachement au judaisme, notre attachement au Maroc, notre attachement à notre famille. Et tous ça réunit, devient extrêmement important pour nous et on l’a maintenu, encore jusqu’à aujourd’hui.

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Interviewer : Et vous alliez à la synagogue au shabat?

BA : Pas tout le temps, mais chaque fois que j’ai pu, je l’ai fais. Je ne suis pas très, très religieux, mais aujourd’hui j’adore aler, euh, surtout le samedi, plus que le vendredi soir.

Interviewer : Au Maroc?

BA : Au Maroc. Oui, oui au Maroc avec mon père, tout le temps.

Interviewer : Et (quelle?) synagogue?

BA : Euh, oui, nous étions plusieurs synagogues, euh, nous avions une sur notre rue rue qui s’appelais Benaroche, quand on a (word?) déménagé sur (name of street?), et ensuite, on allait une fois de temps en temps pour aller fêter les bar mitzvah et tous etc à la synagogue algérienne qui s’appelle (name). C’est les 3 synagogues que nous fréquentions.

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BA : Mon grand-père était rabbin, n’oubliez pas!

Interviewer : Ouais. Est-ce que vous alliez au souk, faire des emplette?

BA : Ah ouais, avec ma mère, on allait au marché tout le temps. Et ma mère elle faisait le marché, elle prenait un de ses enfants pour supporter les sacs au début. Après ça elle prenait un porteur, mais au début c’était nous, qui portait les sacs.

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Interviewer : Euh, ok donc, euh, pouvez-nous nous décrire un peu où vous avez grandi, euh, les milieux sociaux de vos parents, qui fait que …

BA : Alors, ma mère, comme la plupart des Juifs à Casablanca, vivait au mellah, pendant des années des années. Après le mariage de ma mère, elle a été une des premières familles à sortir, à s’installer dans les quartiers européens, on va dire. Parce que, les Français quand ils sont arrivés, on créé une scission entre les Juifs et les Arabes, volontairement ou pas.

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BA : C’etait une façon de diviser pour régner. Et je vous dis pourquoi :les Juifs parlaient français, donc c’est grâce à l’alliance israélite universelle, donc ils on pu communiquer avec eu, les arabes il ne pouvait pas le faire avec, mais ils le pouvaient le faire avec les Juifs qui pouvaient parler français. Donc, les métiers de banques, les métiers de l’administration où ne pouvaient pas entrer les Français parce que n’oubliez pas qu’au Maroc il est un sous-protectorat maroccains, comme en Algérie, comme un colonie, mais un protectorat avec des policiers Français dans la rue, l’administration française, et tout le gouvernement en fait, était dirigé par les Français, avec un, euh, puppet king, qui a une résidence générale, comme un gouverneur général ici, qui était ligoté (?) et ou autre chose, et donc ils ont volontairement ou pas, créé cette division, et donc, les Juifs se sont petit à petit enbourgeoisés, sont partis dans les quartiers européens et ma mère a atteri Rue des Italiens, qui est une rue exceptionnelle, parce que toute la rue pratiquement est devenus juive, quand la rue (name of street), Place de Verdun ,et les petites rues qui étaient à côté et tout le quartier est devenu….juif. Le mellah en dehors du mellah qui n’était plus le mellah! Et ça, ma mère a été une des premières à le faire, dans les années 37-38. Avant la guerre.

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Interviewer : Alors vos amis, les amis de vos parents, c’était des Juifs, des non-Juifs?

4.BA : Très longtemps on a pensé que, mois j’ai pensé qu’il n’y avait pas d’Arabes au Maroc. À part ma bonne, qui venait, et quelques Arabes qu’on voyait qui vendait, euh, les légumes, le poisson, qui passaient. On avait l’impression qu’on vivait dans un quartier où il n’ avait que des Juifs! Plus loin il y avait des Espagnols. Un peu plus loin il y avait des Italiens. C’était une ville extrêmement cosmopolite.

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BA : Et éclectique. Donc on vivait dans un…à l’école des les petits Juifs, 100 pourcent! À l’école (names of schools), toutes les écoles y étaient de l’alliance israélite. C’était 100 pourcent Juif, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui, mais qui était le cas avant. Et notre quartier c’était surtout des petits Européens, et très peu d’Arabes.

00 :25 :30 :22

BA : Mais notre bonne était Arabe, et mois je parlais un petit peu l’arabe, vu que j’étais curieux et j’ai pris des cours d’arabe, etc.

Interviewer : Est-ce que vous aviez des amis musulmans, chrétiens?

BA : On avait quelques amis musulmans qui habitaient pas loin de nous. (Arabic name here). Notre voisin qui était propriétaire (Arabic name here). On avait des rapports très, très bien, très, très bons avec eux.

Interviewer : Vous vous fréquentiez…

BA : On se fréquentait pas vraiment, mais

Interviewer : Vous n’alliez pas les uns chez les autres?

BA : Non. Ma mère était amis avec les (Arabic name) et était amie avec…euh, tous les enfants. On n’était pas…un p’tit peu, je ne veux pas dire non, mais je peux pas dire oui.

Interviewer : Mais est-ce qu’elle recevait ces gens?

BA : Est-ce qu’elle recevait…oui. Elle recevait et était reçue par eux.

Interviewer : Et les chrétiens? Est-ce qu’elle recevait les chrétiens?

BA : (nodding no) Non, pratiquement pas. Les Arabes oui…enfin les musulmans.

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Interviewer : Vous parliez quoi, quelle langue à la maison?

BA : Je parlais surtout français. Ma mère elle parlait quelquefois l’arabe avec mon père pour qu’on comprenne pas, mais on a finit par comprendre…parce que les enfants comprennent toujours.

Interviewer : Est-ce qu’il y avait des expressions que vous utilisiez en famille?

BA : Comment?

Interviewer : Vos expressions.

BA : Ah oui, ma mère (arabic or jewish words here?). Elle priait, elle les insultait aussi, les deux! Les insultes et les bénédictions en arabe!

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Interviewer : Ok. Et donc avec des non-Juifs, vous parliez quoi la plupart du temps?

BA : En français pratiquement tout le temps.

Interviewer : Quelle était le nom de l’école que vous avez fréquentée?

BA : Alors, comme je l’ai dit, mois j’étais à l’école (name), qui était une école de l’alliance, par la suite j’étais au petit lycée, ensuite j’étais au lycée (name of school). Ma première école…(set gets noisy)

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Other speaker : Je n’ai pas réalisé que (inaudible)

BA : Mais il faut lui dire (inaudible words). She knows me, she knows me, she used to buy from me….Yeah…of course

00 :28 :00 :19

BA : (while there’s background noise/talking) I’m the fashion king.

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Interviewer : OK, alors, euh, vous avez des souvenirs à partager avec nous au sujet de votre scolarité?

BA : Ben…un souvenir en particulier. Bien sûr, j’en ai beaucoup. Mais un en particulier, j’avais une institutrice, en classe de fin d’études primaires, qui s’appelait Mlle (Siddi? Sp?). Une femme qui venait de Turquie. Très digne. Très belle. Avec un regard…très sévère, bleu. Qui était une femme extraordinaire.

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BA : Elle prenait ces enfants que nous étions, et elle les transformait. Comme si elle avait du verre quelconque et qu’elle soufflait dessue et qu’elle faisait un vase magnifique. Tellement elle était capable de changer la mentalité de ses jeunes qu’elles avait, qui avaient entre 10 et 14 ans! Comme c’était mon cas, j’avais 10 ans, la classe, c’était le certificat d’étude, fin d’études primaires. Et elle prenait ces gens, et elle leur donnait un sens de vie.

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BA : Beaucoup de gens sont sortis de sa classe, et sont devenue des sommités. Certains sont devenus docteurs, d’autres des architectes, d’autres, chefs d’entreprises. Mais elle avait le pouvoir de transformer ces jeunes et de leur donner un sens de vie. Purpose in their lives. Et, ces enfants ont été différents; je sais, moi, j’étais différent après sa classe. Je sais que tous les enfants qui étaient là, on été différents après sa classe. Elle transformait les vies. Après ça, j’ai fais le lycée, j’ai eu d’autres professeurs plus ou moins bons, mais elle a été l’institutrice la plus extraordinaire que j’ai connu de ma vie, et tous ceux qui l’on connue, ils diront la même chose que moi.

00 :30 :02 :07

Interviewer : Une Française d’origine?

BA : Elle était Turque d’origine. Il y avait beaucoup de professeurs turques au Maroc, qui venaient enseigner, (lists names), le directeur de l’école, Monsieur (name). Enfin, y’avait pas mal de turque qui venait, comme ils était sépharade d’origine. Ils venaient au Maroc, et ils enseignaient—ils étaient d’excellents professeurs, en général, je parle de celle que j’ai connue, que j’ai aimée, que je respecte et que j’aime encore.

00 :30 :34 :10

Interviewer : OK, donc, vous faisiez partie de groupes sociaux sportifs d’où on a parlé de…

BA : D’être éclaireur, oui. Bien sûr.

Interviewer : D’autres groupes sociaux?

BA : Ben, on faisait les sports de jeunes, comme un peu de basket. À l’école bien sûr on faisait de la gymnastique, euh, voilà parce que ça faisait partie du curriculum, en tout case, au lycée, où nous faisions des exercices régulièrement.

00 :30 :52 :02 :

Interviewer : Et c’est sports et ces groupes sociaux, c’était surtout entre Juifs?

BA : Bien, chez les éclaireurs, bien sûr. On était entre Juifs bien sûr, d’ailleurs ça s’appelait Éclaireurs israélites du Maroc. EIM. EIF d’abord, Éclaireurs israélites de France, et par la suite, c’est devenu Éclaireurs israélites du Maroc. Moi je faisais partie de la troupe (word unclear), mais il y avait la troupe (name), la troupe (name), il y avait plusieurs troupes et je, nous n’étions pas le seul, euh, la seule troupe. Mais, il y en avait plusieurs, et c’était toujours Juifs entre nous.

00 :31 :30 :06

Interviewer : Donc, est-ce qui avait une connexion au sionisme?

BA : Au sionisme? Euh, elle était…comment dirais-je en français, elle était là. On faisait les chants hébreu, on chantait en hébreu, Israel était tout pour nous…c’était, c’était…ça faisait de notre, de nos fibres. Ce n’est pas quelque chose qu’on nous a inculqué, c’était quelque chose que nous avions. Chez nous, Juif. L’école, Juif. Les scouts, Juifs. Alors, il y avait du Judaisme comme un buvait de l’eau.

00 :32 :06 :16

BA : Ce n’était pas quelque chose qu’on nous imposait. C’était quelque chose de naturel. On le vivait naturellement.

00 :32 :14 :13

Interviewer : OK. Donc, euh, alors vous voulez nous parler du quartier où vous avez grandi?

BA : Mon quartier était extraordinaire, comme j’ai dis, parce que si je m’appelle Mlle Siddi(sp?) qui était en tout cas un institutrice exceptionnelle, notre rue était aussi une rue d’émulation. Pourquoi? Je sais pas. Mais cette rue est devenue une rue magique. Tous ceux qui on vécu sur cette rue, (names) Lacépède, Place du Verdun, etc. tous ceux dans ce quartier là, vous diront que c’était une rue magique. Pourquoi? Parce que là encore, docteurs, architectes, hommes d’affaires, j’ai vu très, très peu de gens qui sont sortis de la rue Lacépède qui n’ont pas réussi leur vie.

00 :32 :56 :12

BA : Même s’ils étaient directeur de clubs, ils étaient des bons directeurs de clubs. Il y avait une émulation entre tous ces jeunes, une envie de réussir, poussée par les parents. Et les marocains ils veulent avoir des grandes familles, parce qu’il va en avoir au moins un qui va réussir! Mais en fait, il a eu une émulation entre ces jeunes, un qui jouait la guitare, hop, tout de suite, l’autre il jouait la guitare. L’autre il était premier de classe, l’autre aussi voulait être premier de classe.

00 :33 :25 :16

BA : Et pour parler de moi, moi j’étais l’écrivain public de la rue! Parce que j’écrivais les rédactions pour l’un et pour l’autre et je me faisais payer. Or j’étais businessman. Mais j’étais, en réalité je veux dire, que la rue a été une rue d’enfants, filles et garçons, qui ont, en général, et je mets des guillemets partout, réussi leur vie et ils ont fait quelque chose de leur vie, dans leur famille, dans leurs affaires, dans leur métier.

  1. 00 :33 :54 :17

Interviewer : Donc votre quartier il était intégré? Ségrégé?

BA : Euh, comme j’ai dis, il y avait Arabes et Juifs, qui vivait là-dedans. On avait, on avait, même si c’était un rapport, euh, éphémère avec eux, avec la bonne, avec le gars qui nous vendait les légumes dans la rue, avec les (name) qui venaient jouer les (instruments). Notre rue c’était comme un cirque. On avait le samedi, des gens qui faisait jouer, qui chantait, qui dansait, des acrobates, c’était une rue extraordinaire honnêtement! On en parle beaucoup dans mes livres parce que c’était une rue différente des autres rues de Casablanca.

00 :34 :31 :08

BA : Il y a eu des rues françaises « françaises ». L’horloge, l’avenue (?), etc. Mais notre petite rue, c’était comme sortie du mellah et incrusté dans le quartier européen, mais resté encore avec une esprit de tribu, n’est-ce pas? Esprit d’être ensemble. D’échanger des plats. Ma mère elle envoyer le couscous à sa copine quand elle le faisait. Elle recevait un plat le lendemain. Il y avait cet échange et il y avait ce voisinage de qualité, que nous connaissons pas nul part ailleurs, mais que là on vivait normalement, tous les jours.

Interviewer : Alors, est-ce que vos parents ou grands-parents jouaient-ils un rôle particulier dans la communauté?

BA : Ben, mon grand-père maternel était rabbin, donc bien sûr il faisait ce métier, donc d’emblée dans ce genre de chose. Mon père par son métier et, mais encore une fois, il était, c’était une communauté…automatique. C’était pas quelque chose d’organisée. Mais c’était quand même organisé.

00 :35 :46 :19

BA : Viscéralement. Voilà ce que je voudrais dire.

Interviewer : Et est-ce qui avait un protocole social dans votre famille?

BA : Pardon?

Interviewer : Un protocole social dans votre famille, la place des parents…

BA : Ah oui. Ah oui, bien sûr. Mais c’était encore une fois automatique. Y’avait pas de discussions.

00 :36 :05 :16

Interviewer : Donc y’avait pas de discussions, les parents…

BA : Non, les parents étaient les parents. Sacré. Le grand frère était le grand frère. Y’avait du respect, mais il fallait se battre. Moi je me suis battu pour avoir la place d’aîné, même si je l’était pas…J’étais pas l’aîné, mais je me suis battu pour le devenir.

Interviewer : Comment?

BA : Parce que je me suis imposé à un moment donné, vis-à-vis de mon grand frère qui commençait à partir en Israël etc., mais comme un jour il m’a poussé, au lieu de me laisser faire, je me suis battu, et après ça, les rôles ont changé, et je suis devenu…Parce que dans les familles, comme chez les chiens, chez les chiens, il y en a un parmi les chiens qui se distingue des autres. On voit les chiens dans le pôle Nord etc., ils se tiennent comme ça! Il a une différente attitude, hein? J’étais celui-ci. J’étais différent de mes autres frères, différent de ma sœur, différent truc. Je suis devenu le chien différent qui n’est pas comme la motte des autres chiens, même dans mon quartier, y me voyait comme ça. Toby, il jouait au noyau d’abricot, et…hein hein, moi j’étais à côté.

00 :37 :21 :15

BA : Peut-être mes lectures, le fait de lire des livres m’avait peut-être tourné la tête, et j’suis devenu l’intellectuel (laughter), mais euh j’étais devenu, j’étais différent. Je le suis resté et encore aujourd’hui, je suis différent. Et, j’aime cette différence.

00 :37 :38 :08

Interviewer : Euh quels sont vos souvenir des nourritures préparées par vos parents vos grands-parents?

BA : Ben, c’est exceptionnel, parce que ma mère elle pouvait prendre une tomate et la couper en deux, mettre une goutte d’huile et un peu de sel, elle avait un goût extraordinaire. Mais maman! Comment est-ce que tu fais? Mais j’ai rien fait! J’ai coupé la tomate, et puis je …Non, elle a un goût, qu’est-ce que tu as fais??

Une pomme de terre, …Maman! Mais j’ai rien fait! Non, elle avait la main, elle avait la main, quand elle cuisinait, elle mettait de l’amour. Comme j’ai dis dans une de mes nouvelles :

Que d’amour de grâce et de tendresse, dans le simple fait de couper le pain chaud qu’elle envoyait au four et qui sortait avec de la fumée, elle mettait du beurre danois dessus, elle mettait de la confiture d’abricot, fait maison! Ou de la confiture d’orange, fait maison! Et goûté chaud comme ça, elle nous le donnait en sortant de l’école, et il y avait tellement d’amour, tellement de grâce, tellement de beauté et tellement de tendresse dans ce geste là. Que, bien sûr, ç’avait un goût différent. Et que, la nourriture de nos mères, la boulette de nos mères, le plat de nos mères, c’est pas le même. Et n’aura jamais, personne n’aura jamais le même goût, parce qu’elle avait l’amour dans tout ce qu’elle faisait.

00 :38 :57 :07

Interviewer : Est-ce que vos parents ou grands-parents s’habillaient de façon traditionnelle? Ou européenne?

BA : Non, mes grands-parents, de façon traditionnelle juive. Mais mes parents non, de façon européenne, ma mère et mon père.

00 :39 :12 :11

Interviewer : Et pour les occasions spéciales?

BA : Oh bien non, or quand il y avait la (unclear?), ils vont mettre le caftan, mais uniquement pour les occasions spéciales. Autrement ils s’habillaient à l’européenne.

Interviewer : Est-ce qu’ils y avaient des souvenirs que vous voulez partager par rapport à la vie sociale?

  1. BA : Ben, j’adorait…mon père était un bon conteur. Je dois retenir un petit peu de lui, j’espère. Il avait le don de raconter des histoires, de faire rire, etc. Et quand on se réunissait, il y avait des chansons, y’avait un joie de (word?), il y avait des histoires. Il y avait une union, une atmosphère tout à fait particulière que je recherche encore aujourd’hui, quand je fais moi-même des soirées et je veux ce mélange de gens et je veux bien manger, à boire, je veux qu’il y ait de la musique, qu’il y ait la fête. La fête, dans ma famille, est intrinsèque de nous. Nous vivons dans la fête, nous aimons la fête, nous cherchons la fête, nous faisons la fête. La fête, c’est nous. Et la fête, c’est ma famille, la fête c’est mes amis, la fête, c’est les gens que je mets autour de moi. J’aime les gens, et parce que j’aime les gens, les gens m’aime.

00 :40 :24 :19

BA : Et parce que nous nous aimons, nous devons créer la fête et j’aime la fête.

00 :40 :32 :08

Interviewer : Euh, ok. Voulez-vous nous décrire le shabat, les préparatifs, les emplettes, la préparation des repas?

BA : Il y a plusieurs chose qu’il faut dire pour le shabat. D’abord, ma mère qui faisait le marché, pas mon père, nous amenait à (word?) qui était débrouillard, et vif, au mois. Et on faisait le tour du marché du côté du mellah, (names places) et on faisait le marché. Ma mère commençait, elle avait la bonne, qui nettoyait les légumes, etc., et elle commençait à préparer son shabat très tôt, vers onze heures ou midi elle commençait…

00 :41 :25 :13

BA : Elle était extrêmement rapide. Elle faisait, on était dix pratiquement, si compte les 7 enfants, mon père, la bonne elle-même, on était 10-12, plus les invités qui venaient tout le temps à l’improviste, c’était des Arabes, c’était normal que 2 ou 4 personnes, ou des amis arabes viennent manger, c’était normal, donc c’était courant. Donc c’était le vendredi, et le samedi pour préparer (word?) du lendemain. Donc tout ça se faisait, ma mère était très efficace, rapide, et très bien, et vers 4-5 heures, elle allait au bain, au bain maure, pour se nettoyer, parce que c’était un soir particulier. Donc il fallait qu’elle aille, et elle amenait un nounou, moi quand j’y allait, je voyais toutes les femmes nues, donc j’étais très content. J’savais pas trop bien ce que je regardais, mais j’étais là.

00 :42 :06 :17

BA : ET donc on allait au bain maure. Elle sortait, elle avait les joues toutes roses, toutes propre, toute belle. Et elle rentrait, elle se mettait un beau caftan, et la table était prête, mon père arrivé, lui aussi avait pris son bain, mais lui à la maison, et les enfants aussi (noise of cleaning children) et ça grattait mes genoux. Mais maman, ça fait mal! Tais-toi! Et tous les enfants, trois ou quatre à la fois dans la baignoire. Three-four at the same time! Et elle nous…Maman! Taisez-vous! On était tout beau, tout propre, les petits pyjamas qu’on sortait seulement les soirées de fête, et on faisait le shabat, c’était un beau moment d’harmonie et dans le souvenir, dans mes souvenirs, c’est pour ça j’aime tellement les fêtes, je refuse jamais une invitation au shabat, et je cherche à me faire inviter.

00 :42 :59 :03

BA : Parce que je ne veux pas pas faire le vendredi soir et le samedi. J’aime ça.

00 :43 :06 :16

Interviewer : Comment votre famille était-elle pratiquante?

BA : Elle était pratiquante comme je dis, normalement elle avait pas de, de d’effort à faire. Elle était pratiquante parce qu’elle faisait tous les shabat, elle faisait toutes les fêtes—toutes—que ce soit Rosh Hashana, la Pessa’h, Yom Kippour. Pour Pessa’h, la maison était nettoyée au complet, pour Rosh Hashana, on faisait le couscous traditionnel. Pour Kippour on jeûnait, même si on était très jeune. Moi je jeûnait l’après-midi, pas le matin. Pas une bonne idée.

00 :43 :37 :09

BA : Mais on suivait absolument les fêtes de façon rigoureuse. Ah oui, rigoureuse.

00 :43 :45 :03

Interviewer : Est-ce que votre famille était impliquée dans la vie de synagogue?

BA : Mon père?

Interviewer : Votre père?

BA : Euh, non, il était, euh. Il était infidèle.

Interviewer : Donc vous aviez certains souvenirs de la synagogue que vous voulez partager

BA : Une fois, nous étions à la synagogue de (name), et un petit oiseau est entré par la porte extérieure, je crois que c’était à Kippour, et il y a eu un grand silence en général qui s’est fait. Quand le petit oiseau est entré, on a dit le Messie est arrivé! Et puis, il est reparti comme il était venu, et nous continuions nos prières. Mais sinon, il y avait une très belle atmosphère, et nous les jeunes, comme il y avait beaucoup d’éclaireurs dans cette synagogue particulière, j’aimais bien aller là.

00 :44 :37 :21

Interviewer : Est-ce que vous avez célébré votre bar mitzvah?

BA : Tard. Tard parce que je faisais du chantage à mes parents, je voulais être louveteau, sinon je faisais pas la bar mitzvah, donc j’ai fais tout ça. Malheureusement, j’ai fais la bar mitzvah après la mort de mon père, deux mois après sa mort. Parce que mon père était mort, je l’ai fais très tard, vers l’âge de 15 ans parce que je faisait du chantage permanent, mais ça c’est mon cas, il faut pas parler des autres, qui l’on fait à 13 ans comme tout le monde.

00 :45 :04 :20

BA : Mais moi comme j’étais particulier comme je l’ai dis, j’ai donc fait tard et euh, et deux mois après je suis parti, j’ai quitté Casablanca pour Paris et je ne suis plus jamais revenu après ça sinon en vacances ou en touriste.

00 :45 :21 :11

Interviewer : Donc, vous pouvez nous décrire votre bar mitzvah?

BA : Ma bar mitzvah? La mienne était triste, mais je peux parler de celles de mes frères, qui étaient euh traditionnelles, qu’on faisait au cercle de l’alliance rue Lacépède. Une belle petite salle où on faisait la musique, on chantait, on dansait, tous mes frères, pas ma sœur, mais tous mes frères on fait leur bar mitzvah évidemment.

00 :45 :47 :14

Interviewer : Alors, quelles étaient les traditions, la religion, qui imbibait la nourriture?

BA : C’est Juif marocain. Ma mère, non ma mère cuisinait traditionnellement juif marocain. Elle faisait une cuisine marocaine sophistiquée. Mais c’était une cuisine marocaine, faite de boulettes, faites de couscous, faite de poisson à la marocaine, mais elle cuisinait très, très, très bien. C’était une très, très bonne cuisinière.

00 :46 :12 :00

Interviewer : Est-ce que vous avez des souvenirs de Pessah ou de seder?

BA : Oui, alors, comme j’ai dis, il fallait strictement nettoyer la maison. Au mellah, je me souviens, quand j’allais chez mes grands-parents, ils passaient à la chaux la façade de leur maison de nouveau, comme pour la remettre à neuf. Et tout était nettoyé, tout était rangé. Il y avait une espèce d’effervescence exceptionnelle dans les fêtes de Pessah. Grand nettoyage, attention. Pendant trois quatre jours avant, il fallait pas de pain et puis finalement, euh, quand le soir de Pessah est arrivé, on attendait la soupe avec impatience, parce qu’elle avait un goût particulier. Et ce, le goût de la soupe de Pessah, jamais je l’ai retrouvé autre que le soir de Pessah. Par ma mère!

00 :47 :04 :03

Interviewer : Est-ce qui avaient des coutumes communautaires spéciales, des voyages aux sites sacrés?

  1. BA : Ben, oui, beaucoup, il y a beaucoup de saints comme vous le savez au Maroc. Que ce soit (name of saint), que ce soit (name of saint), ou que ce soit (name of saint), il y a des saints un peu partout, même aujourd’hui. Respectés par Juifs et Musulmans. Il y a des gens qui viennent de partout dans le monde encore aujourd’hui pour donner des centaines de milliers de dollars pour être protégé, pour être béni, pour que ça se maintienne, et il y a dans tout le Maroc encore, et je me souviens il y avait un mausolée en plein milieu du mellah, où les Arabes et les Juifs venaient prier, encore aujourd’hui, il y a des Juifs et des Musulmans qui vont prier sur les tombes. Les Juifs ils viennent de partout pour honorer ces saints là.

00 :48 :00 :00

Interviewer : Est-ce que vous avez des superstitions?

BA : Personnellement? Euh, oui, probablement de façon…la preuve, voilà, j’ai une amulette qu’on vient de me donner grâce à toi Natalie. On doit les avoir implicitement, parce que c’est vrai qu’au fond de nous on est tous superstitieux, même quand on dit je ne suis pas superstitieux parce que ça va m’apporter malheur. Mais en fait on l’est tous un petit peux je crois.

00 :48 :32 :22

Interviewer : OK. Donc, euh, des personnalités religieuses connues dans votre famille?

BA : Ouais, ben, on parlait toujours de (name), les noms de rabbins venaient régulièrement dans les conversations de ma mère, quand elle voulait nous bénir, quand elle voulait…qu’elle implorait Dieu. Ma mère avait une particularité, quand elle voulait quelque chose en particulier, elle parlait pratiquement tous les jours à Dieu. Mais pas n’importe comment : elle ouvre la fenêtre, parce que si la fenêtre est fermée, Dieu va pas l’entendre. Donc, elle ouvre la fenêtre, et elle lui parle! Et elle lui demande des choses, mais elle lui parle comme un ami.

00 :49 :14 :20

BA : Elle lui parle pas du tout comme un étranger. Elle lui parle : Dieu, je te demande …(looks up, hands in prayer, speaks). Elle parlait directement à lui! Si le téléphone sonnait, elle dit ‘Attends!’ et elle va parler à son fils! Elle raccroche et elle revient et continue sa conversation. Elle fait attendre Dieu! Pour aller parler à un de ses enfants. Mais elle le faisait vraiment, excuse-moi il y a mon fils qui m’appelle.

00 :49 :44 :20

Interviewer : Alors est-ce que vous avez des souvenirs d’organisations juives non-religieuses, par exemple, sionistes, qui étaient présentes?

BA : Ils étaient là. Et pourquoi je le sais, c’est parce que à un moment donné, après la mort de mon père, ma mère voulait, euh, elle avait trop d’enfants, elle en avait 7 et elle était toute seule à nourrir tout ce monde et à travailler et à faire tout ça. Et donc, je me souviens très vivement qu’un gars était venu un soir chez moi avec une bouteille de (mahia?), le signe de reconnaissance. La bouteille d’eau de vie. Il rentrait comme ça, avec un petit chapeau, et les yeux qui regardaient tous les côtés, et il venait me cherche pour aller en Israël.

00 :50 :29 :22

BA : Et ma mère a vu le bonhomme qui d’une façon évidente était religieux, et elle a regardé son fils tout grand, tout beau, tout jeune, et elle a dit ‘Non!’. Elle m’a laissé partir. Mais j’ai eu une expérience physique de cette rencontre. Mes deux frères Charlie et Daniel sont partis en Israël. Ils avaient 13 et 14 ans. Et ils ont fait une expérience d’environ un an là-bas. Mon frère Marc est parti ensuite pour Israël, il a fait des aller-retour…complètement. Donc, on…mon oncle était impliqué dans le mouvement sioniste très, très fortement, et il faisait partir des bateaux et s’est occupé (unclear here), c’était le frère de ma mère. Et complètement sioniste impliqué, intégré.

00 :51 :20 :13

BA : Après ça on a vu, bien sûr, il y avait la (name), y’avait d’autres mouvements juifs qui étaient là, mais des mouvements sioniste? Par mon oncle et par ces expériences que je viens de raconter.

Interviewer : et donc vos frères sont allés un an et sont revenus (unclear)

BA : Oui, mes frères sont allés à peu près un an en Israël, et sont revenus. Mon autre frère, il a fait des aller-retour et après ça il est venu ici au Canada, comme nous tous.

00 :51 :47 :04

Interviewer : Donc, c’est votre oncle qui était très impliqué.

BA : Oui.

Interviewer : Donc l’opinion familiale sur le sionisme? Votre mère avait un regard, euh…

BA : Je vais expliquer, je vais faire une parenthèse ici, parce que on était 300-350 000 au Maroc. Grosso modo. Des années, on va dire, ’65, quelque chose comme ça, ou avant autour de la Guerre des 6 jours, pendant ces années. En quarante-huit il y a eu un mouvement, petit mouvement à la création d’Israël, pour que des Juifs marocains s’installent là-bas. Après ça, il y a eu l’indépendance. Quand il y a eu l’indépendance, il y a eu la marocanisation, ça veut dire quoi?

00 :52 :30 :13

BA : Ça veut dire qu’il fallait absolument être associé avec un Musulman ou un Marocain d’origine musulmane, je crois, pour continuer à faire ses affaires. N’est-ce pas? C’est très important ce que je veux dire là parce que c’est essentiel pour comprendre notre départ systématique, parce qu’on était pas si mal au Maroc. On était protégé par le roi. Mais le mot ‘protégé’ par le roi c’est déjà quelque chose de pas acceptable. Je suis protégé par le gouvernement canadien, par la police, c’est normal. Mais le système me protège. Je n’ai pas besoin d’être protégé par un individu, qui peut tombé demain, et moi, me faire zigouiller. C’est pas une bonne idée.

00 :53 :11 :10

BA : En ’56, une autre vague, n’est-ce pas? Après ça, il a eu la Guerre des 6 jours. À la Guerre des 6 jours, ça ça devient grave et une autre vague beaucoup plus forte qui part. C’est la troisième vague : ’48, ’56, et ’66 je crois c’est la Guerre des 6 jours. Donc y’a toute une série de Juifs qui part, donc en France, au Canada, en Israël, aux Etats-Unis, au Brésil, y’a eu une diaspora extraordinaire à ce moment-là. N’est-ce pas? Et à partir du moment où le mouvement s’est installé, il était irréversible. Chacun va de son côté, les enfants d’abord partaient étudier, mais ensuite les parents qui vont les rejoindre. La peur de la peur qui s’installe.

00 :53 :58 :15

BA : Je parle de ça dans une de mes histoires qui s’appelle « Les faucons de (name) », où j’explique par une métaphore ce départ systématique. Et puis finalement, je dis que si nous étions restés au Maroc, nous aurions été aujourd’hui un million au moins! Si on était 350 000 il y a 3-4 générations, en ’66, aujourd’hui en 2015, 2016, on aurait été peut-être un million, comme on l’est dans le monde avec Israël, et au Canada, partout, les marocains d’origine sont à peu près un million, 1,2, 1,3 millions à travers le monde. Alors on était un million au Maroc? Insoutenable. Impossible, dans un pays musulman avec ce qui se passe entre l’Israël et les pays arabes. (unclear). On pouvait pas avoir de passeport facilement, la monnaie était restrictive, parce que, on pouvait pas échanger librement.

7A00 :54 :41 :11

BA : Donc, les gens qui nous disent, « Vous n’auriez jamais dû quitter le Maroc. » Hein hein hein, impossible! On n’avait pas le choix. Comme ça n’a pas été le choix pour d’autres pays arabes, qui eux avaient des problèmes politiques et des problèmes de refugiés et des problèmes difficiles parce qui pouvaient pas vivre vraiment dans un pays arabes. Nous on aurait pu…mais on pouvait pas. Pour des raisons qui sont intenables pour un pays musulman. Et le roi! Mais le Maroc ne nous a pas spoliés, le Maroc ne nous a pas fait de mal, le Maroc nous a laissé partir avec nos femmes et nos enfants, et nous ont laissé subrepticement partir vers Israël. Le roi a été important dans les négociations Israël et les pays arabes, Hassan II, il a été vraiment instrumental. Rabin est venu le voir, Peres est venu le voir. Il a eu une véritable reconnaissance des efforts du roi de Maroc dans cette histoire, mais en définitive, nous n’avions pas le choix que de quitter le Maroc, malgré leur gentillesse et malgré leur hospitalité, et malgré les regrets qu’ils ont aujourd’hui. C’était irréversible.

(I’m sorry, long story, long answer, but I think it’s important. You can edit it anyway).

00 :55 :59 :03

Interviewer : Est-ce que vous avez des souvenirs de l’ambiance pendant la guerre de 1956, au niveau de la radio, ce que les gens disaient?

BA : (nodding) Oui, tout à fait. Quand le roi du Maroc est revenu de chez son médecin, qui était exilé à Madagascar, et revenu, il y avait un roi puppet, qui s’appelait Arafat, qui n’a rien à faire avec celui de Palestine, Yasser Arafat. Donc Arafat a été placé par les autorités françaises, c’était un mauvais roi. Et il y a eu du terrorisme au Maroc. Notre épicier était un terroriste. Y’avait des terroristes un peu partout, y’avait des attentats. J’ai été témoin, j’étais très jeune mais j’ai vu ça.

00 :56 :40 :02

BA : Et il y a eu, finalement quand le roi est revenu, sous la pression populaire, des arcades partout, des youyous partout (imitates these), ça criait partout, qui veut dire indépendance, liberté, etc., la liberté. Et des chants et de la liesse, et le roi Mohammed 5 qui est arrivé dans cet espère d’euphorie générale, et tout le monde était super heureux qu’il revienne au pays. Il est mort malheureusement en ’61 et Hassan II a été le roi après ça, mais de ’56 à ’61 c’était Mohammed 5 et il y a eu une grande, grande joie populaire, précédée par des actes terroristes, et qui finalement, on fini dans la liesse et le bonheur du peuple marocain, qui avait vraiment voulu cette indépendance.

00 :57 :34 :04

Interviewer : Donc, décrivez les relations, euh, bon, des familles non-juives, on a parlé un peu de ça.

Est-ce que par exemple, vous invitiez des non-Juifs au mariage des relations. Est-ce qu’ils participaient ?

BA : Bon, ma mère elle a été, comme j’ai dis, très, très amie avec une famille (name ?) qui était en même temps, nos propriétaire. Encore aujourd’hui, leurs enfants sont nos amis. Ils viennent de la Californie, je les reçois et nous avons gardé une intimité, en tout cas une amitié, qui a perduré jusqu’à aujourd’hui. Et ma mère était invitée souvent à des mariages arabes, musulmans. J’ai une famille qui est musicienne, les (name), donc moi j’ai fais une tournée avec eux de musiciens pour les mariages arabes, donc j’avais des musiciens juifs qui jouaient au mariages arabes. (name) était d’origine juive, (name) était d’origine juive. Elle chantait chez le roi, etc.

7B 00 :58 :31 :07

BA : Il y avait un amour réciproque et il y avait une véritable affection. Mais, une séparation quand même. Faut pas oublier ça ! C’est qu’on était ensemble et séparé. Faut pas croire qu’on était comme ça, on était comme ça, et on vivait à côté et on vivait bien. Ça c’est très important de le dire. Mais il avait quand même, mais dans certains villages ils vivaient en osmose, dans les montagnes, les villages berbères, etc., Juifs et les Berbères, et Arabes, ils vivaient comme ça (clasps hands).

Interviewer : Ils se mariaient ?

BA : Non, il se mariaient pas.

00 :59 :01 :19

BA : Mais on vit ensemble, on mange ensemble, on dort ensemble, on est amis, on élève les gosses ensembles. Mais le mariage, c’est autre chose. Ça c’est interdit pour eux, et c’est interdit pour nous.

00 :59 :14 :19

Interviewer : Vous avez parlé plus tôt des scouts. Est-ce que c’était une organisation sioniste ?

BA : Non. Elle était peut-être sioniste, mais on le savait pas. Elle avait une (word ?) sioniste, puisqu’on chantait en hébreu, on faisait le shabat, on faisait des tas de choses comme ça. Mais, en réalité, elle était sioniste, mais comme ça (leans to one side). Covert.

00 :59 :41 :01

Interviewer : Bon, avant qu’on passe à l’émigration, est-ce qu’il y a un autre souvenir de votre jeunesse que vous voudriez partager avec nous ?

BA : Ben, j’en ai beaucoup, parce que comme je dis, j’écris là-dessus, alors donc oui, je vais parler de la plage au Maroc, je vais parler des piscines au Maroc, je vais parler de la joie de vivre au Maroc, du soleil du Maroc, je vais parler de la mer au Maroc, je vais parler de la Méditerranée au nord du Maroc, de l’Atlantique de l’autre côté, des odeurs d’iode que nous avions, je veux parler du bonheur que nous avions…peut-être que c’est le temps qui a fait ça ? Peut-être que nos souvenirs comme je dis, mais la jolie vie, retient les moments de bonheur et fasse comme par miracle, les moments de tristesse, avalés par le temps et l’oubli, les moments de malheur, de tristesse et de pluie. Je me retourne et qu’est-ce que je vois, des photos de mariage, des photos de bar mitzvah, des photos de plage, des photos de rire, des photos de bonheur, je ne vois pas des photos de malheur.

  1. 01 :00 :38 :22

BA : Et la même chose dans mes souvenirs. C’est comme un rétroviseur qui ne voit que le bonheur. ET donc, je me souviens des moments de joie au Maroc avec la liberté, ma petite moto, mes copains, les filles qui étaient belles comme tout, que j’aimais toutes, et la vie, qui était belle et qui était une vie de bonheur. C’est les souvenirs que j’ai. C’est pas une vie de malheur.

01 :01 :08 :05

Interviewer : Ok, on va parler de l’émigration. Alors déjà, comment ça s’est (word unclear ?) d’aller en Israel ?

BA : Ben, non seulement ça m’a jamais attiré, attiré, attiré. C’est plutôt la France, parce que je voulais faire du théâtre, du cinéma, etc., alors j’étais dans ce trip là. Et j’avais tourné un petit film au Maroc, qui s’appelait Les enfants du soleil, et tout ça m’était monté à la tête, et aussi je faisais du théâtre dans une organisation française qui s’appelait le Fol, la Fédération des œuvres laïques. Donc moi j’étais francisé. Mes écoles et (word ?), et le petit lycée, et le lycée (word ?), ils m’ont francisé. Mes lectures m’ont francisé. Donc, j’étais Français, dans mon esprit. La carte qui était dans la classe, c’était pas une carte du Maroc, c’était une carte de la France. Mes ancêtres c’étaient pas des Juifs ou des Marocains, c’était des Gaulois. Alors donc j’ai eu une expérience francophile.

01 :02 :05 :04

BA : Et je le suis resté. Donc, j’avais hâte d’aller à Paris, et de continuer…ma carrière formidable d’acteur…

01 :02 :18 :17

Interviewer : Bon alors déjà est-ce que vous avez eu des expériences de persécution ?

BA : Très peu, mais je me souviens de mon grand-père par exemple. Mon grand-père, ma mère me raconte…j’ai pas vu, mon grand-père passait et un Arabe, d’abord y’avait des restrictions : on pouvait pas monter à cheval, il fallait toujours qu’il soit plus bas que les Arabes, ils avaient un certain chapeau, ils étaient habillés…le petit chapeau noir, il n’avait pas le droit de porter le chapeau rouge des Arabes. Fallait qu’ils soient différents et qu’on puisse les distinguer. Qu’on puisse le remarquer et qu’on dise, voilà un Juif. On mettait pas l’étoile…

Interviewer : Tout le temps ?

BA : Non, pas tout le temps, mais on avait une façon distincte. Il fallait qu’on reconnaisse que le…l’Arabe du Juif.

01 :03 :08 :22

Interviewer : Jusqu’à quelle année, vous savez ?

BA : Dans les années, euh, trente, trente-cinq. Enfin, dans les années (word ?).

Interviewer : Ok euh quand votre famille est partie, qu’est-ce qui est arrivé avec l’imprimerie ?

BA : Alors, avec la mort de mon père, ma mère l’a reprise, et elle a pu la faire fonctionner parce qu’elle était plus businessman que mon père, et elle a prospéré. Elle a acheté une voiture, elle a déménagé dans les beaux quartiers, on habitait l’espace, on a habité dans les belles rues, un bel appartement, elle m’a acheté une voiture. Elle était plus dynamique que mon père, plus ambitieuse. Mon père était plus timoré, on va dire, ma mère était plus…ambitieuse.

01 :03 :47 :16

Interviewer : Et quand ta mère a quitté, qu’est-ce qui est devenu de cette affaire ?

BA : Alors, donc, elle est encore là. Nous, moi je pars à Paris. Ensuite, mes frères vont en Israël. Là elle se retrouve avec moins d’enfants. Après, en ’64, moi je vais en ’65 euh…j’arrive au Canada. Quand j’arrive au Canada, elle est encore au Maroc. Encore au Maroc. Et là je commence, et j’ai eu la chance parce que j’ai bien réussi rapidement, j’ai fais une affaire qui a très jeune, j’avais 22-23 ans quand j’ai commencé mon affaire et qu’elle a eu, qu’elle a marché bien.

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BA : Donc, j’ai commencé à faire venir mes frères. J’étais le premier de ma famille. Il faut pas oublier, c’est moi le pater familia. Donc j’ai commencé à faire venir mes frères, l’un après l’autre et quand suffisamment de frère étaient là, ma mère nous a suivi, elle a vendu le truc, elle a payé ses taxes, elle a tout voulu partir…clean, elle est plusieurs fois venir nous voir, comme touriste, et puis finalement, elle est venue s’installer.

01 : 04 :49 :17

Interviewer : Donc, euh, ok…

BA : Mais mon expérience est différente. Parce que j’étais à Paris, et mon oncle vient me voir, je travaillais, et dans un bon magasin magnifique. Mon meilleur ami, Français, du Maroc, mais Français, est allé faire son service militaire. Moi je me suis retrouvé tout seul.

01 :05 :07 :16

BA : Qu’est-ce que je fais ? Mon oncle, arrivé du Canada, dis « Qu’est-ce que tu fais là à Paris. Mais tu es fou ! Viens au Canada ! C’est extraordinaire ! Tu vas voir, c’est une vie formidable ! Tu as 21 ans, 22 ans, tu vas voir, tu vas réussir. » C’est une bonne chose. Ouf ! Je vais à l’ambassade du Canada, 15 jours j’ai eu mes papiers ! Quinze jours j’ai eu mon visa d’immigrant ! Il faut partir, j’ai tant de mois pour partir, pfft, j’ai rien à faire, ok, je vais aller quelques mois, free. (Name) il me paye mon billet, je voulais pas aller en avion, je vais en bateau, le Corinthia( ?). Je prends le bateau, et je vais 6-7 jours pour arriver à Halifax. Et je dis non, je veux pas prendre l’avion, c’est trop vite, alors je fais doucement le voyage pour arriver ici, et par la suite, avec mes beaux petits costumes de (name) et Pierre Cardin, parce que

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j’étais dans la mode, et je viens, je suis arrivé à Halifax, en mars. D’Halifax à Montréal, blanc tout le temps !

01 :06 :03 :00

BA : De la neige ! Blanc, je n’ai vu que du blanc ! Et j’ai vu noir quand j’ai vu tout blanc ! Comment, je tremblais dans le train ! Le train d’Halifax à Montréal, horreur ! Qu’est-ce que je suis venu faire dans ce pays ? Mais c’est de la folie ! Blanc, en mars ! Blanc, blanc, blanc, blanc, blanc, blanc, blanc, blanc. Rien d’autre que du blanc ! Le train (makes train noise) je ne sais plus combien d’heures, enfin on est arrivé à Montréal.

01 :06 :33 :05

BA : Et j’ai dis bon. Alors j’avais qu’une seule idée, c’était de repartir à Paris, vite vite vite vite vite vite. Mais j’avais pas d’argent. Parce que tout ce que j’avais j’ai acheté des vêtements, mes valises pour venir, j’étais zéro. Alors mon oncle il m’a dit, « Tu vas venir travailler avec moi. » David, qui m’a fait venir. Il venait de faire commencer son affaire, une affaire de chaussure. Il venait de commencer. Alors il me fait attendre. Et je suis là, j’attends…j’attends…au bout d’heure, j’dis « Qu’est-ce que tu me fais ? » ll me dis (imitates his uncle)…marocain, il me fait danser. J’ai dis « Non, non, non, non, moi j’suis venu pour travailler. Et je suis venu pour aller…» parce que je voulais vite gagner la vie pour retourner à Paris bien sûr. Mais ça m’intéressait pas de rester.

01 :07 :15 :07

BA : Alors, il me dit bon, tu vas vendre des pantoufles. Slippers ! Qu’est-ce que c’est ? Personnes n’ont des pantoufles au Canada. Il savait pas ! Alors je vais avec ma petite boîte de, ma petite valise de pantoufles. Au premier magasin, Mister G Shoe Salon, rue Ste-Catherine and McGill College, un petit magasin. Je rentre là-bas, et je parlais pas bien l’anglais, je dis Shoes for sleep, uh, good, uh, what the fuck is that ? Excuse me. What is that ?! Sleeping, uh.

01 :07 :53 :01

BA : Alors, he liked me, il m’a bien aimé. Il appelle mon oncle et il dit, c’est qui ce garçon qui est venu me voir. Il dit, um, my nephew. Il dit, est-ce qui peut, uh, can he work for me ? Alors mon oncle a dit, sure ! So I became the salesman, the manager, and the store cleaner, because I was the only person working there ! J’étais la seule personne à travailler là-bas ! J’suis devenu le manager de moi-même. Et j’ai commencer à travailler, and by an extraordinary turn of event, twenty or twenty-five years later, the building where this shoe stores, I bought out, part of the building on Ste-Catherine and McGill University became mine. Twenty-five years later ! Vingt-cinq and plus tard c’était le coin là où j’ai fais Sports Experts et là, mais…25 ans plus tard. J’ai commencé à travailler là, et puis j’ai pris un petit appartement, et j’ai commencé à faire venir mes frères.

01 :08 :49 :01

Interviewer : Donc, l’idée de retourner à Paris s’est envolée ?

BA : Ben, euh…j’ai commencé à travailler….et à gagner ma vie, à prendre un appartement, ma vie s’organisait. Et je vais travailler, Holt Renfrew, after the thing, because, pourquoi, parce que un jour, my aunt, ma tante avait un bébé, elle vient d’avoir un petit garçon et elle faisait le brit milah, alors je dis à mon patron, je l’appelle je lui dis, Je dois, I have to go to the brit milah…No, no, no you don’t go to any brit milah or anything, you’re there by yourself ; you can’t. I said, I have to go ! Now I speak English better ! Alors I said, I have to go ; he said, if you go, you’re not gonna come back to work…I said, shrug, and I left. And I went there, and I lost my job. Three days later, I go to the Jewish vocational service, remember I came with (name of org), now I go to the Jewish vocational service, and there is an opening at Holt Renfrew. Y’a une ouverture chez Holt Renfrew. Alors je vais, and they took me right away, but, les Français, ils savent vendre. Les Canadiens ils savent pas vendre.

01 :10 :01 :21

BA : Nous on sait vendre. Moi je sais très bien vendre. Et ils on vu un phénomène. Ils m’ont mis à Place Ville-Marie, Holt Renfrew…Ils me donne un pourcentage, et ou un minimum, et je dis, non, non, non, un pourcentage et un minimum ou on te donne un salaire fixe, j’ai dis non, non, non, un pourcentage ET un minimum. Je commence à gagner plus que le manager ! Un gars vient pour une chemise, je lui vend 6 chemises, je vends des costumer, je vends (unclear), j’étais un phénomène ! Deux mois plus tard ils me font venir à Sherbrooke, the main street, and then they were observing me !Because what is this phenomenon ? He can sell anything ! Et ils me disent, si tu vends ça, tu vends ça, je vends ça ! Tu vends ça, je vends ça. Je fais, pop, pop, pop, je vendais. J’étais un phénomène de vente !

01 :10 :49 :09

BA : Alors, après ça, je commence mon affaire, j’avais 23 ans, and my friend, un de mes amis vient, and I was very, very young and I looked very young ; I looked like a baby, 17-18 years-old, so how I’m gonna start a business ? Alors je demande à un de mes amis, qui était 10 ans( ?) de plus que moi. Il dit, Tu viens avec moi et tu es mon associé, mais juste parce que j’ai besoin de quelqu’un de plus vieux, pour euh…

Et on a commencé notre compagnie. On avait 1 500 $ et une voiture que je venais d’acheter, d’occasion bien sûr. Et il a dit, On va travailler de chez toi, j’ai dis, Non, non, non, on travaille pas de chez moi. On a pris un bureau, sur la rue La Montagne, petit bureau comme ça qui à peu près la taille de cette chambre-là, et on a commencé.

01 :11 :42 :03

BA : Et quelques mois plus tard, j’ai rencontré un type qui s’appelle (name) qui m’a donné l’endroit sur Drummond, avec la marchandise en consignation. Et on a commencé notre aventure, et là il n’y avait plus raison de partir parce que ça commencer à marcher tout de suite.

01 :11 :58 :09

Interviewer : Alors, avec le recul, est-ce que vous étiez bien préparé pour votre émigration ?

BA : Pas du tout. Nah.

Interviewer : Y’avait pas des préparatifs (unclear) ?

BA : Non, non, rien. Je voulais venir pour repartir. Je voulais juste des vacances.

Sorry (reaches over off camera)

01 :12 :13 :09

Interviewer : Et euh vous habitiez où pendant ce temps, où décriviez l’installation au Canada ?

BA : Pardon ? Alors j’habite…bon d’abord au début, début, début, j’habitais chez ma tante et mon oncle. Alors je suis arrivé chez mon oncle David, celui que j’ai rencontré à Paris, et qui me dit, Bien, tu viens. Le troisième ou quatrième jour, you know, je venais d’arriver, fatigué : « Tu vas pas faire comme ton frère ! Tu vas pas dormir toute la journée ! ». Hop, je prends

mes affaires, et je pars, je quitte. Je sais même pas où je vais, j’ai pas d’argent, rien du tout. J’ai très peu d’argent. Je vais au Y, sur la rue Drummond, et je dors là-bas, et ils me cherchent partout, et ils me cherchent partout. Moi j’ai disparu. Personne ne me crie. Personne ne me parle comme ça. Personne, hein, j’ai 20 ans 21 ans, tu ne m’insultes pas et tu ne me dis pas ça. Je suis disparu. Ils me cherchent partout. Finalement, ils me retrouvent, et…et je mourrais de faim, je passais sur la rue Ste-Catherine, I cannot eat, I have no money. I was starving and I was you know, Dunn’s I was on St-Catherine Street and I look the smoked meat and everything and my hunger got bigger.

01 :13 :36 :14

BA : Et alors…qu’est-ce que je fais ? Finalement, ils me retrouvent. Je vais chez un autre de mes oncles, je retourne pas chez David. Il m’a insulté. Nah. Je vais chez mon oncle Joseph ; je reste un mois. Après moi, je trouve un petit appartement, l’arrangement est que je trouve du travail ; j’ai commencé à travailler, je commence à gagner ma vie, j’ai trouvé un petit appartement sur la rue Saint-Mathieu, très mignon, très mignon. Et donc là je me suis installé et euh, je voulais repartir à Paris, je voulais gagner un peu d’argent et, pfui, goodbye.

01 :14 :12 :05

BA : Mais, un jour je passe sur la rue Bishop, et je vois un petit café. Café Prague. Je rentre dedans. Capuccino, first time. La première fois, je voyais du capuccino à Montréal, y’en avait pas à Montréal, là oui. Apple streudel, delicious ! And, il avait un petit café et on a commencé à aller régulièrement là-bas. J’avais un copain qui jouait la guitare, et un mec qui jouait de la flute indienne, et alors, euh, j’ai dis, euh, j’été voir le patron, Zag, qui s’appelait, un Tchécoslovaque, et j’ai dis, On peut dire des poèmes ? Comme j’avais fais un peu à Paris. Sure ! I don’t pay you, but if you want, no problem.

01 :14 :57 :10

BA : On a mis une petite boîte, à la guitare, à l’autre guitare, la flûte indienne et moi qui disait des poèmes tous les soirs. Enfin, je connais 500-600 poèmes maintenant, et tous les soirs, je disais des poèmes et on passait le chapeau. Et là j’ai commencé à aimer un petit peu Montréal.

01 :15 :16 :02

Interviewer : (unclear)

BA : Donc une ambiance un petit peu européenne.

01 :15 :22 :04

Interviewer : Bon, alors, euh, est-ce que vous voulez…on va revenir un tout petit peu en arrière, pour que vous me décrivez votre départ, l’expérience de quitter le pays.

L’expérience de quitter le pays.

01 :16 :11 :02

Interviewer : Alors est-ce que vous voulez nous parler de comment vous êtes passé comme ça, avec telle facilité, d’avoir été vendeur chez Holt Renfrew, à avoir votre propre business ?

BA : Alors, qu’est-ce qui s’est passé c’est que il y a quand même quelque chose qui s’est passé entre Holt Renfrew et mon propre business. J’adorait voyagé donc, euh, je partais pour un oui, pour un non, et puis j’ai toujours voyagé beaucoup. Bon, en revenant de voyage, je travaille chez quelqu’un d’autre qui s’appelle Russell, qui est un chemisier et très vite, parce que j’étais un bon vendeur je l’ai dis, il me demande d’être son associé, et de travailler, et de faire une compagnie parce qu’il me dit, Moi j’aimerais faire de l’importation et des choses comme ça. Alors on commence et puis je vois que qu’il ne veut rien faire, ça ne l’intéresse pas de travailler. Il me laisse faire tout le travail et lui il va me donner l’argent pour faire tout l’affaire donc je refuse.

00 :17 :11 :09

BA : Et je quitte. Et je vais, donc avec Sam (name), qui devient mon associé, il y a 10 ans de plus que moi, et nous partons sur notre aventure, sans argent, avec 1 500 $ donc j’ai emprunté et ma voiture, et un petit bureau qu’on a loué sur la rue La Montagne. Et on a commencé avec très, très peu de chemises, et puis là, je vais chez un…

Interviewer : Les chemises qui venaient d’où ?

BA : Euh…des pulls qui venaient de Nouvelle-Zélande. Quelques pulls, et rien du tout. Mais, j’avais un très, très bon œil, je regarde quelqu’un, Toi tu fais du 16 33 (po).

01 :17 :52 :00

BA : 16 33’’. Je peux voir exactement la taille de quelqu’un, je vois sa tête de chapeau, je vois sa taille de chaussure, tout de suite je vois. Mon œil est très exercé. Et un petit café, un restaurant, une terrasse qui est sur la rue de la Montagne, non, sur de Maisonneuve, et rue de la Montagne, qui s’appelle Bourgetel. Je vais là-bas : toi, 15 ½ 32 (po), attends, pfui, je cours chez un gars qui vendait des chemises et je prends 6 chemises, je vais lui vendre 2 chemises, 3 chemises, un costume, et je paye y me donnait et au bout de 2-3 semaines, un mois de ça et demi, il me dit, Mais tu vends ça mieux que moi !

01 :18 :28 :16

BA : Tu vends mieux que moi ! Pourquoi tu viens pas…moi je connais rien au vêtments, et c’est un libanais. Il s’appelait (name). C’est une histoires formidable, et je la raconte dans un de mes livres, un homme magnifique, merveilleux, (imitates accent) Pourquoi tu ne viens pas prendre mon business ? Moi je connais rien aux vêtements ! Je te loues !

Alors, j’ai dis, ok ! Combine tu me loue ta place ? Il me dis, Donne-moi 400 $ Mais, et les vêtements ? Je te les donne en consignation. En consignation ! Des pulls, des chemises, des costumes et j’avais 60, 90 jours pour le payer.

01 :19 :08 :19

BA : D’un seul coup, je me suis retrouvé avec une affaire. J’avais rien…une dactylo, y’avait des machines IBM, pock, pock, comme ça, pas comme des computers, des machines, il y avait des vêtements, il y avait des bureaux, il y avait des tables, il y avait de la moquette, il y avait des…des trucs. J’ai dis…j’ai commencé à vendre…l’argent.

01 :19 :32 :05

BA : On rentre de l’argent ! Je vais à Paris ! On commence à acheter des trucs. Et on commence à vendre. Maintenant, j’ai de 60 à 90 jours. D’abord, je dois dire qu’il a été merveilleux ce (name) et je le remercie encore aujourd’hui, parce que c’est lui qui m’a donné ma première chance. Mais j’ai tout payé 100 pourcent tout ce qui m’a donné. J’ai vu sa fille quelques années plus tard, qui m’a venue…je lui ai dis, Comment est-ce que tu t’appelles ? Elle m’a dit, (name), je lui dis, la fille de (name) ? Tout ce que tu veux, je dis oui, avant tu dises quoi que ce soit, parce que c’est elle, enfin son père, qui m’a donné ma première chance, et c’est comme ça que j’ai commencé ma compagnie.

(Long story, sorry)

 01 :20 :14 :23

Interviewer : Est-ce qu’ici à Montréal vous avez commencé à appartenir à une synagogue ?

BA : Euh, oui. Oui, euh, ben, moi ce que je…j’étais très impliqué dans la communauté ici. Dès le départ. Pourquoi ? Mon oncle, (name), faisait parti de l’ASF, qui n’était pas encore la CSQ, c’est le premier nom, même avant même, le Rassemblement des marocains, etc. Et il y avait (name), et il y avait (name), et il y avait (name), les (unclear) qui était là. Mon oncle m’amenait là. Dès le départ, dans les années ’66-67, j’ai fais parti du premier groupe, avant même que quelque association quelconque…, et j’ai fais le drapeau avec mon oncle. Il a créé l’ASF et j’étais là. Et j’étais avec mon oncle….son bras droit pendant des années, et j’étais comme, tu le sais peut-être, président de l’appel Juif, j’étais président de la quinzaine sépharade, j’étais président de la…du comité culturel…de l’ASF.

01 :21 :24 :02

BA : Et donc j’étais mêlé de près ou de loin à tout ce qui s’est fait dans la communauté pendant des années et des années. Un, j’ai eu le prix du roi David de littéraire enfin, mais j’étais très, très, très, très, très impliqué dans la communauté de travail communautaire.

01 :21 :38 :02

Interviewer : Donc, vous avez forgé beaucoup de relations facilement avec les autres émigrés ?

BA : Avec d’autres émigrés, oui bien sûr, bien entendu.

01 :21 :50 :02

Interviewer : En général, est-ce toute votre famille s’est adapté à ce nouveau pays?

BA : Ben, euh, plutôt bien….Pardon?

Interviewer : Y’avait des problématiques?

BA : Ben, le climat, pour commencer. Parce qu’on n’est pas habitué. Et ma mère a mis des années et des années à s’habituer et même nous tous, le froid, comme on voyageait souvent comme dans mon cas que je voyageais souvent ça devenait…tenable. Ouais, on s’est adapté au pays, je veux dire.

01 :22 :19 :20

Interviewer : Et donc en tout les appuis d’organisations c’était…

BA : Oui, en tout cas, c’était (name), la Jewish vocational service, etc. J’en ai profité, j’ai d’ailleurs tout remboursé, je dois dire fièrement, mais j’étais là.

01 :22 :39 :12

Interviewer : Alors, est-ce que vous avez raconté tout à l’heure une très belle impression…première impression de votre pays d’adoption. La blancheur. Et le froid. Est-ce qui avait d’autre chose?

  1. BA : Ben, je me suis vite aperçu qu’il avait, euh, une grande candeur et une grande gentillesse chez les Québécois. Une certaine, j’allais dire naïveté, mais je ne peut pas dire ça, mais oui, une candeur et une gentillesse naturelle. Et je me suis vite…j’ai eu des girlfriends québécoises très tôt, euh, je suis resté avec une québécoise indienne pendant 4 ans. Françoise Lemire, et euh, je me suis bien, j’ai bien aimé à part le froid, c’était bien.

Et je me suis vite intégré à la société québécoise. La société anglophone. Et à la société marocaine. Je n’ai pas eu de problèmes d’association avec les différents groupes, parce que ma personnalité me le permettait. Donc j’avais des amis dans tous les groupes. 

01 :23 :44 :23

Interviewer : Donc, alors, vous avez été dans la mode, et après vous aviez dit que vous étiez écrivain.

BA : Non, j’ai toujours été écrivain.

Interviewer : Toujours?

BA : Ouais.

Interviewer : Donc, ok, vous voulez nous parler de ça?

BA : Oui! Bon, j’ai parlé de mes lectures quand j’étais petit enfant, et j’étais le premier en français pendant toute a vie depuis j’ai 6-7 ans. D’ailleurs j’ai une petite anecdote, quand je suis entré à l’école, mon premier jour de classe, et la maitresse (name) m’appelle, et elle me demande, euh, elle dis, est-ce qu’il y a quelqu’un dans la classe, est-ce qu’il y a quelqu’un qui connaît un poème, euh, un truc, j’en connaissais de quelques vers, 3-4 vers. Je suis monté très fier, avec mon cœur qui battait très fort, et j’ai dis mon petit poème, et elle m’a donné un bonbon!

01 :24 :36 :18

BA : Le bon point c’était le bonbon, et j’ai pris ce bonbon, que j’ai mis dans ma poche…rien! Mon frère est venu me chercher à l’école, j’ai gardé le bonbon, et j’arrive à la maison chez moi, je cours je monte les escaliers, Maman! Maman! J’avais gardé le bonbon, mes yeux brillaient. Mes dents étaient en or, comme elle disait ma mère! Mes joues étaient roses et rouges! J’avais le bonbon, ah, ah, ah, je faisait comme ça, et là j’ai pu manger le bonbon, mais je l’ai gardé pendant pratiquement deux heures sans le toucher! Fallait d’être d’une certaine volonté! Je l’ai eue. 

01 :25 :14 :11

Interviewer : Alors, um,

BA : Et comment j’suis devenu écrivain? Oui.

Interviewer : Oui, voilà.

BA : Oui alors, comme j’ai dis, j’ai toujours été premier dans mes cours de français pendant toute ma vie. Depuis mes classes primaires jusqu’à terminales. Et puis ensuite j’ai voulu faire du théâtre. Et, un jour, quelqu’un me demande de, euh, j’étais dans le milieu artistique également, je suis devenu impresario et puis j’ai fait venir (names here), j’étais associé avec Guy Latraverse, et j’ai fais des spectacles etc. Et un jour on déjeune avec René (name), hein? Et je parle d’être petit, je dis, ça m’a toujours marqué, on était avec Aznavour et on était avec (name) et on était avec Guy Latraverse. Alors il me dit, écris là-dessus! Et j’écris Le monde est petit.

01 :26 :01 :09

BA : Qu’il a publié dans le magazine Nous. Et une femme qui m’appelle, Eh, c’est bien ce que tu as écris, tu veux pas écrire une autre nouvelle?

J’ai dis oui et j’étais président de l’alliance universelle, les amis de l’alliance universelle, israélite universelle, j’étais président ici, j’écris sur la rentrée, ma première rentrée des classes. Cette histoire de bonbon! Et quelqu’un qui m’appelle d’une tribune juive me dit, Tu me permets que je la publie? Bien sûr! Elle publie la nouvelle!

Tout le monde a adoré! Tu peux en écrire d’autres? Et j’écris à chaque mois, une nouvelle, pour elle. La rentrée. Jour de plage. Etc. Quelque mois plus tard, Pierre Nadeau : tes histoires j’adore! Il était journaliste à la télévision, Radio-Canada. « Tu veux que j’en parle à un de mes amis qui est éditeur? » « Bien sûr! » Les Éditons Hurtubise m’appelle, « M. Abitbol, j’ai lu vos nouvelles, ça m’intéresse, voulez-vous qu’on les publient? » « Mais bien sûr! »

01 :27 :07 :02

BA : Me fait signer un petit contrat, pfft, on me donne un pourcentage ridicule que j’accepte. Et il publie ce livre qui s’appelle Le goût des confitures. Qui a eu un énorme succès! Qui est traduit maintenant en anglais. Qui est traduit en hébreu. Qui raconte un petit peu mes premières aventures d’enfant, de plage, etc. Et quand j’ai fais ce premier livre ça m’a encouragé à faire les autres, à écrire des pièces de théâtre, à écrire des livres de poèmes. J’en suis, j’en suis à mon cinquième livre, je suis à deux livres de poèmes et j’ai sept livres, plus la huitième qui va, j’espère, sera jouée bientôt ici.

01 :27 :44 :09 :

Interviewer : Magnifique. Alors conservez-vous un héritage sépharade?

BA : Absolument!

Interviewer : À quel niveau?

BA : À 100 pourcent

Interviewer : Traditions? Nourriture?

  1. BA : Tout. Mais en esprit je me sens Juif et je suis Juif. J’étudie euh, j’ai acheté le Talmud pour les idiots, Talmud for Dummies, et je lis ça, et je vais à la synagogue, j’aime ça. Et je suis pas très religieux, je le répète, je suis très, très, très, très, très, Juif. Et je n’étais pas marié avec une juive. Je ne me suis pas marié avec une juive. Elle devait se convertir, et quelqu’un m’a dit, Laisse-la faire bien le travail et finalement elle a pas jamais voulu, mais j’ai donc dû convertir mes enfants, pour qu’il fasse sa bar mitzvah, mon fils, et je l’ai amené à Brooklyn, faire une deuxième circoncision, qui l’a marqué d’ailleurs. Même si elle était symbolique. Pour qui fasse sa synagogue, pour qu’il fasse sa bar mitzvah à la Spanish Portugaise, qui est la synagogue où je vais, qui était la question tout à l’heure.

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BA : Et, pour faire la communion de mon fils, j’ai dû le faire reconvertir au judaisme, parce que sa mère ne l’était pas.

  1. 01 :28 :57 :21

Interviewre : Alors quel est l’élément le plus important de votre héritage sépharade?

BA : Hmm, j’allais dire la nourriture, mais en fait, en réalité, c’est l’esprit que ça nous a laissé. Un esprit de tolérance. Un esprit de…sociétal. D’amitié. D’ouverture. De franchise. De bonté peut-être aussi. Y’a une espèce de bonté chez le sépharade, c’est peut-être une généralisation mais enfin, j’aime bien les gens, les gens sépharades sont tolérant et gentils, et heureux, et la joie de vivre, les sépharades.

01 :29 :45 :06

Interviewer : Comment vous décrivez votre identité : culturelle? Juive? française?

BA : Tout. Juif. Français. Marocain. Canadien. Américain. Mexicain. Tout.

01 :29 :56 :02

Interviewer : Est-ce que vous vous considérer un réfugié?

BA : Alors il faudrait juste une seconde que je dise ce poème. Where is my book, the other one, the other one?

I wrote a poem on that, very funny…that says it all. Because it says it all, it’s a very short poem.

01 :31 :08 :11

BA : Alors, j’ai donc écris un petit poème à ce sujet, qui raconte un petit peu ces différentes identités. OK?

01 :31 :15 :17

BA : J’ai écris un petit poème qui raconte un petit peu ces différentes identités, ça s’appelle Je voue avoue.

Je vous avoue je suis un peu perplexe

C’est que mon identité est un peu complexe

Juger vous-même si vous pouvez

Essayer de m’aider

Je vais tout vous raconter

Au Maroc où je suis né

On m’a dit t’es Marocain

Pas de problèmes, j’ai dis très bien

Tu seras fidèle à ton roi, ton pays tu honoreras

J’ai dis, ça me vas

Les Français sont arrivés

On m’a dit faut tout changer

Protectori, protectorat

Les Arabes j’y connaît pas

Tes ancêtres sont des Gaulois

J’ai dis ouah-hah!

Mais attention, n’oublies pas!

Où tu ailles où que tu soies

Juif tu es, Juif tu mourras

J’ai dis hourra

En France où je suis passé

On m’a dit tu vas être respecté

Renonces, renonces vite à ton identité

Où tu sera un émigré, j’ai dis parfait

Arrivé au Canada, on m’a dit t’es Canadien

Et aussitôt par la grâce de Dieu

C’est devenu le pays de mes aïeux

Attention mes amis, attention, fait pas bêtises

T’as plus le choix

Au Québec, t’es Québécois

Je me suis dis, et pourquoi pas?

On le répète, avec tout ça n’oubliez pas

On me répète où que je sois, Israël est tout pour toi

Pourquoi ce soir, entre Juif ou Marocano ou

Ex-Français en transito ou Québécois-Montréalais en exilo,

Et Israélien-Californien par mes enfants un peu Mexicano

De ce goût de confiture, ce nouveau parfum

Je vous souhaite une bonne (word?)

Parce que moi tout seul, j’ai compris

Que je suis de mon pays, et de tous les pays

Amen

01 :32 :49 :08

Interviewer : Wow. Merci beaucoup.

01 :32 :56 :01

Interviewer : Alors, euh, quel message voulez-vous partager avec les gens qui écoutent cette entrevue?

BA : Je veux qu’ils sachent que 1) nous avons été heureux au Maroc, malgré tout; 2) que nous avons quitté le Maroc parce que n’avions pas le choix; 3) que le Maroc a été généreux malgré tout, même s’il y a eu des choses qui n’étaient pas acceptables mais que l’époque ou la religion leur demandait, mais ils étaient quand même généreux; on n’a pas souffert autant que dans les autres pays arabes, mais quand même, résultat qu’on a été spoliés, on a quitté un pays qu’on ne voulait pas quitté, on a quitté un pays où nous étions 15. heureux, on a quitté un pays où nous étions là pendant des générations et des génération, depuis des siècles et des siècles, c’est pas une migration nouvelle, il a fallu changer de pays, il a fallu changer de métier, il a fallu changer d’habitudes, il a fallu changer de climat, il a fallu changer de tout ce qui était nous, il a fallu s’adapter, et perdre notre identité, pour retrouver une nouvelle.

01 :34 :07 :22

BA : Heureusement, nous étions jeunes, mais nos parents, ils se sont retrouvés dans un no man’s land sentimental, ils se sont retrouvés dans un no man’s land affectif, quelquefois rejetés par leurs enfants quand ils sont arrivés en Israel, parfois, quand ils sont arrivés d’un peu partout. Il a eu une coupure, une cisure, une, une, quelque chose qui s’est cassé, comme un vase cassé. On a beau le remplacer, on a beau le recoller, les fissures sont toujours apparentes. Et c’est ce qui nous est arrivé. Alors oui, on peut dire le Maroc a été gentil et bien, mais on peut dire aussi qu’on a été obligé de quitter et que peut-être c’était pas une chose qui aurait dû nous arriver parce que nous étions Juifs, nous aurions dû être acceptés dans tous les pays du monde, parce que nous étions tout d’abord des bons citoyens, des bons Marocains, on payait bien nos taxes, on faisait pas de problèmes, on n’était pas terroristes, on n’était pas des criminels. En général le Juif n’est pas un homme qui ne s’adapte pas à la société. Qui est en général un bon citoyen. Alors mon expérience est une expérience positive parce que j’ai survi. Mon expérience est une expérience heureuse parce que j’ai la joie de vivre, mais mon expérience est quand même une expérience malheureuse parce que c’est ça la vie. On peut rien faire d’autre

01 :35 :22 :22

Interviewr : Un grand merci

BA : Eh bien voilà. Merci